Larzac, histoire d'une résistance paysanne

Voici mon retour de lecture sur la bande dessinée documentaire : Larzac, histoire d'une résistance paysanne.
Le plateau du Larzac a été au coeur d'une lutte qui a mobilisé des centaines de milliers de personnes à partir de 1971.
Tout a débuté lors de l'annonce de l'extension du camp militaire situé sur le plateau.
Menacés d'expropriation, les agriculteurs s'engagèrent dans un combat qui, durant une décennie, mobilisa autour d'eux un large et hétéroclite mouvement, dynamisé par les comités sur tout le territoire.
À travers cette lutte paysanne, le Larzac reste encore aujourd'hui un symbole de résistance, de mobilisation pour la défense de l'environnement, de l'aménagement du territoire et tout simplement du monde rural.
"Larzac, histoire d'une résistance paysanne" est une bande dessinée documentaire très complète sur cette lutte qui a durée 10 ans.
J'ai entendu parler de cette affaire mais j'étais petite et j'avoue ne pas m'en souvenir plus que ça.
J'ai vraiment découvert avec cette bande dessinée quels étaient les enjeux de cette lutte, comment cela a fait jurisprudence ensuite.
C'est documenté, avec des photographies et des documents de l'époque. C'est très intéressant, ça rend l'ensemble très vivant et j'ai vraiment été immergé dans ma lecture.
A la fin, il y a un article hyper complet qui clos cette aventure.
Les illustrations sont en noirs et blancs, ce qui m'a un peu dérangé au début car je préfère les bd en couleurs.
Toutefois, j'avoue que les traits sont précis et les paysages du Larzac sont vraiment sublimés par le noir et blanc.
"Larzac, histoire d'une résistance paysanne" est une très bonne surprise que je note quatre étoiles :)

28 octobre 1971. Les habitants du plateau du Larzac apprennent aux informations régionales télévisées, de la bouche du ministère de la Défense Michel Debré, que l'Etat va étendre la zone militaire existante pour passer de 3.000 ha à 17.000 ha. Cette nouvelle intervient alors que le plateau a déjà été revitalisé par les exploitants, développant l'élevage ovin notamment pour la production de Roquefort. L'État envisage alors d'exproprier les paysans, au mépris de leur travail, de leur vie. Commence alors 10 ans de combats pour « garderem lo Larzac », pour que les habitants de cette terre de rocaille puissent rester chez eux.

Le BD de Pierre-Marie Terral et Sébastien Verdier raconte ces dix années de lutte pacifiste. Cette histoire, Pierre-Marie Terral, enseignant et historien, la connaît bien : elle est le sujet de sa thèse. Ce sont les locaux et les touristes qui font germer en lui l'idée de raconter à nouveau l'histoire de cette résistance paysanne. Il en parle à un autre ruthénois, Sébastien Verdier, et Dargaud accepte le projet.

Pour notre plus grand bonheur !

En 176 pages les deux hommes reviennent sur les raisons de la colère et sur les moyens mis en oeuvre pendant toutes ces années. Rapidement les paysans sont par les ouvriers et les autorités religieuses locales. La France sort tout juste de mai 68. le Larzac reprend le flambeau de la contestation. de toute la France les soutiens arrivent, mais tous ne sont pas forcément les bienvenus, comme les étudiants maoïstes. C'est le chemin de la non-violence qui est choisi, sous l'influence de Lanza del Vasto. le soutien populaire est rapidement là, et la combat pour le Larzac s'impose également comme la convergence des luttes (Lipp, antinucléaires, etc).

Il faut lire cette BD extrêmement documenté pour se souvenir de ce combat, peut-être une des premières résistances écologiques, comprendre ses ressorts et comment il continue à inspirer d'autres combats le (McDo de Millau, Notre Dame des Landes, Bure, etc).

Si le texte de Pierre-Marie Terral est passionnant et fluide, le dessin de Sébastien Verdier, en noir et blanc, est magnifique de réalisme. Il sublime les paysages du Larzac, rend hommage à ses hommes et ces femmes qui, tels le pot de terre contre le pot de fer, ont fait preuve d'une solidarité et d'une détermination exemplaires et leur a permis de gagner.

Des photos, illustrations d'époque, extraits d'articles de journaux s'intercalent dans le texte et le dessin pour en appuyer le propos. Pierre-Marie Terral clos le livre avec un article très complet.

Bref, une grande réussite !

Merci aux Editions Dargaud et à NetGalley France pour ce coup de coeur.

La préface de José Bové, ancien député européen et un des fondateurs de la Confédération paysanne, permet de circonstancier le mouvement qui a agité cette région, presque désertique, le Larzac, dans le centre de la France. Pendant dix ans, la résistance paysanne réussit à attirer l'attention autour de son combat : garder les terres pour l'exploitation agricole plutôt que les réquisitionner comme terrain de manoeuvre pour l'armée. La sympathie des médias, et aussi des dessinateurs, avec son journal « Gardarem lo Larzac » si célèbre et sa radio qui assurait le relais des informations, ont permis de relayer le bras de fer engagé avec l'Etat.

Pierre-Marie Terral, professeur d'histoire géographie et historien des luttes, a fait paraître en 2011, Larzac : de la lutte paysanne à l'altermondialisme et en 2017, Larzac, terre de lutte, une contestation devenue référence. Autant dire que sa présence dans cette bande dessinée apporte une documentation fondée sur les faits historiques et les publications de l'époque.
Sébastien Verdier, dessinateur au départ autodidacte, entre par hasard mais avec beaucoup d'envie dans l'équipe du magazine Pif. Sa bande dessinée Orwell, constituée avec Pierre Christin et parue en 2029, fut très remarquée. Son dessin, toujours en noir et blanc, est une signature.

Brins d'histoire
Unilatéralement, l'Etat décide d'agrandir le camp militaire situé sur le Causse du Larzac en faisant passer sa superficie de 3000 hectares à 17 000 hectares. En 1971, Michel Debré en fait l'annonce à la télévision, froidement, un soir au journal télévisé. Situé entre Millau au nord et La Couvertoirade au Sud, ce plateau du Larzac est le royaume des brebis et grâce à elles, de la production du Roquefort.

Le mouvement naît avec le soutien des ouvriers des entreprises de production et les autorités religieuses locales. Mais, le véritable coup de pouce contestataire viendra du mouvement maoïste. En effet, le 17 février 1972, la police avait abattu un militant, Pierre Overney, devant les usines Renault de Boulogne Billancourt. de nombreux intellectuels, par engagement, s'étaient fait embaucher dans les usines pour faire vivre leur engagement. Ils savaient que leur contestation avait changé de ton. Ils décident de reprendre la route vers le Larzac et de se faire embaucher dans les fermes.

De plus, au sud du plateau, la communauté de l'Arche, avec à sa tête le philosophe Lanza del Vasto, décide de poursuivre le mouvement mais de manière non violente. Avec sa grève de la faim, il attire les premiers journalistes et les premiers hippies.

Lorsque les paysans décident de fêter le 14 juillet 1972 en montant avec leurs tracteurs à la préfecture de Rodez, plus de 20 000 personnes les accueillent.

La lutte du Larzac est faite de ces axes fondateurs et commence véritablement par l'accord de paysans de ne pas vendre leurs terres à l'armée. Ainsi, cette bande dessinée Larzac, histoire d'une résistance paysanne est la première oeuvre d'envergure à reprendre cette histoire de la seconde moitié du XXème siècle.

En conclusion,
En incluant des documents de l'époque, la bande dessinée soutient son propos avec sérieux.
Cette bande dessinée Larzac, histoire d'une résistance paysanne est le récit très documenté de cette lutte qui dura dix ans mais qui se conclura par une victoire, celle de la terre et des brebis sur l'armée. Un sujet d'actualité !
Lien : https://vagabondageautourdes..

J'ai beau avoir grandi en Aveyron, je connaissais mal la mobilisation du Larzac. Cette bande dessinée est arrivée à point nommé pour combler ce manque !

Le contenu : début des années 1970, le camp militaire du Larzac souhaite s'étendre, ce qui implique qu'une centaine de fermes soit expropriées. Dans ce coin d'Aveyron qui a payé un lourd tribut à l'exode rural, l'opposition s'organise. Et dès le début, elle est diverse : les agriculteurs sont d'âges et de sensibilités différentes. En outre, ils reçoivent très vite à la fois le soutien des structures de gauche… et de l'église catholique. L'opposition durera 10 ans, jusqu'à l'abandon du projet par le président nouvellement élu Mitterrand. Certains événements rassembleront jusqu'à 100 000 personnes !

La forme : dans un style réaliste un peu old school, mais très agréable à lire, l'auteur nous dresse la galerie des personnages qui ont contribué à cette lutte hors norme. Hors norme par son ampleur (qui aurait cru qu'un bout d'Aveyron dépeuplé déchaine à ce point les passions ?), par sa durée (1971-1981) et surtout par sa capacité à fédérer des gens politiquement en désaccord sur tout le reste. Il y a ce passage magnifique où, lors d'un des premiers gros événements organisé sur le Larzac, un agriculteur pleure de joie en voyant qu'il est soutenu à la fois par « des religieuses » voilées et des hippies « seins nus ».

Le livre rend un bel hommage, sérieux et documenté, à ce qui fut un des premiers et des plus beaux mouvements de résistance protéiforme de l'altermondialisme. On y voit bien que la pluralité des moyens de lutte (judiciaire, manifs classique, désobéissance civile, extrême gauche, catholicisme…) ne s'opposent pas, mais plutôt se complètent dans un joyeux bordel qui n'a même pas besoin d'être vraiment coordonné. Evidemment, les parallèles à dresser avec la lutte autour de Notre Dame des Landes seraient nombreux ; l'auteur ne franchit pas ce pas, mais libre au lecteur de le faire.

En bref, une bédé bien pensée, bien réalisée et aussi instructive qu'agréable !

Face à au constat vaguement déprimant d'une perte de la "conscience de classe" et du goût de la lutte que l'on trouve dans d'autres BD de l'année, comme la très intéressante "Les ennemis du Peuple" d'Emiliano Pagani et Vicenzo Bizzarri chez Dargaud, ce « Larzac, histoire d'une résistance paysanne » dresse le parfait contrepoint de ces luttes d'antan, qui réussissaient à réunir dans une même ferveur militante des personnes venues d'horizons très divers. Préfacé par José Bové, qui fut un des principaux acteurs des combats paysans du Larzac, le récit est évidemment de parti-pris. Mais on ne s'en offusque pas, tant le travail d'enquête historique est ici bien mené, fournissant la structure d'un scénario chronologique qui déroule toutes les étapes de la résistance jusqu'à la victoire, tant les leçons politiques, voire philosophiques, de l'épopée sont habilement analysées et discutées au fil des dialogues. Les illustrations de Sébastien Verdier, adepte d'une ligne claire en noir et blanc, donnent force aux expressions des émotions des différents protagonistes et offrent à l'arrière-plan des Causses ou du décor urbain des manifestations une touche bienvenue de véracité réaliste. Des photos de l'époque viennent ponctuer régulièrement les phases du récit, et une postface de Pierre-Marie Terral souligne les enjeux de ce formidable conflit dans le contexte de l'époque tout en en évoquant les échos dans les actions de terrain d'aujourd'hui. Un très bel album pour tous ceux qui entendent garder vivante la mémoire de ce qui fut, outre la rébellion pour la défense des terres, un exemplaire combat antimilitariste. Et peut-être qu'on en a bien besoin, hein, de cette mémoire-là au milieu du bruit des bombes à Gaza ou en Ukraine et tandis qu'est réprimée la moindre action des Soulèvements de la Terre ?