Le silence. Celui qui effraye certains dès qu'il menace une conversation, obligeant à dire n'importe quoi pour le combler - comme ce mari qui, alors que sa femme écrit dans l'avion à côté de lui, répète à voix haute les indications lumineuses relatives au vol, inutilement, pour briser son ennui et
le silence qui s'installe entre eux.
le silence, qui en pousse d'autres à laisser la télé en
bruit de fond pendant le repas ou entre amis, quitte à parler par-dessus si nécessaire, pour pallier son éventualité. Ce silence angoissant qui suit les catastrophes ;
le silence radio, comme celui provoqué par la panne (locale, générale ?) : celui de l'incertitude, qui pousse tout le monde à le combler à sa façon. Car
le silence est perçu comme un vide, et la nature a horreur du vide.
Alors on se rapproche des voisins, des amis, on a besoin de l'autre. Chacun parle mais nul n'écoute, comme si on n'avait rien d'intéressant à se dire ou qu'on ne savait plus s'écouter sans bruit autour. « Tout sauf
le silence ! », semblent crier les personnages de ce petit livre de 100 pages. Lire ces dialogues étranges, dont le seul but semble être d'entendre du bruit, convoque rapidement le proverbe : « Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que
le silence, alors… TAIS-TOI ».
le silence est-il à ce point insupportable ? Ou rend-il parano ? Quand le brouhaha du monde que nous mettons en permanence en fond sonore (télé, téléphone, musique, etc…) a cessé, entendons-nous enfin nos propres pensées…?
Le silence inhabituel plonge les personnages dans une sorte de vide qui fait peur, comme une petite mort. Chacun ressent le besoin de le meubler : « Toucher, étreindre, parler sans s'arrêter » pour ne pas être engloutis par ce néant assourdissant. « En guise de protection contre
le silence planétaire qui appose son sceau sur nos heures, nos minutes, nos secondes. »
« Est-ce qu'on est dans une situation où on doit réfléchir à ce qu'on va dire avant de parler ? » Parler c'est agir, ne plus subir, reprendre le contrôle. Prouver qu'on existe encore. Alors les mots se bousculent, sortent, précipités, effrayés, poussez pas tout le monde sortira, dans le désordre, d'une voix calme, ou hystérique, tout est dit, mais rien n'est dit, pas l'essentiel, que de l'inutile, de l'insensé, le vomi de la pensée, non, ce n'est pas de la pensée, ça relève plus de l'automatisme. « La situation actuelle nous apprend qu'il n'y a rien d'autre à dire à part ce qui nous traverse l'esprit » : Comme on comble un vide affectif accumulant des objets, on emplit
le silence de mots.
Quand la technologie garde
le silence, nos paroles veulent réinvestir l'espace. Et plus
le silence est pesant, plus les mots sont immenses : cyberattaque, intrusion numérique, explosion d'une centrale nucléaire. Parce que
le silence, c'est aussi celui qui est gardé sur ce qui est en train de se produire. Ce silence, c'est le doute qui plane, s'insinue. Alors, l'imagination a toute la place… Finalement, ce sera peut-être elle, la troisième guerre mondiale : Celle du silence. Après nous avoir habitués à un flot d'informations en continu, du bruit télévisuel en permanence, la meilleure attaque c'est
le silence.
le silence comme incertitude, qui nous fait imaginer le pire… qui rend fou. On sait ce qu'il est de nous mais plus du monde. Or aujourd'hui plus que jamais, « le monde est tout, l'individu n'est rien ».
« Apparemment tous les écrans sont devenus noirs, partout. Que nous reste-t-il à voir, à entendre, à ressentir ? » L'angoisse de l'écran noir comme celui de la page blanche. Est-ce qu'en cas de page blanche, on se sent obligé d'écrire n'importe quoi aussi ? de laisser sortir des idées et des mots comme ils viennent ? Tiens, pourrait-on en faire un livre…? Très étrange cacophonie que celui-ci, drôle de texte dont ont jailli mes réflexions balbutiantes mais très peu de plaisir de lecture et tout aussi peu d'intérêt pour les dialogues, tant l'auteur nous laisse face à eux, nous débrouiller avec notre interprétation.
Au départ j'ai aimé que le sens non-évident fasse réfléchir, mais à la fin j'aurais aimé que tout s'éclaire. Or j'ai eu l'impression que les situations esquissées étaient laissées en suspension au-dessus du vide ; que l'auteur gardait
le silence sur la signification profonde qu'il avait voulu donner à tout ce bruit autour du silence. Suis-je passée à côté de l'intérêt, n'ai-je pas compris les mots, leur sens ? Peut-être un livre à relire et à méditer… Une façon de nous inciter à nous déconnecter un peu du monde, à revenir à soi, à écouter les autres et réapprendre la valeur du silence. Faire taire les écrans pour revenir à l'humain. L'intérêt de ce genre de livre ouvert, c'est que chaque lecteur en tirera sa propre interprétation, sa propre morale de l'histoire. Je ne sais pas si c'était le but, mais avoir lu ces bavardages me confirme que, parfois, rien n'est plus beau que
le silence. Etrangement, j'espère préférer
Bruit de fond, déjà dans ma PAL ! A présent « Excusez-moi, je vais essayer de me taire ».