Lu dans le cadre de la sélection du prix Cezam 2020.
Tout le bleu du ciel, premier roman d'une jeune autrice,
Mélissa Da Costa, repose sur un scénario original, une magnifique idée, mais qui n'est pas dénué de risques dans l'écriture et la construction de l'intrigue.
Tout part d'une annonce publiée par un jeune homme de vingt-six ans, Émile, atteint d'une maladie précoce d'Alzheimer. Fuyant la compassion de sa famille, les risques qu'il entrevoit d'un acharnement thérapeutique, il recherche un(e) compagnon(ne) de voyage pour partager un dernier périple jusqu'à la fin ultime attendue. C'est ainsi qu'il fait la rencontre d'une jeune femme, Joanne, secrète, mutique, qui accepte la proposition. Ils partent ainsi tous deux en camping-car sillonner quelques routes de montagnes et de bord de mer dans le Sud de la France entre Pyrénées et Méditerranée...
Je m'attendais au pire et de ce côté-là je ne fus pas déçu.
Je suis resté au bord du chemin.
Visiblement ce livre a rencontré son public et un succès certain. Cette lecture est sans doute pour moi un malentendu...
Je vais sans doute m'attirer les foudres de quelques amis d'ici, mais je n'ai pas du tout aimé ce livre. Je l'ai trouvé lisse, insipide, long, chargé de poncifs, l'écriture et le propos faciles, pas forcément très bien écrit, tournant en rond, se répétant, manquant de relief et de poésie...
Les personnages sont sympathiques, les paysages sont beaux, les bons sentiments sont au rendez-vous, mais cela ne suffit pas pour en faire une belle lecture. Tout ce que j'aime dans la vraie vie est là, présent, quoique j'aime aussi l'inattendu, mais voilà, ce que j'attends d'un roman, ce n'est pas la vraie vie, ce n'est pas de parcourir un guide touristique en Pyrénées Orientales à la découverte des plus beaux villages perchés, ce n'est pas de découvrir un précepte de développement personnel sur les bienfaits de la pleine conscience, ce n'est pas de me convaincre des vertus de manger végétarien, de savoir que nos forêts et talus regorgent de plantes médicinales bienfaisantes, qu'il est urgent de penser au devenir de la planète. Tout cela, je le sais déjà, je le pratique déjà plus ou moins et je vous avouerai que cela m'insupporte presque de voir ces choses-là saisies comme autant d'ingrédients qu'on voudrait mélanger comme une recette idéale pour attirer le lecteur en mal-être lié aux maux de la société actuelle, comme on attrape des mouches avec du papier collant.
Ce que j'attends d'une belle lecture, c'est qu'elle me surprenne, qu'elle vienne me cueillir, m'emporter, me chavirer, m'étreindre. J'ai besoin qu'une écriture existe, soit présente, me séduise, me résiste, qu'elle me griffe, qu'elle m'enivre, qu'elle se déplie sous mes doigts, qu'elle me caresse aussi.
J'aime
Zola,
Maupassant ou
Flaubert pour fouiller l'âme humaine et peindre de magnifiques fresques de la vie ordinaire, décrire les rêves et les désillusions comme autant de déflagrations dans l'âme, j'aime
Dostoïevski pour sa capacité à me faire entrer dans des zones inconnues que je ne soupçonnais pas en moi et me faire ainsi peur, j'aime
Victor Hugo pour sa fougue et son lyrisme à défendre les laissés-pour-compte, les condamnés à mort, ceux qui disent non, à en faire des héros, à me donner envie de croire en l'humanité. Pour le développement personnel, je préfère lire
Sénèque,
Marc Aurèle ou encore
Montaigne. Pour la douceur, j'aime la poésie mélancolique d'
Emily Dickinson ou de
Marceline Desbordes-Valmore, et les contemporains aussi me surprennent tout autant : l'errance démesurée de
Sylvain Tesson, les passions solaires et leurs blessures inguérissables de
René Frégni, l'élégance révoltée d'Erri de Luca, l'ivresse sauvage et mystique de
Jim Harrison, la grâce épurée de
François Cheng.
Marcel Proust ou
Virginia Woolf offrent des voyages intérieurs bien plus enivrants et vertigineux que des milliers de kilomètres en camping-car, même sillonnant les cols pyrénéens les plus abrupts...
À la page 354, lorsqu'un des personnages du roman avoue, en parlant de L'alchimiste, que c'est son livre préféré , aïe, là c'en était trop... Ce fut le coup de grâce. Je n'ai pas pu aller plus loin... J'ai suivi l'un des principes de
Daniel Pennac, lorsqu'une lecture vous résiste : « le droit de ne pas finir un livre ».
Alors, je descends du camping-car. Je quitte le voyage. Je ne saurai pas comment s'est terminée l'histoire d'Émile et de Joanne. Je les laisse filer vers la fin de l'escapade qui les unit, un peu triste quand même de quitter des amis attachants ; j'imagine pour eux le meilleur et le pire...