Ce petit livre - lu par hasard - écrit dans une langue simple, sobre, scolaire, devrait être une lecture obligatoire pour tous les collégiens. Plus de la moitié d'entre eux ont des arrières-grands-parents qui faisaient partie de ce que l'on appelle aujourd'hui la ruralité et qu'ils connaissent mal. A travers le témoignage autobiographique d'Adeline, petite paysanne du Périgord, qui pourrait être leur arrière-grand-mère, ils découvriront sa vie et « les valeurs essentielles sur lesquelles ont vécu nos campagnes pendant des milliers d'années ».
C'est sur ces valeurs que s'est construit le monde dans lequel ils vivent et ainsi ils pourront s'interroger sur ce qu'elles étaient et sur ce qu'elles sont devenues.
● LE TRAVAIL – C'est la valeur suprême. On travaille toute sa vie sans jamais se plaindre, de son enfance à sa mort, sans trêve ni repos -ou guère -, sept jours sur sept et pendant toute l'année. Pendant les rares moments de loisir, Adeline se sent honteuse de ne pas travailler. Loin d'être vu comme un esclavage, il est une bénédiction et la condition essentielle de la survie. Dans ses occupations quotidiennes, aussi dures soient-elles, on trouve un accomplissement, une connexion avec la nature ou la communauté...et une forme de bonheur.
● LA FAMILLE- Elle est nombreuse et regroupée dans un territoire restreint. Elle est une source de réconfort, de soutien et de stabilité pour Adeline et son mari. Elle est aussi un refuge dans les moments difficiles, et les liens familiaux sont profonds et durables. Pas de familles recomposées, pas de vieux dans les Epads. La vie de famille, avec ses joies et ses peines, est au coeur de l'histoire, montrant comment les relations familiales peuvent être une force motrice dans la vie.
● Et non, le troisième pilier de cette société rurale, du moins pour les femmes, ce n'est pas LA PATRIE ! Bien au contraire, la petite oui, bien sûr, on aime son « pays », le territoire natal mais la grande, elle est redoutée, exécrée même, car synonyme de guerre et des maux qui vont avec. Elie, le mari qui en revient estropié et détruit ; le fils qui a pris le maquis pour échapper aux STO. Elle est source de malheur et non de bonheur. Elle est symbolisée par la gare de Sarlat d'où Adeline a vu partir tant des siens pour ne pas revenir.
● LE BON DIEU – Heureusement qu'il est là, lui. On le prie dans les bons et les mauvais moments, pour l'implorer ou le remercier. Pour Adeline, le hasard n'existe pas, tout arrive parce que le bon Dieu l'a voulu et il a bien ses raisons. A noter que c'est toujours avec l'épithète « bon » que Dieu est invoqué. La seule fois où Adeline doute de sa bonté c'est lors des guerres : « s'il était si bon que ça, il ne permettrait pas toutes ces horreurs » pense-t-elle. Mais ça ne dure pas...et puis Noël arrive et avec lui le sauveur et on prie, on se réjouit , on célèbre l'événement, c'est la fête tant attendue ! La seule fois de l'année où on se laisse aller. Mais pas question de cadeaux -où alors si peu- car le mari est là pour veiller. Les cadeaux c'est le superflu, et le superflu c'est ce qui n'est pas indispensable à la vie de tous les jours. Ainsi la jalousie n'existe pas.
● Et pour Adeline comme pour tous ceux de sa génération, la voie du bonheur est dans les choses simples. Elle passe par la réalisation des désirs naturels et nécessaires et le dédain pour tout ce qui est vain et inutile, superflu. Bref, je dirais que c'est
Epicure en Périgord ! Que
Marcel Conche me pardonne ce pastiche.
Ce portrait « sensible et attachant » que
C. Signol nous fait de sa grand-mère, de son monde et de ses des valeurs - qui étaient celles de nos proches ancêtres- devrait être à même de nourrir la réflexion de nos ados et de susciter le débat dans leur classe. C'est de ce monde-là qu'ils sont issus.
NB- A mettre en parallèle avec
C'était mieux avant ! de
Michel Serres.