Il ne fut cependant sympathique ni à l'une ni à l’autre de ces dames de Ferjol. Elles estimèrent qu'il manquait de la simplicité et de la rondeur qu'elles avaient rencontrées chez d'autres prédicateurs de Carême, logés chez elles les années précédentes. Lui, il imposait et presque indisposait. Pourquoi ne se sentait-on pas à l'aise en sa présence ?... Il était impossible de s'en rendre compte ; mais il y avait dans le regard hardi de cet homme et surtout dans l'arc de sa bouche, sous la moustache de sa barbe courte, une incroyable et inquiétante audace... Il semblait un de ces hommes dot on peut dire : "Il était capable de tout." Ce fut en le regardant, un soir, sous l'abat-jour de la lampe, après souper, quand une espèce de familiarité se fut établie entre lui et les femme dont il était le commensal, que Mme de Ferjol lui dit pensivement ; "Quand on vous regarde, mon Père, on est presque tenté de se demander ce que vous auriez été si vous n'aviez été un saint homme." Il ne fut point choqué de cette observation. Il en sourit. Mais de quel sourire... Mme de Ferjol n'oublia jamais ce sourire, qui, quelques temps après, devait enfoncer dans son âme une si épouvantable conviction.
Une histoire sans nom
Qu'on fasse manger, - dit-il - le cœur de ce traître à ces chiens ! - Oh ! à cela, je ne sais quoi se redressa en moi :
Allons donc, venge-toi mieux ! - lui dis-je. - C'est à moi qu'il faut le faire manger !
Il resta comme épouvanté de mon idée... Tu l'aimes donc furieusement ? - reprit-il. - Ah ! je l'aimais d'un amour qu'il venait d'exaspérer. Je l'aimais à n'avoir ni peur ni dégoût de ce cœur saignant, plein de moi, chaud de moi encore, et j'aurais voulu le mettre dans le mien, ce cœur... Je le demandai à genoux, les mains jointes ! Je voulais épargner, à ce noble cœur adoré, cette profanation impie, sacrilège... J'aurais communié avec ce cœur, comme avec une hostie. N'était-il pas mon Dieu ?... La pensée de Gabrielle de Vergy, dont nous avions lu, Esteban et moi, tant de fois l'histoire ensemble, avait surgi en moi. Je l'enviais !... Je la trouvais heureuse d'avoir fait de sa poitrine un tombeau vivant à l'homme qu'elle avait aimé. Mais la vue d'un amour pareil rendit le duc atrocement implacable. Ses chiens dévorèrent le cœur d'Esteban devant moi. Je le leur disputai ; je me battis avec ces chiens. Je ne pus le leur arracher. Ils me couvrirent d'affreuses morsures, et traînèrent et essuyèrent à mes vêtements leurs gueules sanglantes.
La vengeance d'une femme
"Je ne passe pas par ici souvent, - continua donc, très tranquillement, le vicomte de Brassard, - et même j'évite d'y passer. Mais il est des choses qu'on n'oublie point. Il n'y en a pas beaucoup, mais il y en a. J'en connais trois : le premier uniforme qu'on a mis, la première bataille où l'on a donné, et la première femme qu'on a eue. Et bien ! pour moi, cette fenêtre est la quatre chose que je ne puisse pas oublier."
Les diaboliques - Le rideau cramoisi
Mais je me figure que l'enfer, vu par un soupirail, devrait être plus effrayant que si, d'un seul et planant regard, on pouvait l'embrasser tout entier.
Les diaboliques - Le dessous de cartes d'une partie de whist
Le plus grand penseur serait la Mort, si elle pouvait juger la Vie.
Des lettres inédites de la célèbre écrivaine, révélant des échanges inconnus avec de grandes personnalités du XIXe siècle. Un livre exceptionnel !
Lettres réunies et présentées par Thierry Bodin.
Ces 406 nouvelles lettres retrouvées couvrent presque toute la vie de
George Sand, depuis ses quinze ans jusqu'à ses derniers jours. La plupart,
du court billet à la longue missive, sont entièrement inédites et viennent
s'ajouter au corpus de sa volumineuse correspondance. D'autres, dont on
ne connaissait que des extraits, sont ici publiées intégralement pour la
première fois.
Plus de 260 correspondants — dont une cinquantaine de nouveaux — sont
représentés, des moins connus aux plus illustres, comme Barbey d'Aurevilly,
Hector Berlioz, Henri Heine, Nadar, Armand Barbès, Eugène Sue, Victor
Hugo, Louis Blanc, Eugène Fromentin, Jules Favre, Pauline Viardot, la
Taglioni, ainsi que les plus divers : parents, familiers, éditeurs, journalistes
et patrons de presse, acteurs et directeurs de théâtre, écrivains, artistes,
hommes politiques, domestiques, fonctionnaires, commerçants, hommes
d'affaires...
On retrouve dans ces pages toute l'humanité et l'insatiable curiosité de
l'écrivain, que l'on suit jusqu'à ses toutes dernières lettres, en mai 1876,
quelques jours avant sa mort.
Les auteurs :
George Sand (1804-1876) est une romancière, dramaturge et critique littéraire française. Auteure de plus de 70 romans, on lui doit également quelque 25 000 lettres échangées avec toutes les célébrités artistiques de son temps.
Thierry Bodin est libraire-expert en lettres et manuscrits autographes. Ses
travaux sont consacrés au romantisme français, en particulier Honoré de Balzac, Alfred de Vigny et George Sand.
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