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Luc Brisson (Éditeur scientifique)
EAN : 9782081207240
272 pages
Flammarion (15/08/2007)
  Existe en édition audio
3.76/5   1298 notes
Résumé :


Qu'est-ce que l'amour ? Tour à tour, les convives du "Banquet" se proposent de répondre à la question. Tous font l'éloge d'Éros en le divinisant, révélant ainsi un aspect essentiel du vécu amoureux : l'idéalisation de soi sous le regard de l'autre. Mais l'intervention de Socrate rompt le consensus.
L'éros socratique n'est pas l'amour de soi que l'autre restaure en nous. Il s'agit d'un amour toujours insatisfait, se détachant des corps pour se ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (65) Voir plus Ajouter une critique
3,76

sur 1298 notes
On pourra bien s'opposer à la philosophie de Platon, personne ne va nier la puissance exceptionnelle avec laquelle il l'a l'extériorisée. Et en plein coeur de cette oeuvre sublime, les caractères du premier alphabet disposant de voyelles brillent comme jamais dans le dialogue consacré à l'amour qu'est « le Banquet ».
L'atmosphère festive où se déroule la discussion donne au lecteur une impression de fraîcheur et de légèreté, alors qu'il assiste à une discussion portant sur des sujets parmi les plus graves et les plus sérieux, comme l'amour, le sens de la vie, le Beau et le Bien. de plus, comme on le dit avec tant de justesse depuis si longtemps « In vino veritas ». Chacun des convives (exception faite de Socrate dont l'esprit est toujours le plus libre), l'esprit délié par le vin s'y exprimera en toute franchise et avec plus de souplesse et d'ingéniosité qu'il le ferait habituellement.
Dans la continuité de l'Apologie, Platon présente à son banquet un Socrate parfaitement chaste qui ne corrompt en rien la jeunesse. Bien au contraire, l'interruption de la discussion par Alcibiade permet de montrer toute la fausseté de cette accusation faite contre Socrate à son procès, puisque ce dernier, dédaignant même le corps du plus joli des jeunes hommes d'Athènes, n'a jamais fait mine de séduire les jeunes gens que pour leur faire accoucher de leurs meilleures possibilités spirituelles et morales.
Sur le plan du discours, Platon réalise aussi sur son lecteur le même phénomène maïeutique que Socrate pratiquait dans les rues de sa cité. Il sait que personne ne peut s'élever à la moralité si elle est présentée directement, mais qu'en appâtant habilement le lecteur avec des discours esthétiques et légers, l'amour du Bien viendra couronner le tout d'une manière toute naturelle. Son apparent éloge du dionysiaque se transforme ainsi insensiblement et d'autant plus sûrement en un triomphe complet des principes apolliniens.
Quel admirable réussite que ce Banquet!
Platon demeure d'ailleurs le seul auteur de l'Antiquité dont l'oeuvre entière nous soit parvenue (dans la mesure, évidemment où l'on met de côté les hypothèses sur une oeuvre ésotérique qui n'aurait été distribuée qu'entre les seuls murs de l'Académie).
Véritable étoile au ciel de la philosophie, mais aussi de la moralité et de l'art, Platon reste éternellement présent, depuis le moment où il a dicté ou écrit lui-même ses dialogues, en passant par les multiples mains des copistes et traducteurs, puis par les presses d'imprimerie jusqu'aux formats numériques, d'environ 380 avant le Christ jusqu'à aujourd'hui, presque 2500 ans plus tard, il continue encore et toujours à servir aussi magnifiquement de point repère dans l'horizon spirituel humain.
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Je ne suis guère familière de la "littérature" de l'Antiquité mais j'ai été cependant attirée par le célèbre "Banquet" de Platon dans lequel sont rapportés de beaux échanges rhétoriques, présidés par Socrate.

Pas mal de sophismes dans la seconde partie mais un regard intéressant sur les rapports humains, notamment sur la sexualité et l'homosexualité, avec toujours ce lien étroit avec la mythologie indissociable de la culture antique grecque.

Lire Platon, c'est voyager dans le temps, c'est accepter de s'ouvrir à une autre pensée riche et foisonnante que pour ma part je ne qualifierai pas de sagesse mais seulement de philosophie.

Instructif et très dépaysant.


Challenge MULTI-DÉFIS 2019
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Que peut écrire un simple particulier, un lecteur de passage, sur un dialogue platonicien comme celui-ci, entouré de deux mille ans de lectures, d'admiration et de grands commentaires ? Il est facile de se couvrir de ridicule et, comble du ridicule, de ne pas s'en apercevoir. C'est Alcibiade qui, à la fin du Banquet, nous indique le bon état d'esprit : "atteint et mordu par les discours de la philosophie" au "coeur ou à l'âme" (218), on a "honte" comme lui devant Socrate, de n'être pas à la hauteur de ce qu'il enseigne et de ce qu'il conçoit (216). Sachant cela, il est peut-être préférable de lire le Banquet avec naïveté, comme si c'était le tout premier livre philosophique qu'on tient entre ses mains, tout en sachant, par la "pensée de derrière", qu'il y a bien plus à voir et à penser qu'on ne saurait dire.

Lire, dire : en effet, il y a loin entre les Atheniens du V s de ce Banquet, et nous qui lisons ce dialogue muettement, solitairement, par l'oeil et par la pensée, deux mille ans après, selon un mode de lecture attesté pour la première fois avec Ambroise de Milan. Dans l'oralité soignée d'une culture de l'éloquence et de la compétition, il s'agit de faire un éloge d'Eros, le dieu de l'amour, lors d'une amicale réunion où chacun va concourir et tâcher d'être celui qui aura le mieux parlé. Il s'agit donc de beaux discours, et d'un dieu qui, pour nous, est mythologique. Au centre de ce Banquet paradoxal où l'on boit peu (sum-posion est un titre un peu trompeur) il y a la figure de Socrate qui, à la fin, sera l'objet des éloges d'Alcibiade. On passera donc d'une figure divine à une figure humaine, d'un dieu évidemment divin à un homme laid, négligemment vêtu, qui renferme, comme Rabelais le souligna plus tard, sous son humble et ridicule apparence une pensée véritablement divine. On ne saurait trouver un meilleur exemple de l'enfantement, par la pensée et l'art grecs, du Logos (la pensée philosophique) par le Muthos (le mythe), incarnés en deux personnes complémentaires et opposées.

De la même façon, ce dialogue nous conduira de la poésie à la philosophie, de l'image au concept, de la rhétorique à la méditation. Ce passage, cependant, n'annule pas son point de départ : en effet, le Banquet est un livre de philosophie magnifiquement écrit, où le concept se dévoile dans l'expression poétique et non malgré elle, et où l'art n'est pas au service de la pensée qu'il viendrait habiller, mais la pensée même. le Banquet est l'exemple typique de l'unité intime du beau et du vrai, ou du moins de la recherche de l'un et de l'autre. Nietzsche, philosophe-artiste s'en souvint, lui qui passa sa vie à méditer sur ce Platon dont il disait, citant les Anciens : "Platon est un ami, mais j'ai plus d'amitié encore pour la vérité" (Plato amicus, sed magis amica veritas).
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Pour cette critique, je me propose de "prolonger" le commentaire de mon amie Rabanne car, si je rejoins Harvard sur l'idée que derrière l'éloge à l'Amour, ces échanges portent aussi sur le bien, le mal, le beau, je ne trouve pas que l'introduction de Rabanne soit superficielle. Elle introduit parfaitement le sujet, mais donne envie d'aller plus loin...
Dans ce banquet en effet (si on accepte de laisser de côté le biais civilisationnel héllène selon lequel le seul amour à louer serait celui entre deux hommes), Platon interroge le rapport amoureux sous bien des angles.
Est-il, comme l'exprime Phèdre, l'un des plus grands dieux car source de tout bien, encourageant l'amant à se bonifier ?
Eros, volontiers vulgaire, selon Pausanias, se bonifierait-il dès lors que l'amant voue son âme à un aimé en valant la peine ? Eryximaque semble le penser, tout en n'opposant ma ces deux Amours, liés par nature dans une tentative d'élévation de l'Homme...
Quant à Aristophane, il nous propose cette superbe histoire, qui fait aujourd'hui partie des paraboles inscrites dans l'ADN même de notre culture occidentale, serait la tension sans fin entre des êtres humains coupés en deux, aspirant à refonder leur union originelle et leur bonheur.
A son tour, Socrate, faisant appel à la maïeutique, tente de définir l'Amour tel qu'il est plutôt que de le louer a priori. Au détour d'une définition du beau et du vrai, du sage, il montre à ses convives que l'Amour s'en distingue clairement ... l'amour est un va-nu-pieds, toujours dans le besoin...
Par sa contemplation et poursuite du beau/du bien, mue par l'espoir de fécondité et de report de la mort et de la disparition, Amour conduit l'être à s'élever, l'invitant à passer du corps à l'âme, puis à la CIté.
Quel beau symbole que l'intervention finale d'Alcibiade, déclarant sa flamme déréglée, et son amour déçu!
Pour moi le Banquet est loin d'être le texte le plus abouti et le plus enthousiasmant de Platon. Mais la lecture de ces éloges devrait parler à la fois à tout être -homme ou femme- ayant déjà ressenti les transports de l'Amour, dans toute sa ambiguïté et son irrationalité ; et à la fois, grâce à Socrate, propose une prise de recul le resituant comme auxiliaire d'une projection éthique de soi depuis l'Amour charnel vers le partage des âmes, et, finalement, un Amour universel.
Ce faisant, ce texte imprègne nombre de développements ultérieurs dans notre culture occidentale, y compris dans les représentations artistiques, où le petit Eros, au coin du bois avec ses ailes et son arc, préside à tant de destinées...
Si petit Eros, et pourtant l'un des ressorts les plus puissants de l'être humain.... hélas, comme beaucoup je pense, je m'identifierais plus à Alcibiade, soumis à la loi de ce chasseur hors pair, qu'au sage Socrate sachant transcender sa puissance pour atteindre la plus grande vertu...

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Voilà un "Socrate" que je comprends moins que d'habitude, car les concepts sont flous, les discours semblent surjoués, Socrate ne parle que par la bouche de Diotime, ça me déçoit.
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Nous sommes à Athènes, en moins 416.
Pour fêter une victoire poétique, Agathon propose un "banquet". Socrate doit venir, suivre Aristodème, mais c'est un coquin, il arrive quand il lui sied. le thème de discussion du banquet, qui est en fait une libation, est : "Apologie d'Eros".
Des éloges, certains sont surprenants, sont prononcés par Phèdre, Pausanias, Eryximaque, Aristophane et Socrate. Ce dernier ne fait que citer Diotime.
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Les discours, faisant différentes hypothèses sur l'essence d'Eros, ne m'ont pas convaincus. Ils sont trop grandiloquents. Celui de Diotime/Socrate nous enferme dans une prison trop restreinte, à mon avis.
.
Mais qui était Diotime, pour avoir impressionné Socrate, le philosophe qui se joue de tout le monde ?
Tiens, après Hannah Arendt, encore une philosophe que je découvre ! Diotime est une prêtresse dans cette petite cité-Etat de Mantinée, dans le Péloponnèse... Mais l'authenticité de Diotime est sujet à discussion. En plus des arguments cités, je pense trop reconnaître la maïeutique célèbre de Socrate dans son discours quand il "entortille" Agathon pour le manipuler.
.
Par delà ces prises de parole, je suis frappé par la pédérastie libre qui règne dans l'Athènes antique intellectuelle. Pédérastie qui célèbre l'amour du beau, glorifié comme philosophie.
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Citations et extraits (154) Voir plus Ajouter une citation
La conception de l’amour doit enfin trouver son application pratique dans la conduite même de Socrate et dans son attitude. Or, dans celle-ci, il y a une ambiguïté que le discours d’Alcibiade atteste de la façon la moins détournée et la plus piquante : elle constitue pour lui, comme pour ses pareils, une énigme insoluble. Socrate est en effet, à l’égard des jeunes hommes et d’Alcibiade en particulier, un inlassable poursuivant ; mais il est, d’autre part, indifférent à leur beauté, et c’est lui, au contraire, dont la mystérieuse beauté les attire : ainsi il se trouve être véritablement le bien-aimé dont ils sont, eux, les poursuivants. Une telle ambiguïté s’explique pourtant, si l’on se reporte au double aspect que j’ai distingué dans l’amour : en Socrate se retrouve la même dualité. Sous un de ses aspects, il est l’être fécond selon l’âme, qui continuellement et d’une aspiration inépuisable tend à féconder d’autres âmes par sa pensée et par son exemple. Mais, sous un autre aspect, il est l’aimable, c’est-à-dire la beauté spirituelle vers laquelle, confusément et d’un élan que sans cesse brise la passion, tendent les âmes bien nées, et pourtant faibles et sans constance […].

[Notice de Léon Robin]
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[…] l’attitude philosophique de Socrate se caractérise essentiellement par l’ « inscience », la conscience de ce qu’il sait ignorer, et ensuite par « l’ironie », admiration simulée à l’égard de ceux qui croient savoir et réellement ne savent pas.

[Notice Léon Robin]
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Aussi quand l’être pressé d’enfanter s’approche du beau, il devient joyeux, et, dans son allégresse, il se dilate et enfante et produit; quand, au contraire, il s’approche du laid, renfrogné et chagrin, il se resserre sur lui-même, se détourne, se replie et n’engendre pas; il garde son germe et il souffre. De là vient pour l’être fécond et gonflé de sève le ravissement dont il est frappé en présence de la beauté, parce qu’elle le délivre de la grande souffrance du désir...
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Celui qui veut s'y prendre comme il convient, doit, dès son jeune âge, commencer par rechercher les beaux corps. D'abord, s'il est bien dirigé, il doit n'en aimer qu'un seul, et là concevoir et enfanter de beaux discours.

Ensuite il doit reconnaître que la beauté qui réside dans un corps est sœur de la beauté qui réside dans les autres. Et s'il est juste de rechercher ce qui est beau en général, notre homme serait bien peu sensé de ne point envisager la beauté de tous les corps comme une seule et même chose.

Une fois pénétré de cette pensée, il doit faire profession d'aimer tous les beaux corps, et dépouiller toute passion exclusive, qu'il doit dédaigner et regarder comme une petitesse.

Après cela, il doit considérer la beauté de l'âme comme bien plus relevée que celle du corps, de sorte qu'une âme belle, d'ailleurs accompagnée de peu d'agréments extérieurs, suffise pour attirer son amour et ses soins, et pour qu'il se plaise à y enfanter les discours qui sont le plus propres à rendre la jeunesse meilleure.

Par là il sera amené à considérer le beau dans les actions des hommes et dans les lois, et à voir que la beauté morale est partout de la même nature; alors il apprendra à regarder la beauté physique comme peu de chose.

De la sphère de l'action il devra passer à celle de l'intelligence et contempler la beauté des sciences; ainsi arrivé à une vue plus étendue de la beauté, libre de l'esclavage et des étroites pensées du servile amant de la beauté de tel jeune garçon ou de tel homme ou de telle action particulière, lancé sur l'océan de la beauté, et tout entier à ce spectacle, il enfante avec une inépuisable fécondité les pensées et les discours les plus magnifiques et les plus sublimes de la philosophie ; jusqu'à ce que, grandi et affermi dans ces régions supérieures, il n'aperçoive plus qu'une science, celle du beau dont il me reste a parler. (210a-210e)
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« Jadis notre nature n'était pas ce qu'elle est actuellement. D'abord il y avait trois espèces d'hommes, et non deux comme aujourd'hui : le mâle, la femelle, et en plus de ces deux-là, une troisième composée des deux autres ; le nom seul en reste aujourd'hui, l'espèce a disparu. c'était l'espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, dont elle était formée. De plus chaque homme était de forme ronde sur une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération, et tout le reste à l'avenant. [...]

Ils étaient aussi d'une force et d'une vigueur extraordinaire, et comme ils étaient d'un grand courage, ils attaquèrent les dieux et [...] tentèrent d'escalader le ciel [...] Alors Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant ; ils ne pouvaient se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coups de tonnerre, comme ils avaient tué les géants ; car c'était mettre fin aux hommages et au culte que les hommes leur rendaient ; d'un autre côté, ils ne pouvaient plus tolérer leur impudence.

Enfin, Zeus ayant trouvé, non sans difficulté, une solution, [...] il coupa les hommes en deux. Or, quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle ; et s'embrassant et s'enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble [...]

C'est de ce moment que date l'amour inné des êtres humains les uns pour les autres : l'amour recompose l'ancienne nature, s'efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine. [...] Notre espèce ne saurait être heureuse qu'à une condition, c'est de réaliser son désir amoureux, de rencontre chacun l'être qui est notre moitié, et de revenir ainsi à notre nature première. »
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