ATTENTION RISQUE DE SPOILER!
Dans l'ensemble, les notes et les critiques de ce livre sont bonnes. Et puis ce que j'en avais entendu m'avait donné envie de le lire. La célèbre pyramide de Maslow me captive et me donne à réfléchir depuis longtemps, et puis le milieu dans lequel se passe le récit trouve un écho en moi. Donc à-priori tous les ingrédients étaient réunis pour que j'adhère. Et pourtant...
Malheureusement j'ai été très déçue de ce livre, qui manque sérieusement de crédibilité et part complètement en vrille à la fin. Si on veut écrire un roman réaliste, il faut qu'il soit cohérent. Sinon on se lance dans la science-fiction... Et là, beaucoup de détails m'ont dérangé. Beaucoup de grains de sable dans la mécanique, d'éléments qui sonnent trop faux pour qu'on ait encore envie de croire à l'histoire de Christopher.
On est d'accord: les SDF endurcis de quinze ans, ça ne court pas les rues. Et donc comment expliquer le fait que Chris - qui n'est à la base qu'un gamin "normal" en fugue - se comporte comme un vieux d'la vieille, comme s'il avait déjà tout vu tout vécu dans la rue? Et puis il faut être réaliste: l'histoire se passe à notre époque, celle des "alertes enlèvement" et des services sociaux. Personne donc ne trouve étrange que sa famille n'ait pas lancé de recherches? Ni que les flics qui le contrôlent à longueur de temps ne l'aient pas renvoyé chez lui ou en foyer? ALLO! Un ENFANT qui vit dans la RUE. Ce scénario est tout simplement invraisemblable. Et quand les bases sont branlantes, dur de s'accrocher au récit...
Le point positif, c'est que l'univers de la rue est très bien retranscrit. Pour l'avoir côtoyé de près, je confirme qu'on est pas loin de la vérité. Mais par contre le personnage principal est complètement inadapté! Il aurait eu 20 ou 25 ans, ça serait peut-être passé. Mais le fait qu'il soit mineur change beaucoup de choses, et là, moi j'y crois pas 1 seconde. Même ses mots ne semblent pas ceux d'un ado. Et même si dans la rue les gens ont tendance à déteindre les uns sur les autres, un adolescent n'aura jamais le même mode de pensée qu'un adulte. En + comme par hasard il rencontre les "bonnes" personnes pile quand il en a besoin...
Je ne sais pas trop quel message l'auteur a voulu faire passer... La sur-médiatisation de notre société? L'indifférence des masses face à la misère? le côté obscur de la célébrité? En tous cas, tout dans l'attitude de Christopher est provocation et rejet, je ne comprends donc pas pourquoi il s'est inscrit au jeu de "
la pyramide des besoins humains", et encore moins pourquoi il est allé jusqu'au bout de la démarche si pour lui (p36): "La célébrité est une fiente de pigeon qui tombe sur la tête".
Trop de choses m'ont paru maladroites et placées là aux forceps pour les besoins de l'histoire. Par exemple le coup du portable volé afin de faire régulièrement des photos pour le site du jeu: l'auteur n'a jamais entendu parler du fait qu'un téléphone ait besoin d'être rechargé? Qu'il possède souvent un code PIN ou même un code tactile pour le débloquer? Des applis de géolocalisation et du fait de faire opposition pour rendre l'appareil inutilisable? C'est sûr, ça fait bien dans le livre, ça fait gamin qui se la joue débrouille, mais si on y réfléchit 2secondes, ça ne marche pas.
Tout comme l'envolée exponentielle du nombre d'amis sur son compte, les répercussions dans les médias, son nom dans toutes les bouches... Je sais bien qu'il en faut peu pour faire le buzz, mais là il n'y a vraiment pas de matière sur son profil ni de volonté de sa part de se montrer, et puis il est l'antithèse de ce qui attire. Je veux bien que ses provocations aient provoqué quelques réactions, mais sûrement pas l'adhésion d'un si large public et encore moins des réactions de groupies comme "Christopher épouse-moi!" Je doute qu'un gamin crasseux qui vit dans la rue soit un modèle de glamour... Ca va trop loin.
Au final j'ai trouvé ce livre très agaçant, alors que ja pensais être émue et peut-être même m'identifier un peu. Mais alors en fait PAS DU TOUT... Toutes les métaphores style "écorché vif" m'ont vraiment paru too much. (p80): "Les gars en marge, comme moi, ils vivent sur le bas-côté, car quelque chose a débordé. Malgré le joli cahier aux lignes tracées, le stylo a dérapé, il a filé dans la marge. Il y avait trop à écrire, un trop-plein qu'il fallait sortir".
Dans l'histoire il s'inscrit au jeu depuis un cyber café, rentre 2 ou 3 renseignements fictifs et c'est parti pour la célébrité. Mais dans la vraie vie, sans photo ni coordonnées, il n'aurait même pas pu s'inscrire! Et les quelques tirades qu'il poste sont totalement hors-sujet... C'est peut-être un appel au secours, dissimulé sous des kilos de provocation. Mais c'est surtout ridicule. (p108) "J'ai trop d'honneur, Maslow, pour jouer à ton petit jeu. Remballe tes paillettes". S'il savait ce que Maslow en aurait à faire de sa petite tirade... Et encore, ça c'est s'il avait été encore vivant. Il est mort il y a 45ans mais visiblement, ça, Christopher ne le sait pas... Et puis, "jouer son petit jeu", c'est justement totalement ce qu'il fait en postant ce commentaire...
Ca ne me fait pas plaisir mais je crois que je pourrais continuer à descendre méthodiquement ce livre pendant des heures tellement il m'a déçu: j'avais sûrement trop d'attentes, j'en suis du même coup tombée de + haut... Bref, j'étais déjà amplement déçue du voyage et le final m'a asséné le coup de grâce; j'ai vraiment hésité entre hurler de rire ou pleurer de consternation...