Dans un monde où la nourriture se met en scène à chaque heure,
Ryoko Sekiguchi se rend à Beyrouth, capitale des capitales, au sein de laquelle les habitants ne savent même pas que leur cuisine fait fureur partout en Europe. Elle s'y rend, et dans ses 321 fragments, nous décrit la manière dont cette ville peut être appréhendée, à travers autre chose que son histoire, son architecture ou encore la guerre et autres catastrophes.
Ryoko Sekiguchi est accueillie au printemps 2018 en résidence à la Maison des écrivains de Beyrouth. Elle chronique ses 961 heures à Beyrouth dans ce livre composé de 321 courts chapitres, le nombre de plats que la poétesse et traductrice cuisinière a goûtés pendant son séjour.
Pas ou très peu de recettes pratiques dans ce livre mais un hommage ému à des saveurs aimées, qui témoignent de la ville d'avant : avant la révolution de 2019 et avant l'explosion du 4 août 2020 qu'elle met en perspective avec la catastrophe du 11 mars 2011 à Fukushima qui avait inspiré son précédent livre «
Ce n'est pas un hasard ». Comment écrire, se demande-t-elle, sur ce qui peut sembler aussi secondaire que la cuisine, alors que se sont déroulées et se déroulent encore de grandes tragédies nationales ?
C'est un livre - avec un format particulier - qui se déguste lentement, par petits chapitres, 321 au total, comme autant de plats imprégnés de saveurs, d'ingrédients, de rencontres et de lieux découverts durant le séjour de
Ryoko Sekiguchi au Liban qui aura duré du 7 avril au 15 mai 2018, soit 961 heures exactement.
Les amateurs de cuisine risquent d'être déçus car – contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser - l'auteure ne donne pas de recettes et décrit au fond peu de plats libanais. Elle s'attache à rendre hommage à l'hospitalité et la convivialité libanaise. C'est avant tout une déambulation dans la ville qui est proposée par l'auteure : moments de vie, repas, discussions, comparaisons entre mondes oriental et occidental, souvenirs personnels et littéraires, considérations urbanistiques… à côté d'esquisses des goûts, des textures, des savoir-faire culinaires locaux.
Un portrait gourmand de Beyrouth et une manière unique de percevoir la cuisine. Un livre à picorer comme des mezzé, plutôt qu'à lire d'une traite. On prend le pouls d'une ville qui n'est plus tout à fait la même : si la révolution puis l'explosion ont ostensiblement altéré l'essence de Beyrouth,
Ryoko Sekiguchi offre ici le témoignage d'un patrimoine qu'aucune catastrophe ne peut annihiler, à savoir l'amour et le savoir-faire de la cuisine libanaise.
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