Le métier leplus dangereux du monde 2
Mon père pardonne toujours tout à sa fille chérie. Je te rappelle que c'est un homme. Et tu sais comment sont les hommes : désarmés par notre fragilité.
Dans ma branche, la pitié est une faute professionnelle.
Toute logique et toute conscience éventuelle des conséquences avaient été effacées au profit de l'instinct et du désir d'agir.
[Les hommes] ne doivent jamais savoir que tu as besoin d'eux. Et tu dois leur faire sentir que, quoiqu'ils fassent, ce n'est pas assez.
KENZA : Tiens, goûte.
FRANCK : On dirait du vomi.
KENZA : Le vomi c’est plus amer. Là, ça se rapproche de la cervelle de taupe, je trouve. Avec un petit goût de banane en plus.
Je les trouve tous les deux assez attendrissants de se cacher comme ça, mais d'après A ..., pour être élu il faut être hétéro ... Je n'en suis pas certaine : on est au XXI siècle quand même !
Pourtant ... j'ai encore le souvenir d'une conversation entre mes parents et leurs amis un soir de réveillon, durant laquelle une dinde autre que celle qui était dans nos assiettes a dit quelque chose comme « Oh non, surtout pas Delanoë à la mairie de Paris ! Il nous faut un vrai homme à la tête de la ville !», et tout le monde avait l'air d'accord.
Sur le moment, c'est surtout le « nous » qui m'avait étonnée : comme si Paris était Fontainebleau. Ce n'est que plus tard, en apprenant que Delanoë était homo, que i'ai compris que j'avais manqué l'essentiel...
Je n'ai aucun ami ... pas d'amant non plus et ça ne me manque pas. Les quelques personnes avec qui j ai eu des rapprochements sont passées comme des comètes. Sitôt arrivées, sitôt reparties.
Je finis toujours par les trouver encombrantes. Elles posent des questions, elles s'inquiètent, elles forcent l'intimité en déroulant toute leur vie sous mes yeux, en espérant sans doute que je me confie à mon tour. Mais qu'y aurait-il à raconter ? Une vie solitaire et sans éclat ... Faudrait-il que j'invente des alibis pour justifier de ceci ou de cela ? Que je mente pour rendre mon existence plus présentable, plus conforme ? ...
"Tu n'es vraiment pas comme tout le monde" me répétait sans cesse Sophia... Elle est morte d'un cancer foudroyant. Une pierre tombale parmi tant d'autres.
Une chose est sûre : je finirai comme elle. Comme tout le monde.
FRANCK : Oui non mais d’accord, mais comment tu peux manger ça …
KENZA : Ah ! Ben j’me force … Regarde les autres ! Tu crois que l’on mange par plsr ? On mange parce qu’on est obligés ! On a bien essayé d’arrêter mais on s ‘est rendu compte qu’au bout d’un moment on mourait.
Frnck _ Comment je vais rentrer chez moi ?
_ Si je reste ici, je vais crever de froid, de faim, de maladie,de blessure, d'un simple rhume ! Je vais mourir écrasé, broyé, intoxiqué, brûlé, noyé, digéré, dépecé...
Ou pire je vais survivre !
J’ai beaucoup travaillé pour ne jamais rien avoir à porter. D’ailleurs, je n’ai pas les bons habits. Et puis ça abîmerait mes ongles.