Dans la Lorraine, à l'intérieur d'un étrange manoir presque retiré du monde et un peu délabré, vit une famille russe : les Tarassévitch. Et c'est une famille très chaleureuse : une grand-mère paranoïaque et misanthrope, un homme alcoolique et violent, son frère insignifiant et étrange... et les petites-filles, vivant dans ce climat pas franchement sympathique. Surtout pour Tita, une petite enfant qui se pose sans cesse des question sur sa mère, morte mais dont personne ne veut en entendre parler tant elle déchaîne les disputes, coups et tensions chez les Tarassévitch. Un beau jour, elle trouve une lettre de sa mère lui signalant qu'elle est victime d'une malédiction et qu'elle doit s'éloigner au plus vite de sa famille. Devenue grande, après une suite d'horribles drames, elle fuit effectivement le domicile pour se rendre à Strasbourg où elle trouve l'amour... Mais peut-on échapper à une malédiction ?
J'avais été frappé par le roman de Queffélec,
les Noces barbares, récit d'un enfant voulant chercher l'amour d'une mère... qui le hait. Je voulais découvrir encore une oeuvre de cet auteur et j'ai craqué pour
la Femme sous l'horizon : une teinte slave, une malédiction, une petite fille au centre de tout...
Et j'ai bien aimé.
Dans ce livre, on change complètement de décor : je me suis cru dans un roman gothique avec ce manoir sombre, son lac redouté, le peu de soleil... Et si on ajoute l'ambiance qui règne autour des Tarassévitch...
En effet, chacun se déteste, hanté par son passé : Zennaide, la grand-mère, par l'incendie de sa maison quand elle était jeune puis sa fuite en France, Vladimir, le père de Tita, buvant à tire-lagot pour oublier le décès de sa femme, Lev, son frère, souffrant d'avoir été le souffre-douleur de Zennaide... Chacun chercher pourtant son bonheur mais sans cesse le poids du malheur les rattrape et comme ils ont du mal à s'aimer entre eux... Seul Lev, avec Tita, m'a parut légèrement humain et bon... Tous sont hantés également par la mère de Tita, Carmilla, une femme dont le spectre rode auprès de Tita et du clan, une femme sulfureuse et mystérieuse, dont Tita va peu à peu y ressembler...
Tita est un personnage émouvant. Une fillette qui grandit dans un contexte difficile, qui subit malgré elle la violence familiale, se tourmente ensuite autour de l'avertissement de sa mère, puis va à Strasbourg pour tomber amoureuse mais refaisant inconsciemment le parcours amoureux de sa mère... Et malgré tout, on perçoit un appel à l'aide.
Les non-dits, les secrets, les coups, les insultes sont légion dans le manoir, et en plus, avec la fameuse détresse slave dans sa grande sensibilité, me rappelant les romans russes. En effet, on a plein d'éléments russes comme les matriochkas (les poupées russes !), les prénoms...
L'amour aussi est présent, autant son absence que la flamme qu'il allume entre Vladimir et Carmila (même si leur relation va rapidement se dégrader) et entre Tita et son amant, Misha.
Quand à l'écriture de l'auteur, elle est splendide. Contrairement aux noces barbares, ici, elle est empreinte d'une grande poésie, avec des descriptions frôlant le fantastique (bien que l'histoire n'est pas fantastique...). Même si on trouve toujours des termes crues.
La fin est terriblement tragique, elle clôt l'intrigue brutalement et nous rappelle que nul n'échappe aux signes du destin. Ni au poids de l'hérédité...
En revanche, si il y a une chose que je n'ai pas apprécie, c'est que le livre était un peu court, on aurait pu avoir encore une quarantaine de pages.
Et qu'on devine quand même facilement le fameux mystère autour de Carmilla, on le pressent à quelques kilomètres... Dommage.
Mais c'est un roman singulier que nous donne Queffélec, toujours aussi dur certes mais très poignant et jolie.