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Critique de Fandol


Avec sa verve habituelle, Jean Teulé ne déçoit pas en publiant Crénom, Baudelaire !, hommage vibrant au plus grand des poètes.
Pourtant, tout au long du livre, il ne ménage guère son héros, cet homme qui ne pouvait exprimer son génie que drogué, halluciné, toujours très désagréable avec les gens qu'il croise.
Sa chute au sortir de l'église Saint-Loup de Namur, en 1866, ouvre ce roman plein de surprises et d'enseignements, ouvrage qui permet de lire ou relire les vers du poète, ce qui est parfait.
Sans délai, le voilà à cinq ans, complètement accroché à sa mère, Caroline (33 ans). Sa passion pour elle marque à jamais sa personnalité. Son père a 34 ans de plus que Caroline et décède le 10 février 1827. Pendant dix-neuf mois, Charles vit une relation passionnelle avec sa mère qui se remarie avec Jacques Aupick (39 ans), un officier. Cette rupture est très dure à vivre pour l'enfant, traumatisé par ce qu'il vit comme un abandon.
Quelques années plus tard, alors qu'il est élève au lycée Louis-le-Grand, il en est exclu. À vingt ans, Louis-Philippe étant au pouvoir, il traîne dans les cabarets, clame qu'il veut être poète, dépasser Racine et Hugo. C'est après avoir agressé son beau-père que celui-ci l'envoie sur le Paquebot-des-Mers-du-Sud, à Bordeaux pour un an de navigation. Il vit très mal cette punition. Mélancolique, boudeur, il est horrifié par le piégeage d'un albatros par les matelots et rédige un poème magnifique :

« Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers. »

Toujours coiffé d'un chapeau très original et vêtu comme un dandy, il se paie une prostituée pour qu'elle le dépucèle. Résultat : une blennorragie, la chaude-pisse ! Un peu plus tard, dans Le Quartier latin, une actrice noire l'époustoufle. Cette mulâtresse originaire des Caraïbes, est grande, une tête de plus que lui. C'est elle, Jeanne Duval, qui sera sa muse, celle avec laquelle il vit les plus forts moments de sa vie et les plus douloureux, lors des ruptures. Elle lui fait cadeau de la syphilis, la grande vérole, et Charles est pris dans l'engrenage infernal de la drogue : shit, laudanum, opium, avalant des doses impressionnantes pour être bien et surtout doper son inspiration géniale. J'ajoute qu'il dépense sans compter et qu'il est sans cesse la proie des huissiers et dépend de la générosité de sa mère.
Ainsi, au fil des chapitres enchaînés nerveusement, Jean Teulé m'a fait souffrir avec les déboires de Baudelaire, m'a enthousiasmé avec ces vers d'une force extraordinaire, m'a révolté devant l'attitude des bien-pensants qui iront jusqu'à le condamner et interdire plusieurs poèmes des Fleurs du Mal. Ici, je salue le formidable courage de son imprimeur, Auguste Poulet-Malassis. Il ira jusqu'à se ruiner pour publier ce poète qui le touche beaucoup.
J'ajoute que Jean Teulé sait bien faire ressentir la vie dans Paris au XIXe siècle, des plus beaux salons aux bas-fonds, qu'il démontre bien les bouleversements créés par Haussmann et surtout permet à son lecteur de rencontrer, dans le désordre : Félix Nadar, Edouard Manet, Charles Asselineau – son plus fidèle ami -, les frères Goncourt – pas à leur avantage-, Hector Berlioz, Daumier, Gustave Courbet - d'une patience infinie -, Gustave Flaubert, Gustave Doré, Alfred de Musset, Barbey d'Aurevilly, Gérard de Nerval, Eugène Delacroix que Charles Baudelaire, jamais de bonne humeur, croise chez la délicieuse Apollonie Sabatier qui tient salon le dimanche. Voilà une belle brochette d'immenses artistes pour faire honneur au plus grand des poètes qui meurt le 31 août 1867, à 46 ans !

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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