Joseph Conrad est un auteur que je tiens en très haute estime. D'abord, il est l'auteur du « coeur des ténèbres » que je considère comme un chef d'oeuvre absolu. Et puis, chaque fois que je lis une oeuvre de Conrad, j'y trouve quelque chose d'intéressant. Même quand un texte ne me convainc pas entièrement, il y a tout de même quelque chose à en retirer.
La nouvelle «
Jeunesse » est intéressante à plus d'un titre. Comme « le coeur des ténèbres », ce récit met en scène Marlow, alter-ego de Conrad lui-même. Mais «
jeunesse » se déroule avant « le coeur des ténèbres ». J'ai trouvé intéressant de découvrir Marlow dans un autre contexte et à une autre époque. Si on le reconnait par certains aspects, il y a une évolution dans sa psychologie entre les deux récits. Et c'est bien normal. «
Jeunesse » porte bien son titre. Si la nouvelle est racontée du point de vue d'un Marlow plus âgé qui porte un regard nostalgique sur cette période passée, c'est bien la fougue et l'enthousiasme de la
jeunesse qui sont mis en avant. Cette nouvelle est donc beaucoup moins sombre et plus optimiste que « le coeur des ténèbres ». J'ai même envie de parler de légèreté même si celle-ci est teintée de nostalgie. le ton est donc très différent du « coeur des ténèbres », ici il n'est pas question de sensation oppressante, le récit est plutôt porté sur les péripéties et il y a même des notes d'humour.
Quand on lit «
jeunesse » après avoir lu « le coeur des ténèbres » il est inévitable de faire la comparaison entre ces deux oeuvres mettant en scène le même personnage. Mais, au cours de ma lecture, j'ai repensé à une autre oeuvre de Conrad «
le frère de la côte » qui ne met pourtant pas en scène le même personnage et qui se déroule dans un contexte très différent. Si j'ai pensé à ce roman, c'est qu'à mon avis les deux oeuvres en question symbolisent des moments opposés dans la carrière de Conrad. «
Jeunesse » est écrit dans les débuts de la carrière de l'auteur et on y sent un enthousiasme, un goût de
l'aventure, un plaisir d'écrire. «
le frère de la côte » est, au contraire, un roman de fin de carrière de Conrad. La fougue de la
jeunesse a laissé place à une certaine fatigue, à une forme de lassitude.
Outre l'intérêt offert par la contextualisation de ce texte dans l'oeuvre de l'auteur, «
jeunesse » a bien d'autres qualités. C'est un récit très plaisant à lire. On ne s'ennuie pas une seconde. L'intrigue est très bien menée et Conrad semble s'amuser à malmener le vieux rafiot qui sert de cadre à l'histoire, on sent même de la malice chez lui. L'auteur fait encore une fois preuve de son immense talent pour dépeindre et caractériser finement des personnages. En quelques traits, il donne vie à une galerie de personnages riche et variée. J'ai particulièrement aimé le personnage du vieux Capitaine dont c'est le premier voyage en tant que commandant. L'écriture de Conrad me séduit toujours autant. Sa plume est fluide, simple et élégante. Un vrai bonheur.
Plus je lis Conrad, plus je l'apprécie. Je suis bien contente qu'il me reste encore plein d'oeuvres à lire, la promesse de belles lectures.