Comment écrit-on sur la vie d'une personne ? A travers la biographie de Hollis Jeffcoat,
Martine Delvaux explore et nous fait partager ses recherches patientes et fouillées jusqu'à l'obsession pour cette peintre qui a partagé la vie du peintre et sculpteur québécois Jean-Paul Riopelle.
« C'est toi que j'allais placer au coeur de ma vie à moi, que ma traversée allait durer des années, que je serais obsédée par toi, que je te pourchas¬serais par-delà la mort, ne pensant plus qu'à ce projet sans vraiment comprendre pourquoi ni comment j'arriverais à t'écrire, à glisser ton visage sur le mien, à l'épouser. »
Mais comment devient-on artiste peintre ?
« Tu viens d'une famille pour qui l'art n'a pas d'importance, pour qui ton désir d'être peintre ne signifie rien, parce que de quoi peut vivre une artiste ? »
Oscillant entre scénario, biographie et fiction,
Martine Delvaux retrace la vie et le parcours artistique d'une grande artiste demeurée dans l'ombre. Lorsqu'elle fait irruption dans la vie de
Joan Mitchell, artiste peintre et graveur et de Jean-Paul Riopelle, elle bouscule leur vie de couple.
Lorsque, dans les années 1970, Hollis Jeffcoat vit à Paris entre les deux grands artistes que sont
Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle, l'époque est au féminisme et les femmes cherchent à exister en tant que femme dans une société encore patriarcale.
« Moi, je veux réveiller les mortes » dit
Martine Delvaux pour décrire sa démarche qui ressemble à une enquête policière. Elle fouille les catalogues d'exposition, scrute les photos, lit les biographies, les lettres, cherche des témoignages pour éclairer les parties d'ombre.
Cette recherche vire à l'obsession.
« Tu es mon membre fantôme » dit-elle tant cette histoire l'a happée.
Cela la mène aussi à se questionner sur la vente des tableaux. Vente aux enchères, spéculations qui rendent l'achat d'une oeuvre réservée aux plus riches.
Elle s'intéresse aux jeunes artistes dont la visibilité est rendue difficile, surtout quand l'artiste est une femme.
Les chiens occupent une place importante dans le récit car tous ces ces artistes avaient comme lien commun le fait d'aimer et de posséder des chiens.
J'ai trouvé le récit assez fouillis, tout s'emmêle, ce qui ne rend pas la lecture fluide. Mais nous sommes dans une recherche, une enquête sur une artiste dont on sait finalement peu de choses. D'où la difficulté à restituer ce qui a fait sa vie. L'auteure a fait un travail de documentation considérable, et ce qui devait être un scénario pour un film se transforme en une recherche biographique où les questions restent nombreuses.
En utilisant le « tu » pour parler de H Jeffcoat, l'auteure nous la rend proche. L'obsession qui l'habite est bien présente dans le texte.
Ce récit ne doit pas être abordé par le lecteur comme une biographie classique. Il s'agit d'un travail d'écriture plus complexe qui aborde la construction d'un récit et les questions sur comment décrypter la personnalité d'une femme amoureuse qui voulait avant tout être une artiste.
Ne connaissant aucun des trois artistes cités, j'ai trouvé cette lecture plutôt ardue et je me suis penchée sur leurs oeuvres pour mieux appréhender le récit de leurs trajectoires.
Donc, même si je reconnais la complexité d'une telle oeuvre littéraire, ma lecture reste mitigée.