Roman autobiographique et essai sociologique du transfuge de classe.
À travers son regard de sociologue, l'auteur raconte sa vie et celle de ses parents. Ils ne sont pas vraiment pauvres, car son père a un travail en usine et il tire sa fierté de son auto qu'il renouvelle régulièrement. Mais c'est aussi un homme quasi analphabète, aux convictions très rigides et qui poursuit la tradition familiale d'alcoolisme. Sa mère est en phase avec son époux, « c'est comme ça », on ne peut pas changer les choses. C'est un milieu raciste et homophobe, totalement fermé aux idées nouvelles.
Ses parents l'ont aimé et malgré la différence, il aime ses parents. Mais, enfant unique, il portait tout le poids des insécurités familiales, son épais dossier médical en témoigne. Ses parents, perpétuellement inquiets pour lui, le conduisaient souvent à l'hôpital. le petit garçon aurait eu davantage besoin de voir un psychologue, mais dans son milieu, ça ne se faisait pas.
Des récits d'une enfance dans un milieu ouvrier, il y en a beaucoup. Ce qui fait la différence dans celui-ci, c'est sa perspective sociologique qui apporte des explications aux comportements humains par le biais des classes sociales. Il élabore aussi la notion de « transfuge de classe », avec les efforts pour accéder à une classe plus scolarisée et le décalage ressenti ensuite lorsqu'il retourne chez lui. L'auteur ne généralise pas en disant que toutes les familles ouvrières sont ainsi, mais à travers sa propre expérience, il réfléchit sur les tensions sociales.
D'autre part, même si notre vie personnelle est bien différente et même s'il ne s'agit pas de classes sociales, on peut avoir une petite idée du sentiment de décalage culturel. Lorsque dans une réunion familiale, on nous dit que non, eux, ils ne lisent jamais de livres, car c'est une perte de temps. Ou, dans un autre registre, on doit se contenter de picorer une salade pendant que les autres se régalent d'un tartare de gibier.
Une lecture intéressante, parfois un peu répétitive, mais instructive d'émotions humaines et de réalités sociales.
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J'avais beaucoup d'attentes face à cette lecture car je suis aussi de Drummondville et suis aussi originaire de la classe ouvrière.
Cependant, je n'ai pas senti de connexion avec "le roman (mettons)" ni avec les personnages. le lien émotif entre l'auteur et le lecteur ne s'est pas construit. Pourtant, les points d'ancrage étaient nombreux.
Sans doute que c'est plus un essai qu'un "roman (mettons)".
La connexion radiophonique que l'auteur dans son rôle d'animateur entretient avec ses auditeurs est, elle, plus soutenue par l'émotion. La voix, l'accent, la rhétorique, c'est porteur de sens et d'émotion.
Comme le médium est un composant essentiel du message, le médium radiophonique sied mieux à ce roman que le médium écrit. En livre audio, ce serait sans aucun doute beaucoup mieux réussi.
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Auteur, réalisateur, animateur, Pleau raconte son parcours de transfuge de classe dans le courageux Rue Duplessis : ma petite noirceur [...]. C’est un récit dur, implacable, sans fard ni faux-fuyants, de la pauvreté économique, culturelle et intellectuelle du milieu ouvrier dont il est issu. Un portrait sans compromis, tout sauf édulcoré, de son enfance meurtrie par l’intimidation, de sa jeunesse malheureuse à Drummondville, et de sa migration sociale par l’éducation.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Dans «Rue Duplessis», Jean-Philippe Pleau fait le récit du passage de son milieu d’origine à un statut plutôt enviable dans «le monde bourgeois».
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Je ne réfléchis jamais avant de choisir un emplacement pour la première fois, mais par la suite, je souhaite être assis au même endroit. Freud dirait que c’est mon inconscient qui veut apaiser ma peur de l’inconnu. Bourdieu, lui, dirait qu’un espace peut se charger d’une valeur symbolique à force de fréquentation, et que l’on peut éprouver du plaisir à en profiter. Je suis dans l’équipe de Bourdieu.
(Lux, p.148-9)
Je me souviens que quand je demandais à mes parents d’où ils tenaient cette information sur les restos chinois, ils répondaient toujours : « C’est ce qu’ils disent ». Ce fameux « ils », instrument de légitimation de leur discours et de leurs petites aliénations.
(Lux, p.70)
" Il y a une vérité qui ne se voit pas sur les photos. C'est pour cela que j'écris : décrire le passé visible sur les clichés, oui, mais surtout l'autre que l'on devine hors champ et qui n'est pas moins important, même devenu inconscient."
p.49
Nos histoires familiales nous déterminent et nous façonnent. Ne pas le voir revient à se maquiller les jours de grande fatigue.
Je suis un gâteau Duncan Hines sur lequel on a crissé un glaçage aux truffes.