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EAN : 9782226136398
160 pages
Albin Michel (03/01/2003)
3.21/5   48 notes
Résumé :
Adam Haberberg est assis au Jardin des Plantes à ruminer sa vie devant l'enclos aux autruches. Il vient de voir son ophtalmo pour un œdème à l’œil dont il craint le pire (thrombose, glaucome, perte de la vue), son dernier roman est un fiasco, sa vie conjugale bat de l'aile. Il est donc au plus bas quand sort de la ménagerie Marie-Thérèse Lyoc, qu'il n'a pas vue depuis trente ans. Sa condisciple au lycée, le genre de fille dont on n'a aucun souvenir, ni désir d'en av... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Plusieurs similitudes lient ces deux romans de Yasmina Reza (Adam Haberberg et Une Désolation): leur narrateur est un homme qui rumine ses insatisfactions et se comporte en ronchon caustique ; le portrait qui se dégage est vif, quelques traits brossés au crayon très noir soutenu par un sens psychologique aigu ; l'absorption de chacun demandera le temps d'un long métrage, laps court parlant de lecture. Enfin, leur toile de fond est schopenhaueresque: l'existence étant faite de désirs insatisfaits et de tracas, les plaisirs ne sont perçus que par contraste avec l'état de souffrance.

Samuel Haberberg (2003) a toutes les raisons de regretter sa situation : ménage pas heureux, mauvaise réception de son premier livre, spleen profond. L'écrivain raté déambule devant les autruches du Jardin des Plantes et tombe sur une ancienne camarade de lycée. Rencontre navrante, il la trouve sans intérêt, accepte stupidement l'invitation à souper et le voilà piégé dans un consternant tête-à-tête. le pire est à venir avec des aveux sentimentaux dont il ne sait s'ils sont refroidis ou proposition. Contraste violent entre une Marie-Thérèse badine, esprit pratique et content, et un Adam misanthrope qui songe "Je ne peux pas croire que Dieu se soit rétracté pour laisser place à une humanité de ton espèce." Incises désabusées - impertinentes ? - sur l'écriture : "Le vrai écrivain ne réfléchit pas à la littérature. le vrai écrivain se fout de la littérature." Récit dépouillé, moments ternes et embarrassés que Reza rend avec tant d'authenticité que l'empathie gagne. La phrase est courte, trop diront certains. On objectera que faire simple reste le plus difficile et s'approche le mieux de l'idéal.

Une désolation (1999) est un monologue: Samuel, exécrable, négatif, mordant, exprime sa hargne envers un fils qui mène une vie sabbatique et auquel il reproche d'exister mollement heureux, au lieu de manifester une attitude pugnace. L'âge venant, Samuel se sent rétréci par le monde: "Est-ce que vieillir consiste à développer une parodie de soi ?" Ce tempérament combatif traduit les positions de Yasmina Reza : "La guerre est inhérente à l'homme, elle n'est pas à part. L'homme est immaîtrisable." Car elle privilégie les rapports riches et dangereux : "Le confort est la chose la plus rétrécissante du monde." Rien d'étonnant de découvrir chez elle ce personnage désabusé par son "véliplanchiste" de fils : "Écarter la souffrance vous tient lieu d'épopée", harangue-t-il.

Ce titre possède un potentiel plus riche que le premier évoqué et on imagine aisément un devenir littéraire aux personnages: une réponse du fils à son père ? Paradoxalement, sa nature excessive m'a moins séduit que le sobre et efficace Adam Haberberg, une création dont l'expression même constitue un rempart contre la désespérance qu'elle évoque.


Peu d'informations et critiques correctement fondées sur la Toile à propos des deux textes. Les meilleurs repères sont des entretiens pour L'Express Culture : l'un avec Catherine Argand, réalisé en 1999, l'autre avec François Busnel et Jérôme Serri en 2005. Les plus intéressés trouveront un portrait complet "La guerrière appliquée" dans Le Nouvel Observateur (papier) du 3 janvier 2013. Surtout célébrée pour ses oeuvres théâtrales (Art, le Dieu du carnage) beaucoup analysées et jouées dans le monde, les romans de cette dame talentueuse (occasionnellement actrice de théâtre et de cinéma, elle est aussi réalisatrice) attendent-ils une redécouverte méritée ?

On observe que la guerrière a quelque analogie avec l'ex-président Sarkozy: "sèche, «burnée», teigneuse, dure à tout par principe" est-elle malmenée par Libération dans une vive critique sur L'aube le soir ou la nuit, où elle raconte le futur élu qu'elle a suivi durant la campagne 2007. Grand succès de vente.


Même si la discrétion est maintenant de mise, la russo-irano-hongroise a une aura people qui pourrait la desservir en tant que femme de lettres. Les deux romans ont en outre des émanations existentialistes, décolorées aujourd'hui, et j'ai même lu le qualificatif assassin germanopratin[1] à propos de leur caractère intellectuel. Fi de tout cela, les textes vivent seuls. Et pour peu qu'on soit dans les dispositions philosophiques et mentales requises pour être la cible de la sagette Reza, nul doute que ces deux livres cinglants iront au coeur et à l'esprit.


[1] de Saint-Germain-des-Prés.
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Encore un bon livre comme je les aime, qui ne paie pas de mine mais qui embrasse large concernant les questions humaines essentielles : qu'est-ce que la réussite ? l'amitié ? l'amour ? le couple ? le mariage ? les souvenirs ?
Comment se sent-on vieillir, à partir de quand a-t-on sa vie derrière soi ? Comment aborde-t-on la maladie qui vient, qui peut venir, qui est peut-être déjà là ?
Le temps existe-t-il ou n'est-il qu'un rêve qui passe ?
Enfin, at last but not least : la séduction ... qu'est-ce ? Les réflexions du narrateur retrouvant une camarade de lycée perdue de vue sont dignes d'"Extension du domaine de la lutte" de Michel Houellebecq, paru antérieurement (précisément neuf ans avant).
Si le narrateur insiste moins sur le sexe, les enjeux sont les mêmes : plutôt la fuite, plutôt la mort qu'être pris dans les rets d'un, d'une "pas baisable". Yasmina Reza ne parle pas comme ça, ou pas beaucoup, mais "suivez mon regard", c'est bien ça qu'elle a en tête, et nous avec. Les avances tardives de la pauvre Marie-Thérèse, la pas-si-moche-que-ça Marie-Thérèse, mais l'infiniment pas-séduisante Marie-Thérèse, paniquent Adam Haberberg davantage encore que la peur de vieillir, la peur de la maladie, la tristesse de son mariage qui s'effondre. C'est comme si sa valeur intrinsèque n'était réellement atteinte que par cette ultime avanie : qu'une invisible, une laissée pour compte, une que personne parmi les adolescents d'alors n'avait jamais vue, bien que la côtoyant tous les jours, ose, oui OSE lever sur lui son regard gélatineux d'animal vaincu et c'est l'écrasement final. Une seule solution, viscérale, tripale : la fuite dans la nuit.
Oui, là vraiment, j'ai cru lire du Houellebecq.
Mais Yasmina Reza n'est pas Houellebecq : pas le même style, pas la même sensibilité tout-à-fait, mais la même tendresse envers l'animal humain. Car oui, tous deux semblent cruels, mais derrière la cruauté, une immense compassion pour ce que nous sommes tous.
A travers le flux de conscience du narrateur, notre vie est ainsi passée au marteau-piqueur.
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Il est des écrivains dont on pressent que jamais ils ne pourront vous décevoir. Yasmina Reza fait partie de ceux-là. Immense écrivain, elle parvient, en quelques mots, en quelques échanges entre ses personnages à installer la réflexion, l'humour, le pathétique et l'émouvant. Rare cohabitation de sentiments et d'émotions! Cet ouvrage ne déroge pas à la règle : Adam Haberberg est à la fois un pauvre type et un surdoué paumé et hypersensible, qui vit l'existence comme une meurtrissure....Cet ouvrage, c'est un peu le Spleen version XXIème siècle. Ébouriffant d'intelligence !
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Le spleen de l'existence dans toute sa splendeur.

J'ai failli tomber en dépression en lisant la rencontre de ce mal-aimé avec son ancienne camarade de lycée, dans une cuisine de Banlieue parisienne, autour d'une omelette aux pommes de terre.

Un bon moment de lecture, mais à lire dans une période de bonne humeur si l'on ne veut pas risquer de tomber à son tour dans un étouffant spleen existentiel.
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De prime abord cela peut paraitre un peu bateau , type livre de prix littéraire . Et aufinal quelle bonne suprise !! Reza est fidéle à elle méme , l'histoire est prenante , on se laisse guider , et c'est un petit bonbon que l'on découvre . Certes ce n'est pas un chef d'oeuve , mais en l'état un trés bon livre d'un écrivain de grand talent !!
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critiques presse (1)
Telerama
30 septembre 2015
Deux livres brefs dans lesquels s'impose l'art de l'auteure pour exprimer la désillusion et poignarder les bons sentiments.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Mon Dieu, pense-t-il, aidez-moi à convertir l'existence en littérature ! Convertir Marie-Thérèse, le sol en lino, les Tucs, la lumière triste, convertir Viry et les années en littérature. Je n'ai pas de plus grand souhait. Je forme un vœu, en avalant cette gorgée de Guignolet : donnez-moi le pouvoir d'exister en dépit et au-delà du réel.
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"De quel droit juge-t-elle de mon état ; de quel droit profère-t-elle une appréciation sur mon état. De quel droit peut-elle décréter que je vais mal. Je ne vais pas mal, Marie-Thérèse, je vais au plus mal, je ressens un chagrin indescriptible et je ne sais pas d'où pourrait venir la consolation.
Je n'ai aucune admiration pour ta bonne humeur, elle me sidère et me révulse. Je n'ai aucune admiration pour ton énergie, elle me nuit. Rien en toi ne me parle, et rien en moi ne peut te parler. Tu ne peux rien comprendre à ma vie parce que toi, Marie-Thérèse, tu étais damnée dès le départ. Tu as accepté cette damnation et tu vis avec. Tu t'es fondue dans la masse, tu as aplani les discordances entre le monde et toi. Tu fais partie de ces gens qui ne veulent rien d'impossible, et qui, d'une manière ou d'une autre se sont soustraits à l'attente. Je ne peux pas croire que Dieu se soit rétracté pour laisser place à une humanité de ton espèce.... Tu ne sais pas ce qu'est la solitude. Si tu éprouvais ma solitude tu ne pourrais pas survivre deux minutes. Ma solitude à moi me colle, jamais je ne m'en défais. Que je sois entouré, que je sois avec Irène, avec les enfants, dans cette vie de famille qui me tue, où l'homme ne fait que s'avilir et brader ce qu'il est, que je sois en société ou seul avec moi-même, le sentiment de solitude ne m'abandonne pas. C'est lui qui règne sur ma vie... On ne se méfie jamais assez des gens de ta catégorie, des gens soi-disant inoffensifs qui vous réduisent en une phrase. Des gens qui vous ramènent à vous de la pire manière, sans qu'on leur demande rien, sans qu'on leur ai accordé le privilège de la moindre familiarité et qui profitent de votre faiblesse pour vous démolir. J'ai conservé le rêve naïf de devenir un écrivain, c'est-à-dire, un homme qui tente de se sauver de lui même. Un homme qui pour conserver un peu d'élan vers l'avenir, s'efforce d'échanger sa propre existence contre celle des mots.
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Un couple, avait dit Goncharki un jour d'inspiration, c'est comme une maison. Ça se construit pendant un temps, les fondations, les murs, les plafonds, tu consolides le toit, les ouvertures, et puis c'est fini, tu ne peux plus rien bouger. Tu peux refaire un peu les peintures, tu peux bricoler à droite, à gauche, mais le gros, tu ne peux plus le bouger.
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Je pense à mon âge et les secondes glissent dans le vide.
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Un homme doit être reconnu pour ce qu'il voudrait être.
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