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EAN : 9782246827542
368 pages
Grasset (12/01/2022)
3.86/5   47 notes
Résumé :
Dans un couvent construit de mains de femmes aux confins de la forêt boréale, vingt-quatre sœurs donnent naissance à une fillette qui grandira en apprenant la langue et les lois d’Ina Maka, la Terre-Mère. À quelque distance de ce couvent, une ouvrière de la mine Kohle Co. meurt en couches, laissant un poupon albinos à son père qui, à se tuer au travail, le fera médecin. Le roman retrace la rencontre, l’accouplement et le destin de ces deux êtres dissemblables, Daã e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Lorsque l'on a été particulièrement séduit par une lecture, la crainte émerge de trahir les émotions ressenties par le filtre de nos propres mots, qui devront tenter de les reproduire.

C'est le cas pour Blanc résine. Pourtant les premières pages sont vertigineuses, mots inconnus, repères volontairement flous entre rêve et réalité, et déjà cependant la sensation d'une fascination naissante pour le personnage. Elle, qui ne recevra aucun nom de ses vingt-quatre mères mais se nommera dès que les premiers mots franchiront ses lèvres pour devenir Daã.

Un autre destin hors norme s'impose en parallèle. Celui de l'enfant plus blanc que neige, privé de sa mère à peine né. L'enfant albinos grandit dans le décor gris-noir de la mine, promis à en parcourir les galeries, pour secourir les multiples accidentés.

Les deux chemins, celui de la femme qui sillonne bois et prés en quête de plantes qui guérissent et celui de l'homme pâle se croiseront un jour, et de l'union de leur différence adviendra le meilleur ou le pire…

C'est un coup de coeur, de ceux qui ralentissent la lecture pour s'imprégner de chaque phrase, en se laissant porter par l'atmosphère parfois onirique parfois réaliste et violente.

L‘écriture joue avec les sens, les contrastes de couleur, les odeurs et les sons, créant des espaces poétiques originaux.

Peu importe de ne pas saisir le sens précis de certains mots, (un lexique est proposé en fin de récit, mais n'est pas indispensable). le son des mots est suffisant pour qu'il ne soit pas nécessaire de visualiser la plante ou l'animal qu'ils désignent, et certains termes se font évidence (comme l'ina maka que l'on traduit rapidement comme la terre-mère).

Le récit est porté par la force de deux personnages, étranges et marginaux, et riches de leur différence. Ils sont l'envergure d'êtres mythiques, porteurs de messages et défiant les obstacles multiples sur leur route.


Publié en 2019 au Québec, c'est un roman qui pourrait rejoindre mes livres pour une île déserte.

Je remercie Grasset et Netgalley.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Minushiss, Petite, ma résine, Ina Maka souffle des mots doux à mes oreilles. Elle me berce dans ses bras-branches et je sens ses cheveux rivière inonder mon visage.
J'ouvre les yeux sur la taïga, je nais au monde dans la forêt boréale au coeur du peuple innu.
Daã est mon nom, celui que j'ai moi-même choisi à la demande de mes vingt-quatre mères. Ma pureté, ma beauté vient de la résine qui coule dans mes veines, je suis terre nourricière, je suis terre en colère dévastatrice.
Lui c'est Laure, l'enfant de la Kohle Co, sorti du ventre noir de la mine et de sa mère morte en couches. Laure est blanc, plus que blanc, presque transparent, il est albinos, il est unique.
Notre rencontre a été un choc, le choc de nos blancs, sa peau transparente, ma résine translucide, le noir de sa mine et de la blancheur de mon paysage de neige.
Pour résumer ce roman incroyable, je n'aurai qu'un mot magique !
Le premier chapitre désarçonne, j'ai perdu mes repères, je me suis laissé porter sans être sûre de comprendre ce je lisais. Peu importe, l'auteure en profite pour nous engloutir sous terre dans les galeries de la Khole Co, après avoir emprunté le train de l'enfer le Sort Tog qui semble se faufiler dans les entrailles de la terre. Les premiers chapitres se lisent en apnée, terrassé par la violence et la brutalité de ce conte-monde.
Quelle plume ! Avec maestria, Audrée Wilhelmy nous fait pénétrer dans un monde minéral parsemé de descriptions de nature writing saisissantes de beauté.
Je ne mettrai pas cinq étoiles car dans sa deuxième partie, loin de la mine, le récit perd en puissance et m'a semblé plus convenu, et je n'y ai pas retrouvé la magie envoutante des premiers chapitres.
Une auteure à suivre, que je vous invite à découvrir pour un grand choc et un saisissant voyage.
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Au fil des fêtes païennes célébrées à l'équinoxe de printemps, de l'automne, du solstice d'été et de l'hiver nous partageons la vie de deux être aimés, qui au coeur de la forêt vont se découvrir. Blessée c'est lui qui est venu à son secours : " J'ai retrouvé la parlure des hommes en apprenant celle de Laure Hekiel. Après dix jours de sommeil, quatre ans de sols durs et de langues animales, j'avais perdu dans les oreilles, dans la gorge, les idiomes de mes mères. "

Étrange communion de deux personnages si différents, Daa, qui a pour fratrie mammifère, les religieuses qui l'ont recueilli à la mort des siens, qui ne fait qu'un avec sa terre nourricière, parlant le langage des arbres, des plantes et des animaux et puis Laure, lui très jeune orphelin de mère, et surnommé Blanche-neige par les enfants, de part la couleur si pâle de sa peau, et qui va mettre les chances de son côté pour essayer de se libérer d'un destin trop fatale.

Une plume rare, un roman puissant, surprenant, oui il m'a fallu quelques pages pour entrer dans l'état d'esprit de cette enfant Daa, de pénétrer son univers si singulier. Et puis très vite par la suite, je me suis fondue en elle, me laissant guider par une personnalité envoutante pour découvrir la nature comme peu d'êtres humains peuvent encore la vivre !

C'est le premier roman que je lis de cette auteure et déjà j'ai l'envie de retourner dans son univers. Je lisais à propos de son oeuvre, " qu'il y a des connexions souterraines entre les différents univers, lieux et personnages qui se tissent d'un récit à l'autre. " Alors il me faut aller plus loin, car véritablement elle m'interpelle !

#Blancrésine #NetGalleyFrance
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Le rapport à la féminité, la nature indomptable, les croyances ancestrales… Oui, Audrée Wilhelmy sort bel et bien un troisième roman en France aux éditions Grasset initialement publié chez Léméac en 2019. Après Les Sangs (2013) ou encore Oss (Léméac, 2011) distingué par le Prix du Gouverneur général, l'auteure québécoise laisse son lecteur indéniablement troublé par l'étrangeté et la beauté de Blanc Résine.

Daã est une enfant de la taïga, un petit bout de femme élevé dans un couvent au coeur de la forêt boréale. Son être transpire la liberté et l'attachement à son berceau-nature. le jour où elle rencontre Laure, ce garçon un peu plus âgé qu'elle issu des mines, albinos et un peu gauche, le constat est sans appel : tout les oppose. Mais quelque chose les lie, un lien qui dépasse les mots, les actes, une communication hors norme naît de leurs différences.

Au-delà des thèmes qui reviennent régulièrement chez l'auteure, Blanc Résine est d'une originalité esthétique qui entrave notre monde réel lorsque l'on ouvre ce roman. Très loin pourtant du genre fantastique, il touche tout de même au conte réaliste, aux belles histoires qui captent l'attention par leur étrangeté et leur drôle de douceur enfantine. Des codes connus donc, pour des personnages très curieux, attachants et sincèrement eux dans l'espace-temps envoutant du Québec à l'ancienne. La vie se rêve à travers saisons et sabbats païens tandis que d'autres la subissent ou l'aiment sous le joug des hommes et des nouvelles technologies qui rendent l'existence insipide.

Audrée Wilhelmy esquisse la genèse d'une décadence dans laquelle se créé un microcosme où la rencontre des deux amants s'opère. Ils illustrent parfaitement la poétique de l'opposition, déconcertante et séductrice. Laure prend des airs de Julien Sorel dans son besoin absolu de réussite, un self-made-man aux aspirations professionnelles qui ne coïncide pas toujours avec la teneur de ses émotions envers le personnage de Daã. Mais n'est-ce pas cela qui rend cette association de protagonistes si belle ?

Blanc Résine, c'est aussi l'engagement – certes léger mais difficilement imperceptible, en faveur de l'autonomie féminine. Daã est l'image même de la femme forte, indépendante, « sorcière » pour son temps et terriblement vraie par sa sensibilité presque animale. La communication que les deux personnages entretiennent tout au long du roman est faite de respect tout en préservant cette beauté incompréhensible du secret : ainsi, on perçoit l'autre sans jamais le comprendre totalement, on aime sans jamais l'éprouver réellement, on voit sans voir, mais on accepte. Alors oui, c'est peut-être cette complexité qui donne à ce roman toute son étrangeté mais il reste définitivement un ovni de la rentrée, sublime et surprenant.
Lien : https://troublebibliomane.fr..
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Sujet étonnant, tout autant que les singuliers personnages. J'ai trouvé les deux premiers tiers très intéressants, et même si la suite le reste, intéressante, ça s'essouffle quand même. le récit est introspectif, il peut devenir long...

L'idée de la nature du couvent est très bien vue, et avec la mine épouvantable comme voisine, nous avons ici le monstre à deux têtes du capitalisme patriarcal.
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critiques presse (2)
RadioFranceInternationale
29 juillet 2022
Audrée Wilhelmy, la puissance de la nature, des femmes et du conte.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
LeMonde
02 mai 2022
L'écrivaine québécoise, qui publie « Blanc résine », dresse un parallèle entre la réinvention de formes romanesques et la transition écologique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je reste, portes closes, avec ceux de mon clan ; ourse d'hiver qui dort et se laisse téter.
J'ai la fatigue large. Engourdie, j'écoute les bruits de la bise, mats ou cassants contre les carreaux. La neige tombée du nord m'annonce la mort lente de ma mère Betris, puis celles, saisissantes, de mes mères Elli et Silène, tombées l'une sur l'autre dans la glace noire des sentes. Plus près, les cristaux des étangs, les mésanges et les jaseurs parlent d’éteules gelées, de secrètes amours : jupes renversées, mains chaudes, cuisses froides.
La petite croît longue, souple comme la prêle. Je l'allaite, je couve et je dévore : mon corps connaît ses devoirs mammifères. Chaque jour, les enfants vont et viennent, ils me racontent les histoires du village ; Lélio dit celles de Kangoq enneigé, Boïana celles d'un pays disparu sous les plumules. La troisième fait son travail de faon : elle dort, elle tète et son humeur a la constance des glaces.
Le froid passe sans que je l’aie senti ; j'ai été, comme naguère blessée, dans un demi-sommeil, sans volonté, sans allant, dans la fatigue seule, offerte à l'appétit de ma noire, Minushiss, mon innommée ma chatte d'automne.
Le printemps ramène les lumières égales de ma naissance et je ne sais plus mon âge.
Quand, plus tard, le vent porte les oies du sud, enfin, je m'étire dans leur cancan, ankylosée de trop de repos. J’aime l'horloge d’Ina Maka ; mes membres s’irriguent en même temps que les arbres, la reverdie me tire des draps comme elle arrache les érables, les bouleaux, les frênes à leur sommeil hivernal.
Quand Laure entre dans la chambre, pour la première fois depuis des mois je porte du linge de femme. Ma vorace a six mois, elle est grande déjà mais pataude de ses mains, ses bras, ses jambes ; elle rit peu, regarde encore moins, je l'aime de l'amour des fortes. (p. 289-290)
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Je garde pour moi toute seule ses lampées liminaires, ses cils ouverts sur le jeu des feuillages ; j'entends, la première et sans partager, le bruit mat de son pleur et ses bronches se remplir.
Elle a, comme moi naguère, la tête foncée des fortes qui naissent déjà chevelues, et la bouche ronde et les sourcils et les doigts longs, les pieds.
Ses yeux qui me regardent regardent à travers moi : ils disent sans ambages qu'elle n'est fille de personne. (p.272)
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D'abord je me traîne sur le sol, je tire mon poids du coude, puis j'apprends la manière de soulever le tronc, de tenir la masse du corps sur les poignets, les genoux. Je fends les herbages, je creuse des sillons de terre noire. Ms pattes s'enfoncent dans le mor. Je deviens corniaud, je surgis partout, imprévoyable. Les quarante-huit talons de ma mère doivent éviter de me piétiner tandis que je découvre le plaisir du ventre qui frise le chiendent rabattu, piquant et sec.
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Fatum de lune ronde : je redeviens animale de caverne, corps immense à saisir, graine d’ourse, louve géante et hase et loutre et grive et chienne. Les sangs de mes mères et de toutes les femmes gonflent mon ventre, me cambrent l’échine. Liquide des deux bouts, je renais, force femelle.
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Videos de Audrée Wilhelmy (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Audrée Wilhelmy
A l'occasion du Festival Etonnants Voyageurs à Saint Malo, Audrée Wilhelmy vous présente son ouvrage "Blanc résine" aux éditions Grasset. Prix Ouest-France Etonnants voyageurs.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2594054/audree-wilhelmy-blanc-resine
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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