Qui sont les représentants en librairie ? Ces hommes et ces femmes de l'ombre, qui sillonnent les routes de France dans des voitures chargées de livres pour faire le lien entre les maisons d'édition et les librairies ? Elisabeth Segard, journaliste à Livres Hebdo, est allée à leur rencontre pour brosser le portrait robot de l'une des professions les plus discrètes et les plus influentes de la chaîne du livre. Dans la deuxième partie de l'épisode, Lauren Malka nous emmène au coeur de la Goutte d'or, à Paris, pour y découvrir la Régulière, une librairie-café présentée par sa fondatrice Alice et par l'écrivaine Chloé Delaume, au micro de Lauren, comme une véritable oasis de culture.Enfin, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour vous parler non seulement de ses coups de coeur de février, mais aussi de ce que ces livres dessinent dans le paysage éditorial de ce début d'année. Entre essais, BD et romans, les genres sont variés : Histoire de Jérusalem, de Vincent Lemire et Christophe Gaultier, publié aux Arènes ; Littérature et révolution, de Joseph Andras et Kaoutar Harchi, publié aux éditions Divergences ; Insula, de Caroline Caugant, publié au Seuil ; Les yeux de Mona, de Thomas Schlesser, publié chez Albin Michel ; Rousse, de Denis Infante, publié chez Tistram ; Abrégé de littérature-molotov, de Macko Dràgàn, publié chez Terres de feu. Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.Enregistrement : janvier 2024 Réalisation : Lauren Malka Musique originale : Ferdinand Bayard Voix des intertitres : Antoine KerninonProduction : Livres Hebdo
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« Le féminisme est un voyage qui, comme tous les autres, commence par la question : qu’y a-t-il à manger ? » (p. 14)
À la fin des années 1960, alors que la libération des corps est sur le devant de la scène, c'est l'industrie des régimes et du fitness qui s'empare de ce nouveau marché. Il s'agit, selon le mantra de l'époque, de devenir les "sculptrices de nos silhouettes", d'œuvrer activement à se façonner un "corset musculaire". D'après Naomi Wolf dans The Beauty Myth, c'est à partir de la deuxième vague féministe de 1968 - et donc en plein backlash - que le marché des régimes amaigrissants acquiert une ampleur inédite auprès des femmes.
Les magazines féminins développent soudain un discours alarmiste fondé sur le champ sémantique du "problème", Il faut impérativement, du jour au lendemain, aider les femmes à résoudre le "problème" de la graisse féminine. C'est le début de l'autogestion diététique. Vous avez voulu devenir autonomes ? Minces et actives ?Alors apprenez les règles nutritionnelles par coeur, pour vous débrouiller toutes seules.
« Les hommes n’ont pas besoin, par nature, d’aliments plus énergétiques que les femmes, si ce n’est pour entretenir leur domination sociale et politique. Les femmes, en revanche, payent très cher – dans certains cas, de leur vie – les conséquences de cette répartition inégalitaire. » (p. 217)
« Priver les femmes […] de nourriture est la façon la plus radicale de les isoler, d’amoindrir leur parole et d’invalider leur combat. Partager le pain de la sororité et le plaisir de manger apparaît alors comme un point de départ crucial pour s’émanciper. » (p. 17 & 18)
« Ève se retrouve non seulement accusée d’avoir commis le péché de gourmandise, mais aussi celui de l’incarner en devenant elle-même aussi dangereuse et appétissante qu’un fruit défendu. » (p. 65)
« Il y a donc un effort supplémentaire à fournir pour ne pas être sexualisée ni traitée d’idiote. » (p. 143)
L'expression du jeune homme, Google Circus, était une drôle de métaphore mais disait bien l'enchantement apparent du média numérique, dans lequel nos recherches sont anticipées en temps réel de façon personnalisées par Google d'abord, puis par les journalistes ensuite. Mais comment les journalistes s'étaient-ils laisser berner par cette farce ? Eux qui choisissaient si souvent leur métier par vocation et portaient en haute estime leur mission, étaient-ils conscients de mettre les pieds dans une telle Googlerie ?
Ils nous apprennent à faire des titres courts, simples, sans jeu de mots, des chapeaux remplis de mots-clés pour plaire à Google ; à surveiller nos audiences sur Google Analytics, à ne traiter que les sujets qui remontent sur le moteur de recherche et à les partager sur les réseaux comme Google +, Facebook, Twitter... ; à ne pas écrire des articles dont on soit fiers mais des "contenus" optimisés pour produire de l'audience sans forcément signer les papiers.
Une fois par semaine, on nous impose une réunion animée par des consultants du Web pour optimiser nos "contenus" et notre façon de travailler avec Internet. Ces consultants sont hyper nombreux, une vraie armée, ils se baladent avec des grands sourires, des visages carrés des costards bleu marine.
À bas bruit, les femmes commencent à s'exprimer. Elles ont faim. Faim de pain et de rêve. En hébreu, les deux mots sont d'ailleurs très proches. Leurs appétits de vivre, de se nourrir, d'engloutir, de gueuletonner, de jouir, de créer... Augmentent, tandis que l'oppression continue de peser. Dévorer le monde reste leur désir secret. Publiquement, elles emploient mille ruses pour le dissimuler, avoir l'air satisfaites du petit pois qu'elles reçoivent dans le gosier. Elles courbent l'échine face au géant masculin qui veut souvent faire d'elles des natures mortes, des brindilles. Mais intérieurement, leur appétit devient intenable.