Il lisait et annotait - Tristes tropiques-, émerveillé et abattu l'instant d'après; Le livre de Lévi-Strauss lui montrait à quoi il aspirait sans l'atteindre : l'écriture d'un romancier au service d'une grande vision de l'Autre. (" Tu marcheras dans le soleil" , Stock, 2019, p. 117)
Quand on lui demande pourquoi elle a accepté un pari aussi dangereux, elle répond d'instinct par le credo de sa vie entière, qui allait donner son titre à son autobiographie : "For the fun of it!"
Après une vie de défis lancés vers le ciel, à fuir l'existence toute tracée de ceux qui foulent la terre, Amelia Earhart a confié son dernier secret aux profondeurs de la mer.
"Là où on brûle les livres, on finit par brûler les hommes."
Heinrich Heine, 1853
Mais comme ces tableaux qui réapparaissent parfois, bien des années plus tard, dans des lieux insoupçonnables, des secrets sortent encore des limbes de l'histoire. Des hommes et des femmes continuent de consacrer leur vie à retrouver, et à restituer, ces oeuvres arrachées par la violence à leurs propriétaires, à réparer des torts que personne n'a oubliés. Et à perpétuer ainsi ce geste simple pour lequel Rose Valland s'est battue jusqu'au bout : ramener un tableau chez lui, le raccrocher au mur de ceux qui l'ont aimé, et le contempler, l'âme en paix.
À 28 ans, son statut et da qualité d'écrivain sont reconnus, mais ce sont son apparence et ses attitudes qui attirent la presse - et notamment les caricaturistes. Mishima devient... Rock´n'roll. Il change sa manière de s'habiller, porte des chemises hawaïennes, des lunettes noires et des chaussures à bout pointus. Fier de sa pilosité, inhabituelle pour un japonais, il ouvre largement sa chemise pour monter la chaîne en or qui retient quelques médaillons ramenés de ses voyages. Il se donne un côté voyou en coupant ses cheveux ras. Il ne passe pas inaperçu dans cet accoutrement, aussi bien pour se promener dans les avenues élégantes de Ginza que pour danser le rockabilly avec les actrices du Bungaku-za dans les clubs de Roppongi. Il inspire un mélange étrange de fascination et de répulsion.
Bruce Chatwin ? Un nom familier, supplanté par un visage qui retenait le regard. Beau, oui, mais plus que cela : un visage qui reflétait ce qu’il avait vu, vécu, écrit, vous fixait bien droit, vous mettait au défi, et laissait deviner une profonde mélancolie en dépit de l’énergie qu’il irradiait. Il n’en fallait pas plus pour m’attirer dans sa sphère.
Quand l'urgence d'un voyage devenait insoutenable, il allait se réfugier en bibliothèque. (...)
L'étrange migration du rêve au verbe faisait le reste. (p. 125)
Le 23 février 1952, il rentre à Rio pour le carnaval. Plus qu'une fête, c'est une célébration à laquelle il s'adonne corps et âme. Il écrit dans son journal qu'il a dansé trois jours d'affilée ; son guide précisera qu'il n'a osé se jeter dans la foule que le dernier jour. Mais il le fait à corps perdu. À demi nu, Mishima entre avec ferveur au cœur de cette cérémonie païenne, faisant corps avec la foule, ivre de joie, l'esprit embrasé par le plaisir de danser.
- Il est intéressant, votre bonhomme, vous devez regretter de ne pas l'avoir connu.
ça, non ! Egocentrique, fuyant, parfois superficiel, Chatwin ,'était pas forcément sympathique. Il m'aurait probablement fatigué par son bavardage compulsif, cette manière grossière de na pas écouter les autres et de les garder à distance (...) Sa façon légère de traiter ses amis, d'abuser de leur hospitalité, de prendre leur affection pour acquise- ce qui était le cas- ne joue pas non plus en sa faveur. Pourtant, je lui pardonne ses petitesses, parce que la détresse qui l'habite est le moteur de ses voyages géographiques et intérieurs, et que son excès de confiance masque mal les abîmes de doutes qui le rattrapaient. Je trouve des excuses à un homme trop pressé qui pressentait peut-être sa mort prématurée, et dont la hâte a pu égarer, blesser autrui, pour aboutir à un constat simple : je l'aime aussi pour ce que n'aime pas en lui. (p. 177)