Cet épisode a été enregistré avec des patients hospitalisés au Centre d'Activité Thérapeutique et d'Eveil à l'hôpital San Salvadour de l'AP-HP situé à Hyères à l'automne 2023.
Le livre lu dans cet épisode est « Ne le dis à personne » d'Harlan Coben paru aux éditions Pocket. Avec la participation de Baptiste Montaigne, champion du grand concours national de lecture « Si on lisait à voix haute » 2023 pour le générique, Benoit Artaud à la prise de son et montage.
Remerciements à Marie-Thérèse Poppe, éducatrice spécialisée au Centre d'Activité Thérapeutique et d'Eveil à l'hôpital San Salvadour, Paul Grégoire, éducateur spécialisé au Centre d'Activité Thérapeutique et d'Eveil à l'hôpital San Salvadour et Isabelle Michel, cadre socio-éducatif de l'hôpital San Salvadour à Hyères, ainsi qu'à Marcus Malte, écrivain.
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Le Centre national du livre lance un programme en direction des hôpitaux, Mots parleurs, en partenariat avec l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Cette action s'inscrit dans la continuité des actions menées pour transmettre le goût de la lecture à tous et notamment aux publics éloignés du livre.Définitivement tournée vers la jeunesse, cette action vise à conjuguer lecture, écriture et mise en voix. Les adolescents et les jeunes adultes, en collaboration avec le personnel hospitalier, sont ainsi inviter à choisir un livre parmi une sélection, en lien avec la thématique de l'édition 2023 des Nuits de la lecture : la peur.
Pour cette première édition 2023, six établissements de l'AP-HP participent. Quatre établissements sont situés en Île-de-France et deux en région (Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle-Aquitaine). le projet se déroule de fin septembre 2023 à début janvier 2024. A partir d'un ouvrage sélectionné avec le personnel hospitalier, les adolescents et jeunes adultes sont amenés à choisir des extraits de textes pour les lire et les commenter. Sur la base du volontariat, Mots parleurs propose ainsi à des groupes de cinq à dix patients accompagnés de personnel soignant d'écrire et d'enregistrer leur production, au cours de six ateliers répartis dans différents hôpitaux. Ils débattent pour élire l'ouvrage qui constituera la matière de leur travail.
Afin de les guider dans la sélection des extraits, dans la rédaction et dans l'enregistrement du podcast, ils sont accompagnés par un écrivain ou un comédien, ainsi qu'un technicien du spectacle. Ce podcast, d'une trentaine de minute, sera ensuite mis à disposition de tous les patients et personnels soignants de l'AP-HP.
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Regarde, fiston, parce qu'un jour tu ne verras plus. Ecoute, parce que tu n'entendras plus. Sens, touche, goûte, étreins, respire. Qu'au moins tu puisses affirmer, le moment venu, que cette vie qu'on te retire, tu l'as vécue.
Et de grâce faites que le mystère perdure. L’indéchiffrable et l’indicible. Que nul ne sache jamais d’où provient l’émotion qui nous étreint devant la beauté d’un chant, d’un récit, d’un vers.
Joseph parle peu. Lorsqu'il s'exprime c'est par des sortes d'apologues qu'il délivre d'une voix grave, sans inflexions et fixant devant lui quelque chose qui ne se trouve pas là mais ailleurs, dans un autre cercle du temps. Et le garçon écoute. Si le sens de ces paroles lui demeure souvent inaccessible, leur sobre mélodie en revanche lui va droit au coeur. Elle le pénètre, elle le charge, elle le nourrit, et son coeur devient si plein et si gros que le garçon est souvent contraint d'élargir sa poitrine d'une vaste inspiration. Est-ce seulement le flux sonore qui lui cause cet effet ? Le rythme ? Les vibrations ? Il a déjà connu semblable sensation quand au crépuscule parfois il surprenait sa mère dans ses conversations solitaires. Il la connaîtra à nouveau plus tard à la faveur d'une mélodie particulière issue du pavillon d'un hautbois. Mais quoi ? Qu'est-ce exactement ? On l'ignore. Et de grâce faîtes que le mystère perdure. L'indéchiffrable et l'indicible. Que nul ne sache jamais d'où provient l'émotion qui nous étreint devant la beauté d'un chant, d'un récit, d'un vers.
Ils sont vaillants , ils sont pugnaces, ils sont intrépides, ils sont courageux, ils sont valeureux, ils sont tués. On leur érigera des mausolées. On y gravera leurs noms. On commémorera. Puis on oubliera.
Ma grand-mère, qui m’a élevé, était une femme de bon sens. Elle disait toujours qu’il ne fallait pas mettre tous ses œufs dans le même panier, mais que le mieux était encore de planquer la poule.
N'est-ce pas le propre de l'amour que d'éblouir et d'émerveiller ? De rendre divin ce qui ne serait qu'humain ? (p. 207)
Seule, absolument seule face au mystère et aux affres (surtout aux affres) de la création. Femme sauvage. Femme des temps anciens, des temps immémoriaux. Femme éternelle et universelle. Femme admirable. Femme courage. Grosse vache meugleuse : c’est pourtant ainsi qu’elle se voit. Et elle meugle en effet, ou tout comme. Elle brame, elle brait, elle brogne (Grogner tout en bavant – Oxford Dictionary), elle se maudit et maudit les médecins, maudit son mari qui l’a engrossée, ses parents qui l’ont engendrée, et Dieu qui laisse faire tout ça, et le monde entier qui s’en cogne, et maudit en particulier ce sale petit morpion qui s’accroche non pas à ses jupes mais carrément à ses entrailles.
La vie est une chienne, mon gars. Cherche pas : tu peux toujours essayer de la caresser, elle finira par te mordre la main. Cette fichue garce a la rage.
Seigneur ! Est-ce une parodie de Jules Verne ? Un ersatz écrit par son obscur et fumiste cousin, le bien nommé Bali Verne ? Tel ce céphalopode qui semble vous obséder, Mr Sanz, on s'enfonce dans les abysses d'un océan de fadaises !
Gorge renversée, il la vida d’un trait, sa coupe, puis – et c’est là que les avis divergent sur un point crucial – d’aucuns le virent dans le même mouvement basculer en arrière, tandis que d’autres le virent se projeter par-dessus la rambarde et disparaître dans l’obscurité. On comprend que ce n’est pas là qu’un menu détail lexical. Il s’agit de déterminer l’intentionnalité de la chose. Si Philip-Joseph a basculé, c’est un accident. S’il s’est projeté, c’est un suicide. La thèse de Michelle empruntait une troisième voie, que l’on dira intermédiaire. D’après elle, il avait bien dû y avoir propulsion (discrète) de la part de P.J., c’était donc un acte intentionnel, mais – et la nuance est de taille – il n’avait pas du tout, en revanche, l’intention de se tuer. Elle basait son raisonnement sur plusieurs propositions, les prémisses étant que 1/ il n’avait jamais exprimé ni fait montre de velléités suicidaires, et 2/ il n’avait aucun « intérêt » à mettre fin à ses jours. Les autres arguments étaient d’ordre plus technique : Phily-Jo mesurait 1,78 m et la hauteur de la balustrade était précisément de 103 cm (mesure effectuée par un expert de la compagnie d’assurance dans le but de démontrer la non-conformité de l’ouvrage), ce qui induit que le point de contact entre les deux se situait vraisemblablement au niveau des reins de l’homme et qu’il eût été par conséquent difficile de rompre l’équilibre et d’engendrer la chute sans faire l’effort d’exercer une poussée, de bas en haut, afin de défier la loi de la gravitation du père Newton (qui s’exercerait à nouveau sitôt le cap franchi). Ensuite, la terrasse elle-même ne s’élève qu’à quatre mètres, et les probabilités pour qu’une chute de cette hauteur soit mortelle sont d’environ 11,7 %, ce dont ne pouvait n’avoir pas tenu compte un esprit scientifique tel que celui de P. J. Si son but était réellement de mourir, il avait peu de chances de l’atteindre de cette manière. De plus, il était en parfaite condition physique, souple, mince, c’était un gymnaste accompli qui avait brillé dans cette discipline durant toutes ses années de collège et au-delà. Il était parfaitement capable, me dit Michelle, d’exécuter un double salto arrière et de retomber sur ses pattes sans broncher (elle l’avait vu de ses yeux !). Et c’était exactement, selon elle, ce qu’il comptait faire : se laisser choir dans le vide et se réceptionner sans dommage. Si son plan avait échoué, si l’issue en avait été fatale, ce n’était dû qu’à la présence inopinée d’une Rolls-Royce Silver Shadow sous la terrasse (probabilités de 0,006 %, ô ironie du sort), devant l’entrée du Turtle Mansion & Lounge, à l’endroit précis où il devait atterrir. Nul véhicule n’était censé stationner à cet emplacement, mais l’auto appartenait à Mrs Ephraïs, richissime cacochyme de 101 ans, cliente de l’établissement depuis six décennies, à laquelle était accordée l’autorisation exceptionnelle de faire venir son chauffeur jusque devant le perron afin qu’elle eût le moins possible à user de ses très vieilles et très frêles gambettes. Phily-Jo eût-il chu sur le toit de la voiture ou sur le capot, il avait encore de bonnes chances de s’en tirer, mais le sort (0,000000000001 %) voulut qu’il heurtât la célèbre statuette en argent nommée Spirit of Ecstasy, emblème de la marque, qui ornait le bouchon du radiateur et qui lui perfora le crâne. L’esprit de l’extase eut raison de l’esprit scientifique.