Un roman au thème très original, un choix hardi car-me semble-t-il- le sujet est difficile à traiter. Ce livre se démarque de toute la production littéraire française contemporaine.
On se laisse peu à peu(pas immédiatement, en ce qui me concerne) envoûter.
Superbe écriture.
Ce livre est un poème(à la mer, au voyage ,à la solitude, aux animaux, etc.)
Commenter  J’apprécie         20
« Traversée » raconte celle d’un porte-conteneurs de Rouen aux Antilles. Sans incident. Mais son auteur, Francis Tabouret, convoyeur d’animaux, en fait une ode.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Beauté, poésie et simplicité sont au cœur de ce premier livre vibrant, récit de la transatlantique en cargo d’un soigneur avec ses chevaux, taureaux et moutons.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Je me suis levé et nous avions quitté le port. Tout, dans la cabine, vibrait au rythme lent de la machine : les placards, les portes, les corps. Cinq étages plus bas, comme réfugiés entre les piles de containers, au centre du bateau, les taureaux étaient immobiles, statues de poils et de cornes, figées de réflexion, enveloppes impassibles. Les moutons, en petite assemblée, mâchaient du foin autant parce que la faim les tiraillait que pour se donner une contenance. Les chevaux, eux, avaient les yeux alertes, les oreilles mobiles : ils étaient tout à fait éveillés.
Un jour de ce métier, un homme m’a dit : « Aux Antilles, tu ne peux pas aller en avion. » Il m’a dit que les lignes avaient été fermées, qu’il n’y avait plus de ces avions de marchandises qu’on appelle cargos, que le fret était maintenant chargé sous les passagers et que les chevaux, qui ne rentrent pas là-dessous, avaient dû reprendre la mer pour traverser l’Atlantique. Il m’a dit : « Les chevaux embarquent et traversent sur des porte-containers. »
Trois mois plus tard, j’étais sur un bateau avec douze chevaux : on naviguait sur l’océan et vers la Guadeloupe. J’avais embarqué pour le très grand large et pour le temps long. Pour l’Atlantique, les vagues, les terres lointaines, parce que l’immensité des océans sur les cartes du monde. Treize jours d’eau. J’étais au Havre, je me suis retrouvé à Pointe-à-Pitre. Mes souvenirs de traversée sont assez flous : la ligne d’horizon, le tain des vitres de la passerelle, la chaleur et le bruit des machines, le vent, le lent roulis du bateau qui si souvent est torpeur, l’envie parfois furieuse de tempêtes, le regard des bêtes… mais d’événements, d’un lendemain qui serait différent d’une veille, je ne me rappelle pas. Je crois que j’étais hébété, d’eau et d’horizon. Le bateau va de jour comme de nuit et il pourrait continuer de naviguer pendant des semaines sans qu’à bord on s’étonne de ne jamais rien rencontrer. En mer, le seul qui se noie vraiment c’est le temps. J’ai débarqué ne sachant plus combien de jours j’avais été en mer.
Je suis convoyeur de chevaux : je voyage avec des chevaux dans les soutes d’avions de marchandises. Une sorte de steward équin, ou de livreur, soigneur de bêtes à dix mille mètres d’altitude. Les avions, la vitesse et les réacteurs, mais les oreilles qui se pointent quand on s’approche au fond des carlingues, les sabots qui grattent le sol de fer et d’air, le bruit des mâchoires, le poil qui colle à la main et dit la peur, les naseaux, les yeux inquiets ou joueurs, les crins. Le ciel et les nuages, mais du foin et de l’eau.
Métier aussi de l’étrangeté des kilomètres avalés, lundi Amsterdam, mardi Tokyo, mercredi Abu Dhabi. Métier du monde par sauts de puces. Puces volantes, envolées. Soigneur de bêtes volantes. Métier de tarmacs et de tampons sur les passeports, de frontières passées, de langues mélangées. Heures d’aéroports, d’avions, de soutes d’avions. Et, au bout des heures de vol, la pincée, le tout petit, l’instant, ce qui est vu par la fenêtre, d’un jour ou de quelques heures avant de rentrer, l’image volée d’une ville, d’un pays ou d’un continent : ramener dans ses yeux une ville d’immeubles au milieu des montagnes ou une autre toute de verre, une terre rouge, un casque de faucon ou un homme fuyant dans un bus, un air bon, un autre si chaud, quelques chèvres ou une vache, une nuit, la lumière de minarets, une étendue d’Argentine. Une image ici, une autre là. Métier de notes éparses, de petites impressions, du monde picoré.
Les cartes marines, qui disent les fonds et les côtes (celle de mon couloir n'est là que pour l'ornement) ont leurs tiroirs à la passerelle. C'est la plus belle des bibliothèques. Les cartes des eaux du jour sont sur ce qui est comme une table à dessin avec ses crayons, ses compas, ses gommes et ses règles. Le Fort–Saint-Pierre navigue sur les cartes de l'United Kingdom Hydrographic Office publié « sous la Direction du contre-amiral N.R. Essenhigh.
Je crois que les bateaux ne sont à quai que contraints, parce qu'il le faut bien et qu'ils sont d'une autre eau. Ils ne sont pas faits pour les quais, pour les rades, pour les bassins : toutes ces baies, ces anses, ces havres, qui portent le nom de ports - mais regardez donc un bateau manœuvrer–, tous sont trop petits pour eux. Des éléphants dans des poulaillers.
"Bienvenue aux éditions P.O.L", un film de Valérie Mréjen. Pour les 40 ans des éditions P.O.L, quelques un(e)s des auteurs et des autrices publié(e)s aux éditions P.O.L écrivent une carte postale et laissent un message aux éditions P.O.L.
Avec par ordre d'apparition de la carte postale: Violaine Schwartz, Jean-Paul Hirsch, Lucie Rico, Emmanuel Lascoux, Jacques jouet, Philippe Michard, François Matton, Frédéric Boyer, Catherine Henri, Suzanne Doppelt, Lamia Zadié, Marianne Alphant, Suzanne Duval, Laure Gouraige, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Elisabeth Filhol, Célia Houdart, Nicolas Fargues, Nicolas Bouyssi, Louise Chennevière, Frédérique Berthet, Marie Darrieussecq, Jocelyne Desverchère, Jean Frémon, Kiko Herrero, Julie Wolkenstein, Emmanuelle Bayamack-Tam, Liliane Giraudon, Frédéric Forte, Pierric Bailly, Valère Novarina, Hélène Zimmer, Nicolas Combet, Christian Prigent, Patrice Robin,, Emmanuelle Salasc, Alice Roland, Shane Haddad, Mathieu Bermann, Arthur Dreyfus, legor Gran, Charles Pennequin, Atiq Rahimi, Anne Portugal, Patrick Lapeyre, Caroline Dubois, Ryad Girod, Valérie Mréjen / Dominique Fourcade, Marielle Hubert, Robert Bober, Pierre Patrolin, Olivier Bouillère, Martin Winckler, Jean-Luc Bayard, Anne Parian, Nathalie Azoulai, Julie Douard, Théo Casciani, Paul Fournel, Raymond Bellour, Christine Montalbetti, Francis Tabouret, Ryoko Sekiguchi,
+ Lire la suite