Les Matins de France Culture - Union européenne : comment en sommes-nous arrivés là ?
Le pire n'est jamais sûr, même s'il est hélas souvent probable.
[Préface à L'Europe sous la pluie de Philippe Curval]
Pour reprendre une image chère à Jacques Delors, l'Union est une Ferrari dotée d'un moteur de 2CV. Et la voiture est conduite par vingt-huit Etats qui ne sont pas d'accord sur la destination et la vitesse...
P 226
"Ne dites pas à ma mère que je travaille à la Commission, elle me croit pianiste dans un bordel" aurait pu être le titre de ce chapitre. Autant les fonctionnaires européens étaient fiers, dans le passé, d'afficher qu'ils travaillaient pour l'Europe, autant depuis 20 ans, ils s'en cachent. [...] Les eurocrates, et plus particulièrement ceux de la Commission, ont conscience de cristalliser tous les ressentiments qu'une partie de la population porte à l'égard de cette Europe accusée de tous les maux.
P 140
Les "petits" pays de l'Union savent parfaitement que la Banque centrale européenne, lorsqu'elle fixera les taux d'intérêt, prendra en compte la situation budgétaire de la zone euro dans son ensemble. Or, il est évident que les budgets des poids plumes ne pèseront pas lourd dans la balance... Les taux, par contre, seront les mêmes pour tous. Si Francfort décide de les augmenter pour contrecarrer une politique budgétaire trop laxiste, leur croissance nationale en souffrira, indépendamment de leur propre vertu en matière de comptes publics. Pour les "petits", le Pacte, c'est une occasion à saisir. "On se demandait vraiment ce qu'on ferait si l'Allemagne ou la France se mettaient à creuser leur déficit", souligne le Premier ministre et Ministre des Finances luxembourgeois, Jean-Claude Juncker. Les seuls à trouver la pilule amère sont les États du Sud, qui voient là une nouvelle tentative allemande de leur barrer l'entrée de l'UEM. Cependant, personne n'ose vraiment protester : le faire serait reconnaître que, une fois en monnaie unique, on n'hésiterait pas à ouvrir les vannes des dépenses publiques.
Passer son temps à blâmer Bruxelles, alors que les Etats en sont partie intégrante, cela fait le lit des eurosceptiques. La communautarisation des échecs nationaux et la nationalisation des succès européens, voilà qui tue plus sûrement l'idée européenne que tous les eurocrates ultralibéraux réunis.
P46
Le bricolage est inscrit dans l'ADN européen tout simplement parce que ce sont des Etats, souvent millénaires, qui sont à la manœuvre, et non un "peuple européen" qui n'existe pas - ou pas encore - en tant que corps constitué. Il est facile de rêver d'une Europe parfaite ou d'une France parfaite, seule dans son coin, mais infiniment plus difficile de la réaliser, les réalités nationales, historiques, politiques, diplomatiques ne pouvant être balayées d'un revers de la main. L'histoire de la construction communautaire montre que chacun a dû faire des compromis et a parfois joué, pour des raisons d'intérêt national, contre ses convictions profondes.
P 297
La vie politique des Etats membres est pleine de ces conflits d'intérêts et de ces mélanges des genres, mais personne ne demande pour autant leur destruction comme le font les europhobes à chaque faux pas de Bruxelles.
P 194
en mai 2011, ors du G8 de Deauville, j'évoquais devant mes collègues, une tribune publiée par LIBÉRATION (21-22 mai 2011), cosignée par Nathalie Raulin (libération)Virginie Malingre (Le Monde) et Nathalie Ségaunes (Le Parisien) qui estimait qu'une femme pouvait suivre DSK sans risquer d’être violée. Mes confrères des services politiques ont éclat de rire en me faisant remarquer que la journaliste du Parisien était désormais marié à un député socialiste, ce que j'ignorais totalement. A leurs yeux la tribune n'était pas crédible et elle aurait du s'abstenir de signer ce texte.
Il suffit de se rendre aujourd'hui en ex-Yougoslavie et surtout en Bosnie-Herzégovine, vingt ans après la fin de la guerre, pour constater que la haine entre les communautés et entre les pays qui se sont affrontés demeure intacte faute d'hommes et de femmes raisonnables prêts à prendre des risques pour le bien des générations futures.
P 70
Le pire n'est jamais sûr, même s'il est hélas souvent probable.
[Préface à L'Europe sous la pluie de Philippe Curval]