Pour des lectures qui donnent envie de lire
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L’aïeul s’était fait jeter de son poste d’aiguilleur à la gare de Bercy pour une sordide histoire de fesses, avouait-on à voix basse. C’était le temps du plus grand marché de vin du monde, qui déversait des flots de piquette qu’on stockait dans des fûts avant de les revendre aux grossistes. Chacun y allait de son assemblage plus ou moins heureux pour gratter quelques centimes sur chaque litron écoulé dans les auberges et les guinguettes où l’ouvrier venait entretenir la descente irrémédiable des jours de paie. Albert cultivait alors des amours en dehors de toute juridiction maritale, et le cocu, un contremaître dûment syndiqué, lui avait fait comprendre à grands coups de lattes qu’il devait aller se faire pendre ailleurs s’il ne voulait pas qu’on s’en charge pour lui.
Il n’en fallut pas plus pour que grand-grand-papa ne décide de tenter sa chance derrière le comptoir branlant d’une cahute à poivrots.
Satisfait, Josif regarda l’étagère de fortune s’élever doucement. Elle s’intégrait à plusieurs dizaines d’autres qu’il avait alignées contre le mur et disposées en sorte de travées plus ou moins régulières. Elles étaient toutes identiques dans leur conception, à quelques variations près. Parfois le support était d’un bois plus épais, parfois c’étaient les montants qui étaient constitués de parpaings ou de briques. La seule différence était que celles déjà en place étaient chargées de livres.
Des centaines d’ouvrages garnissaient ces rayonnages de récupération. Leurs dos formaient des ondulations irrégulières, sinusoïdes hachées qui évoluaient d’un niveau à l’autre. Dans un coin, des monticules branlants d’exemplaires hétéroclites attendaient d’intégrer un classement.
Elle trouva le jeune homme penché sur son plan de travail, le couteau à la main, en train d’émincer les bulbes. L’air de la petite cuisine était saturé d’oxyde de propanethial. Le mois précédent, Douglas lui avait expliqué, très doctement, que c’était ce gaz qui était libéré pendant qu’on tranchait les oignons et qui était responsable de l’afflux des larmes. Le garçon était un autodidacte, il n’avait jamais appris qu’il suffisait de les couper en deux et de les laisser tremper dans l’eau pour que l’agression soit supportable. La méthode du cuistot était plus anecdotique, mais ô combien démonstrative !
Des centaines d’ouvrages garnissaient ces rayonnages de récupération. Leurs dos formaient des ondulations irrégulières, sinusoïdes hachées qui évoluaient d’un niveau à l’autre. Dans un coin, des monticules branlants d’exemplaires hétéroclites attendaient d’intégrer un classement.
- La petite, là. Et bien c'est une ancienne SDF. Comme je vous le dis ! Mais c'est pas moi qui l'ai ramenée. Elle est arrivée un jours avec ce pauvre monsieur Anders. Vous voyez ? Le policier qui s'est fait agresser dans le quartier il y a quelques mois...
Il n'y a rien de bucolique dans ce taudis. Rien d'artistique dans ce monceau de déchet. C'est juste un coin sale qui attend qu'une nature souffreteuse reprenne ses droits avec son arme la plus dérisoire : le temps qui passe;
Chacun y allait de son assemblage plus ou moins heureux pour gratter quelques centimes sur chaque litron écoulé dans les auberges et les guinguettes où l’ouvrier venait entretenir la descente irrémédiable des jours de paie.
— Vous saurez qu'une mère, célibataire, noire et flic est un maillage de capteurs hypersensibles que les plus pointus en intelligence artificielle tentent en vain de reproduire.
C'était peut-être la dernière crise.
Celle qui l'emportera.
La peur même recule derrière ses tourments. Il attend la délivrance.
— Et la connophobie ? J’ai droit à la peur des cons ?
Il n’en fallait pas moins au capitaine Jean Davis pour monter dans les tours.
— Parce que des cons, l’époque en génère des palanquées. Ras la gueule ! Jusqu’à l’indigestion.
La grande universalité ! Et puis des cons, y en a de tous les modèles. Du local et de l’importé, du à voile et à vapeur, du con anorexique et du connard gargantuesque, du grand con ou de la miniature, de la conne et du poilu. Comme s’il suffisait d’appartenir à une catégorie pour y échapper. Et surtout ne viens pas me chercher avec l’étiquette du macho. Parce que, tout compte fait, mes couilles m’ont rapporté au mieux des emmerdements et je n’ai jamais piétiné les ovaires de quiconque pour parvenir où j’en suis. C’est-à-dire nulle part. Soit dit en passant, dans l’histoire, j’ai un peu l’impression d’être le bon petit soldat qui fait où on lui dit de faire. Si possible en ne tirant pas trop sur sa laisse…
— J’aime bien quand tu râles. Je me revois à ton âge…
— Dans ma liste, c’est vrai que j’avais oublié les vieux cons…