L'ours de Ceausescu n'est pas une BD sur un animal sauvage des forêts profondes de Roumanie tué par le dictateur, Ceaucescu avec sa femme, Eléna. Même si le dictateur était réputé, une légende, savoir tuer n'importe quel ours qui passait dans son viseur. Non, l'ours représente le peuple, qui même sous le joug de la dernière dictature d'Europe de l'Est du XXè siècle, a su sortir ses griffes dès que l'occasion s'est présentée.
La Roumanie, un soir de fin décembre, en 1989, oui, je m'en rappelle ! Un vieux couple aux yeux terrifiés, dans un coin d'une pièce, et en voix-off, l'explication du procès et leurs peines de mort annoncées. Après l'effondrement du Mur de Berlin, la même année, ce régime des sanguinaires dictateurs de l'Est prenait fin. Des jours après, des images d'enfants aux corps nus, malades, dits déficients, qui baignaient dans leurs excréments, au coin d'une pièce vide m'ont longtemps obsédés. Enfermés là, car dégénérés… Impossible de les oublier !
Alors, est-ce-qu'une bande dessinée peut aider à comprendre ce qu'était cette dictature terrible ?
L'ours de Ceausescu choisit de nous raconter le parcours de sept personnages, tous opposants « gentils » au régime, tant la censure était dur car efficace. Et, par la magie des auteurs, ils vont illustrer par leurs actions ce moment de l'histoire mondiale du XXè siècle.
Leur opposition, et j'en dirais le moins possible, semble dérisoire face à une stratégie du pouvoir, basée sur la répression et les privations extrêmes. Une jeune femme ne veut pas faire comme tout le monde depuis longtemps. Un homme encore jeune n'a pas suffisamment appris sa leçon lors de son entretien d'embauche. Un écrivain avec sa machine à écrire veut l'enregistrer aux répertoires des objets professionnels seulement, il y a une touche qui cloche. Un clown, oui même un clown, son crime est d'avoir fait rire ! L'histoire d'une bonne qui a voulu se croire un instant une grande dame. Des policiers corrompus, etc.
En quelques pages, les portraits sont dressés, attractifs et inoffensifs. Ce sont des gens ordinaires qui subissent ce régime de plomb et? pour quelques minutes de rêve, sont emprisonnés. La pirouette de fin permet de rester dans la tonalité de l'humour, de la légèreté et de la farce pour ce roman graphique très agréable.
Aurélien Ducoudray, ancien journaliste devenu scénariste, rencontre sur Angoulême le dessinateur
Gaël Henry. Paul Bono, le coloriste, les rejoint. Aux précisions documentaires de l'un s'ajoute les dessins très figuratifs emprunts d'humour et d'une colorisation fouillée des deux autres.
L'ours de Ceausescu revient sur l'événement tragique qui pointe la fin d'une dictature de l'Europe de l'Est dans les années 80. Pourtant, le comique n'est jamais loin. le dessin, le scénario et même les détails pointent l'inutilité d'un tel système qui dans la réalité à virer au cauchemar pendant des années, mais ici, nous fait rire par la bêtise qu'il véhicule. En effet, le culte de la personnalité poussé à l'extrême est transformé en bouffonnerie, en énorme dérision. Un bien bon moment de lecture !
Lien :
https://vagabondageautourdes..