Ginger et Lola.
Quand on lit ses mots, enfin, quand je lis ces mots, je pense directement à ces films des années 90 qu'étaient SAILOR AND LULA ou
THELMA ET LOUISE.
Ces deux histoires avec des héros cassés par la vie qui se retrouvent, cheveux aux vents, sur les longues routes américaines, à la recherche d'une existence plus belle et pleine d'espoirs. Un accomplissement de rêve si on creuse un peu.
C'est en tout cas réaliser son rêve qui emmène GINGER par delà l'Atlantique.
Broadway, ses théâtres, ses spectacles. Tous ces histoires mélodieuses et dansantes qu'elle a regardées ou écoutées avec sa maman étant enfant.
C'est maintenant où jamais pour cette belle et talentueuse femme de franchir le pas vers les lumières de la rampe car son corps se meurt. Une récidive. Un cancer du sein fatal. Elle doit vivre son rêve sur les planches. Pour elle. Pour sa maman. Et pour LOLA.
LOLA, meilleure amie de GINGER, aux antipodes de celle-ci pourtant car LOLA est peureuse à l'extrême. Elle craint tout de tout. Elle calcule chaque fait et geste pour éviter ce sentiment d'effroi. Effrayée dès sa plus jeune enfance par une mère hyper-protectrice et possessive, LOLA se retrouve adulte, seule à travailler de chez elle comme traductrice, sans attache.
Sauf GINGER qui est celle qui la maintient dans ce monde dont LOLA a peur.
GINGER la fonceuse, son roc, qui débarque sans frapper (ce qui agace LOLA) et qui lui annonce qu'elle est mourante et qu'elle va devenir chanteuse à Broadway. Et qu'elle désire que LOLA l'accompagne.
Et là débute le road trip.
Enfin les road trip :
Celui vers la fuite vers les rêves, celui de la découverte de nouveaux univers, celui du chemin vers son vrai soi, celui de l'envol vers l'amour, celui de la fugue vers la vie.
Fuir avant de mourir tant physiquement que mentalement.
Je découvre la douce et agréable plume de
CARÈNE PONTE.
Je suis subjugué par cet art d'écrire entre l'ombre et la lumière, de la tristesse aux éclats de rires.
Pas de pathos, beaucoup de trémolos, mais toujours dans la bienveillance et la résilience.
Et tout cela avec une aisance dans le style qui est prenant, touchant et addictif. Car, oui, on veut savoir tout et vite de ce qu'il adviendra de nos deux amies.
L'auteure a le sens du détail pour nous plonger dans chaque atmosphère : New-York, Broadway, Central Park. Toute cette ambiance de BIG APPLE est envoûtante et l'on peut considérer THE CITY THAT NEVER SLEEPS comme un personnage à part entière.
CARÈNE fait jouer aussi nos sens pour plus d'immersion.
Avec ses mots, on ressent les plats de THOMAS, on vibre et on danse intensément au son de la voix de GINGER, on frémit lors des crises de LOLA et on respire les arbres de Central Park.
On est en fusion avec le récit et c'est superbe.
La psychologie des personnages est peaufinée dans le moindre détail.
Les craintes de GINGER, son dessein vers l'autre monde se rapprochant, sa lutte pour réaliser son rêve entre son esprit et son corps.
Ou les émotions intenses de LOLA qui ose franchir le seuil de sa porte pour prendre l'avion et aller vivre dans l'une des mégalopoles les plus peuplées du monde, armée uniquement de ses angoisses et de ses peurs.
Même les seconds rangs comme JOANNE ou GABE,l'autrice nous les décrit tous émotionnellement avec la volonté qu'on s'y attache et elle le réussit parfaitement.
Elle a aussi le talent d'utiliser toutes nos références musicales ou télévisuelles, du moins pour le fin de quarantenaire que je suis. Je me revois CHEZ MAX avec TIFFANY, danser avec GINGER ROGERS, maudire ma mère devant DALLAS ou DYNASTIE, chanter NEW YORK, NEW YORK ou MEMORIES.
Ces magnifiques et tendres Madeleines de
Proust qui ont fait de moi ce que je suis et qui m'ont fait comprendre ce que ressentaient les personnages.
Et cet humour dont je raffole et dont je suis un adepte qui rehausse encore le level de ce merveilleux et poignant récit.
CARÈNE PONTE nous propose un roman aux sujets forts (mort, cancer, isolement,...)mais empli d'espoir et de lumière.
Avec un dose d'humour, un brin de douceur et une écriture immersive et prenante, elle m'a offert un splendide spectacle d'émotions passant des rires aux larmes.
Avec deux stars à part entière qui resteront sur la scène de mes plus belles lectures :
l'étincelante et éternelle GINGER TERNET (Charles y est pour quelque chose?) et la tendre et infinie LOLA. (Mais qu'est-ce qu'elles me manquent déjà...)