Hanane Karimi interroge sur les luttes féministes pour les femmes musulmanes
le rôle des femmes aux racines de l’Islam est actif, politique, économique, social. Khadija, la première convertie par exemple, était une commerçante, très riche. Elle a embauché le Prophète et l’a demandé en mariage, alors qu’elle était son aînée de 15 ans.
L’islam n’est pas monolithique, il n’est pas homogène. Ça me fait rire quand on parle de l’islam comme d’un bloc uniforme. Aujourd’hui, on peut mettre cinq musulmanes côte à côte et avoir cinq femmes différentes. Et puis c’est hypocrite de dire que c’est le voile qui asservit les femmes. Il y a deux patriarcats en réalité. Celui qui couvre le corps des femmes, mais aussi celui qui le découvre. Et au delà du patriarcat religieux partagé par tous les monothéismes, il existe le laïque, celui des hommes politiques sexistes qui deviennent anti-sexistes quand il s’agit d’interdire le voile et de se présenter comme la figure du sauveur blanc.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un féminisme médiatisé, qui participe à l‘exclusion des femmes qui portent le foulard. C’est un féminisme qui dit vouloir libérer la femme mais l’ostracise véritablement. Je pense que le féminisme doit venir des femmes elles-mêmes, sur les problématiques et les conditions de vie qui les concernent. Moi j’ai eu cette vie de famille, j’ai ce référentiel commun avec les mères, musulmanes, voilées. Je ne suis pas là pour leur donner des leçons mais pour qu’elles voient qu’on peut dépasser les limites et qu’on peut aller au bout de nos convictions et de nos choix.
L'altérité associée à l'islamité implique que la féminité valorisée dans le groupe de pairs religieux soit fortement dévalorisée socialement. Elle a une forte valeur symbolique dans l'ordre genré, positive chez les uns, négative chez les autres, conforme et respectable au sein du groupe de pairs et hérétique et condamnable au sein de la société française.
En plus de l'ordre racial, la "femme voilée" transgresse un second ordre : l'ordre genré de la société. Parfois, et de manière explicite, c'est aussi l'indisponibilité sexuelle qu'elles afficheraient qui dérange certains hommes, ce qui a le mérite de dévoiler en partie la dimension sexiste de l'obsession sur le voile.
L'association du voile à l'islamisme déshumanise celles qui le portent et légitime toutes les répressions exercées dans le cadre d'une guerre à bas bruit, rendant cette violence politiquement acceptable. Les femmes qui portent le foulard ne sont pas victimes, elles sont présumées coupables. Et elles sont ainsi exclues des luttes des femmes.