En 1965, Claude Santelli (un des grands créateurs de la télévision, et une des icônes de la jeunesse des années 60, grâce au « Petit Théâtre de la jeunesse ») adaptait et produisait un chef-d'oeuvre du petit écran : «
Gaspard des montagnes », réalisé par Jean-Pierre
Decourt, avec dans les rôles principaux
Bernard Noël,
Francine Bergé et
Jean Topart. le roman original qui servait de base à ce merveilleux téléfilm était signé
Henri Pourrat.
Avant de commencer la chronique, il faut vous prévenir, aimables lecteurs et délicieuses lectrices, que ce livre, «
Gaspard des montagnes », est une sorte d'ovni de la littérature, difficilement classable dans une catégorie, puisque, d'une certaine façon, il procède un peu de toutes.
Quelques mots sur
Henri Pourrat, parce que, comme on dit dans une entreprise qui est au parfum, « il le vaut bien ».
Henri Pourrat (1887-1959) est un des grands noms de la littérature auvergnate, avec
Alexandre Vialatte, et quelques autres, dont
Jean Anglade. Inlassable collecteur de
contes, légendes, anecdotes concernant l'histoire et le folklore de son pays, il est l'auteur d'une oeuvre immense :
contes (réunis en treize volumes sous le titre « Trésors des
contes ») romans (dont «
Vent de mars » - prix Goncourt 1941), recueils de
contes et légendes, essais sur sa région, et une imposante correspondance (1900 correspondants, 20000 lettres reçues et autant envoyées) …
«
Gaspard des montagnes » dont le titre complet est «
Les Vaillances, Farces et Aventures de Gaspard des montagnes » est paru en quatre épisodes en 1922, 1925, 1930 et 1931.
L'appellation générale est « roman » et personne ne niera le caractère hautement romanesque de cette histoire : romanesque, romantique, réaliste, historique, épique, picaresque, comique, tragique, poétique… L'originalité ne tient pas seulement à la multiplicité des genres, mais également à la construction singulière du roman : les quatre épisodes recouvrent chacun sept veillées, elles-mêmes composées de six pauses chacune. L'histoire centrale, celle d'
Anne-Marie et de Gaspard est constamment entrelacée avec la relation de
contes et légendes en rapport plus ou moins direct avec l'action, ce qui tend à prouver le grand art de l'auteur, ce don de mêler sans effort, et même avec un grand bonheur, le réel et l'imaginaire.
Nous sommes au début du XIXème siècle, à l'époque napoléonienne et aux premiers temps de la Restauration (il s'agit donc aussi d'un roman historique) dans
l'Auvergne profonde (région de Doranges, pas très éloignée d'Ambert et Issoire, les cités arvernes victimes des « Copains » de
Jules Romains).
Anne-Marie Grange est un soir agressée par un inconnu à qui, en se défendant, elle sectionne deux doigts. le roman tout entier tournera autour de la vengeance de cet inconnu, et de la résistance acharnée de
Anne-Marie et de son cousin, le valeureux Gaspard.
Parce qu'il décrit très finement le décor, le folklore, la mentalité des habitants, les coutumes locales et tout le légendaire s'y rapportant, on a très vite catalogué
Henri Pourrat parmi les écrivains régionalistes. C'est vérité tant son amour pour sa terre natale affleure dans cette reconstitution multiple (sensuelle autant qu'intellectuelle) mais ce serait trahir son oeuvre que s'arrêter à cet aspect des choses : nous avons vu que ce roman correspondait à plusieurs genres : il faut ajouter que, par les valeurs qu'il véhicule, il tend à prendre une valeur universelle, dans sa défense du Bien contre le mal, et dans la primauté de l'amour sur la haine.
«
Gaspard des montagnes » se lit comme un roman-feuilleton : ardente et joyeuse chronique paysanne, c'est une belle aventure pétrie de vaillance doublée d'une belle histoire d'amour.