La fiche Babelio semble indiquer qu'un second volume de cette histoire du peuple juif devrait paraître. Ce livre-ci, qu'il se suffise à lui-même ou en prépare un autre, est un ouvrage profond et agréable, souvent léger comme une conversation, mais toujours savant sans lourdeur. Il nous conduit dans la longue histoire du peuple juif depuis ses plus anciennes traces attestées par l'archéologie (VII°s avant notre ère), jusqu'à l'expulsion d'Espagne en 1492. Comme un tel parcours historique, où se sont illustrés de grands noms, existe déjà, ce livre aurait risqué de faire double emploi avec d'autres essais sur le judaïsme pré-babylonien, perse, hellénistique, romain, médiéval. Mais à chaque étape de sa chronologie, l'auteur adopte un point de vue toujours original, toujours novateur, et jette sur son objet une lumière nouvelle. Ainsi, on apprend que les dernières découvertes de l'archéologie tendent à réfuter les thèses de l'archéologue révisionniste Finkelstein, pieusement traduit et mystérieusement célèbre en Europe, avec
Shlomo Sand (l'un niant l'existence d'un passé juif avant l'Exil, l'autre celle du peuple lui-même). La vie quotidienne à Eléphantine à l'époque perse et ses personnages colorés, la figure du premier grand orateur antisémite
Jean Chrysostome d'Antioche, les controverses littéraires entre auteurs hébreux en Espagne médiévale, le rôle éminent des femmes d'affaires juives en France, Angleterre et Rhénanie du XI°s (occasion de portraits féminins saisissants), la place importante que l'auteur accorde à l'art juif, à la vie quotidienne juive, à l'économie, donnent à son volume une forte originalité. Chaque page, chaque chapitre, réserve des surprises. Hélas, on retrouvera le récit inévitable des souffrances juives entre le marteau de la charité chrétienne et l'enclume de la "tolérance" islamique. En revanche, on ne trouvera que dans cet ouvrage de
Simon Schama des échos de la vie du peuple - petites gens, savants et autres - entre les catastrophes, grâce à une exploitation judicieuse du grand fonds d'archives de la Genizah du Caire. Seule la mauvaise qualité de la version française (sa syntaxe hasardeuse, parfois incompréhensible, surtout vers la fin, et l'emploi du mot à la mode "judéophobie" à la place du terme correct antisémitisme) a tempéré mon enthousiasme.