BISMILLAH,
Brahim Siraj-Dine***
nouvelles marocaines, Editions du Yéti 2023
lecture en octobre 2023
« chacun sa route chacun son chemin » les paroles de Grammont Ray ouvrent les 19 courtes histoires ou nouvelles, dans lesquelles le narrateur retrouve son Maroc de naissance et se laisse envahir par une profonde nostalgie et des réflexions sociales et historiques qu'ils confie au lecteur, comme un partage d'émotions, des retrouvailles émouvantes, des souvenirs gravés pour la vie, entre choc et sages sourires. La recherche d'un passé précieux pour certains, oublié par d'autres et renvoyé au rayon des démodés.
Dieu, présence forte, redoutée ou remerciée par la plupart des croyants, se voit aussi, à son grand étonnement, juste accepté pour une bonne entente, un ami, éventuellement un conseiller, ou une référence de longue date.
Un autre dieu, sans majuscules, est l'humour, subtile et tolérant, il connaît la place qu'il mérite et surtout son pouvoir que rien et personne ne peut lui enlever.
Convoquer le passé pour avoir de ses nouvelles, regarder le présent tout neuf et surprenant pour quelqu'un qui s'en est détaché depuis longtemps, sont des moments où l'émotion arrive brutalement et naturellement, bouleverse, touche infiniment, surtout quand elle est racontée dans les termes les plus simples qui soient. La pauvreté, une réalité qui fait encore très mal, peut devenir riche, un jour béni, l'espace d'un court moment, par une simple harira, un potage offert gracieusement.
Chaque jour est une pérégrination surprise dans un monde connu dans l'enfance et devenu, des années après, les surprises d'une vie qui change, et pas toujours pour le mieux.
Pans de vie, rendez-vous avec des souvenirs que le passage du temps a effacés, des changements, quelques fantasmes de jeunesse, clins d'oeil souriants à des bribes d'une existence.
Réflexions graves, même amères, faites sans révolte, avec le naturel d'une philosophie disant que ce qui a été ne peut plus être changé.
Les nouvelles sont des moments de vie, des ressentis, des souvenirs, des réflexions mûries pendant de longues années, quelques voiles qui se lèvent pour laisser émerger des éclats légèrement enbrumés par le temps, pour panser quelques cicatrices encore douloureuses et sourire à des moments vécus il y a longtemps mais qui répondent à ce sourire.
Un pays, ses hommes et ses femmes, une histoire nationale, des histoires de chacun à petite échelle, intimes, presque oubliées, des traditions et coutumes, des croyances avec ou sans la présence d'un dieu mais avec la chaleur de la mémoire et de quelques rencontres d'une simplicité déconcertante.
Un monde qui disparaît de la vue et, par voie de conséquence, de la mémoire dont le travail sélectif garde seulement la brillance et le bruit.
Le passé est au présent, le passé évoqué par la mémoire qui le rafraîchit le temps court d'une histoire, le passé revient comme événement de l'instant, des « scènes de respiration, de liberté, mosaïques de solitudes, tentatives de sortir de l'enfermement »p.45, ou, peut-être, comme symbole d'un système « voué à un moment ou à un autre à se vider progressivement ou même parfois brutalement de son sens. »p.92
Un grand merci à
Pierrick Tillet des Éditions du Yéti qui m'a offert le plaisir de vivre quelques moments précieux partagés par l'auteur
Brahim Siraj-Dine.