Après ma brève visite en Antarctique lors de ma toute dernière critique du roman "
The Dark" (Le Noir) d'
Emma Haughton, place maintenant à l'Arctique avec cet ouvrage de Michelle Paver, paru en septembre 2011.
Née en 1960 au Malawi de mère belge et de père sud-africain, l'auteure est venue avec ses parents comme enfant en Angleterre, où elle a fait des études de biochimie et de droit à Oxford et travaillé comme avocate à Londres.
En 1996, elle a écrit son premier livre "Without Charity" (Sans charité), suivie de la trilogie "Chroniques des Temps" et la série, en 6 volumes, "Chroniques des temps obscurs" pour la jeunesse et publiées dans 36 pays.
Le récit commence en 1937 avec le jeune
Jack Miller, 28 ans, qui en a marre de sa vie de misérable et décide de joindre une petite équipe d'explorateurs au Cap Nord.
Le 24 juillet, l'aventure elle-même démarre avec le départ de Tromsø, une ville norvégienne au-dessus du cercle polaire, en voilier vers l'archipel nordique de Spitsbergen, nom donné par des pêcheurs hollandais de baleine au XVIe siècle, signifiant montagnes pointues. Svalbard en est aujourd'hui le nom officiel.
L'expédition sous la direction du biologue Augustus "Gus" Balfour est composée d'Algie Carlisle, géologue et conducteur de traîneau, Hugo Charteris-Black, glaciologue, notre homme Jack et 8 huskies inuits.
L'ouvrage se présente sous forme de journal intime de Jack, compte 255 pages et contient une belle série de photos en noir et blanc, ainsi que dans sa version originale ("Dark Matter" littéralement matière noire) une interview avec l'auteure de 17 pages.
Au début, Jack et ses compagnons sont enthousiasmés par la beauté de l'endroit, les glaciers impressionnants, les animaux arctiques, tels les rennes, les fulmars boréals, guillemets, kittiwakes, phoques barbus et morses annelés, mais progressivement les inconvénients des conditions arctiques se manifestent comme, le
silence et le soleil permanent qui dérange le biorythme humain.
Puis, l'auteure introduit un élément étrange : l'apparition d'un fantôme ou spectre. Un phénomène pour lequel les Norvégiens ont dans leur langue même un mot spécifique "Rar", qui devrait expliquer pourquoi par exemple un trappeur se jette du haut d'une falaise sans motif apparent. Un phénomène comparable à un endroit hanté, comme la maison hantée dans "
La chute de la maison Usher" d'
Edgar Allan Poe de 1845 ou "
Salem" de
Stephen King de 1989.
Avec l'arrivée de la nuit continue et l'évacuation de ses compagnons pour des raisons médicales cet étrange phénomène prend chez Jack, dans son énorme solitude, bientôt l'allure d'une obsession.
Par amitié pour Gus, opéré d'un appendice, et en hommage à son compatriote, le grand explorateur
Roald Amundsen (1872-1928) disparu dans la Mer de Barents,
Jack Miller refuse d'abandonner sa mission, malgré cette présence maléfique inexplicable.
En dépit de l'élément ésotérique le récit est réaliste et captivant, car inspiré par une expédition arctique réelle par 10 étudiants de l'université d'Oxford et 28 huskies en 1935-1936 et le mémoire de l'artiste peintre et exploratrice autrichienne
Christiane Ritter "
Une femme dans la nuit polaire" paru en 1938.
En plus, Michelle Paver a visité plusieurs fois Spitsbergen, l'Islande et le Groenland et sait parfaitement de quoi elle parle.
En réponse à une question de journaliste si elle envisage éventuellement d'hiberner seule en région arctique, l'auteure a répondu : j'aimerais bien, mais je crains qu'il me manque pour une telle entreprise un minimum de sens d'orientation indispensable !