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Rocksalt, Kentucky. Un corps est découvert abandonné dans un parking, celui d'un trafiquant d'héroïne. La police locale semblant peu diligente à vouloir trouver le coupable, la mère convainc Mick Hardin, membre de la CID ( Division des enquêtes criminelles au sein de l'armée américaine ) qui se remet d'une blessure chez sa soeur shérif du comté, de mener officieusement une enquête afin de découvrir qui a assassiné son fils.

Ceux qui ont aimé Les Gens des collines retrouveront avec grand plaisir Mick, les autres auront plaisir à découvrir un enquêteur affûté et décontracté, à l'ordre moral taillé dans le roc des collines des Appalaches, doté de la capacité à faire parler les plus taiseux, maniant l'autodérision à merveille tout en portant un regard humaniste sur ses semblables. Sa rectitude morale le porte à accorder la priorité à la justice légitime plus que légale, faut pas le chauffer ...

L'enquête en elle-même est extrêmement bien conduite, le meurtre initial révélant tout un réseau d'interactions insoupçonnés qui enclenchent un cycle de violence et de vengeance dont on ne peut deviner jusqu'où il va aller … si ce n'est un final brillant et pétaradant en mode western contemporain. Intrigue efficacement tracée resserrée sur 250 pages à l'écriture discrète mais grandement évocatrice avec la pudeur de son regard et sa lucidité tranchante.

Ce qui distingue ce polar rural noir d'un autre, c'est la maîtrise et l'affection de Chris Offutt pour le décor et les gens qui y vivent. Il sait comme personne dire la beauté des paysages heurtés des Appalaches, tout comme la rudesse et la générosité des autochtones. Les personnages secondaires sont mémorables, à la fois bruts et avisés, de vraies gueules décrites en quelques lignes. Se déploie ainsi une ambiance qui suinte l'authenticité de partout, à commencer par ses dialogues vifs, rapides et drôles.

Et puis il y a la capacité de l'auteur à manier des sensations oxymoriques jusqu'à les faire fusionner : la tendresse côtoie la rudesse, le pessimisme le plus profond quant aux capacités de nuisance des hommes ( cupidité, destruction environnementale, trafic de stupéfiants ) n'empêche pas la lumière de percer. Derrière l'explosion des sentiments primaires, le poids émotionnel qui semblait fort enfoui remonte à la surface dans des ultimes pages étonnamment apaisantes étant donné ce qui a précédé.
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Rocksalt, Kentucky. En convalescence chez sa soeur Linda après avoir été blessé par une bombe artisanale en Afghanistan, Mick Hardin décide de rendre service à Shifty Kissick, une veuve qui a bien connu son père et qui vient de perdre son fils, retrouvé assassiné sur un parking abandonné. Pour la police locale, Fuckin' Barney n'est qu'un trafiquant d'héroïne victime d'un règlement de compte entre dealers, bon débarras ! Pour la vieille Shifty, qui connaît très bien le business de son fils, ce meurtre soulève bien plus de questions. C'est pourquoi elle aimerait bien que l'agent spécial de la Division des enquêtes criminelles de l'armée américaine fouine un peu à gauche et à droite avant de reprendre du service au sein de l'armée…

Ce roman étant le deuxième volet d'une trilogie invitant à suivre les pas de Mick Hardin, ceux qui ont déjà lu « Les Gens des collines » retrouveront avec grand plaisir cet agent de la CID venu se remettre de ses blessures dans son bled natal. Les autres n'auront aucun mal à suivre cette enquête indépendante qui les plonge immédiatement dans une région reculée du Kentucky, sur le flanc est des Appalaches.

Si cette enquête qui dévoile progressivement des trafics en tout genre ne manquera pas de tenir le lecteur en haleine, c'est surtout la capacité de Chris Offutt à planter un décor et à brosser des personnages mémorables en seulement quelques phrases qui constitue tout le sel de ce polar rural certes sombre, mais non dénué d'humour.

Il y a tout d'abord ce personnage principal taiseux, efficace et méthodique, prêt à aider son prochain, mais n'hésitant pas à tuer s'il le faut. Un militaire dont la femme s'est finalement barrée avec un autre et qui ne dit pas grand-chose, mais dont les quelques phrases, distillées avec parcimonie, font toujours mouche.

Et que dire des personnages secondaires, qui ne sont pas en reste et qui contribuent également à se faire une idée de la mentalité de ce bled dans lequel l'auteur nous baigne avec grande maestria… de Jacky Turner, le cousin inventeur capable de remettre en état n'importe quel engin, à l'attachant Oncle Merle qui observe les oiseux depuis son porche, en passant par Jaybird et sa prise d'otage insolite, le lecteur ne s'ennuie pas un seul instant.
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« Les fils de Shifty » continue de creuser le sillon du roman « appalachien », noir, rural et poisseux, débuté par Chris Offut avec le superbe « Le bon frère ». Une fois n'est pas coutume, ce nouvel opus nous permet de retrouver les protagonistes du roman précédent de l'auteur, « Les gens des collines ». Mick Hardin, enquêteur chevronné de l'armée américaine, après avoir passé des années sur les fronts irakien, afghan et syrien se remet d'une blessure à la jambe, causée par l'explosion d'une bombe artisanale, chez sa soeur Linda, shérif de Rocksalt, dans le Kentucky, sur le flanc est des Appalaches.

La cohabitation entre notre héros désenchanté qui n'a toujours pas signé les papiers d'un divorce pourtant inéluctable et passe ses journées dans le brouillard ouaté que lui procure une consommation exagérée d'opioïdes et sa soeur qui a lancé sa campagne de réélection au poste de shérif, n'est pas des plus aisées. La découverte du cadavre de « Fuckin' Barney », dealer local et fils de Shifty Kissick, une veuve que Mick connaît depuis son enfance, va sortir l'enquêteur en permission de sa torpeur. Tandis que la police renâcle à approfondir ses investigations sur un meurtre qui a tous les atours d'un règlement de comptes entre dealers, Shifty fait appel à Mick pour découvrir la vérité.

Notre héros aussi attachant que taiseux, saisit très vite que le corps du défunt a été déplacé post-mortem et que le meurtre de Barney est une mise en scène qui cache une vérité que la police a cessé de rechercher. Son enquête va prendre un tour très sombre lorsqu'un deuxième fils de Shifty, le paisible Mason, est abattu à son tour. Que dissimule la tragédie qui s'abat sur les fils de Shifty ? C'est ce mystère que va devoir affronter l'enfant des Appalaches, une communauté dont les codes moraux sont encore régis par la loi du Talion.

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Chris Offut prend le temps de poser le décor du drame qui se noue dans une petite bourgade du Kentucky. Mick est un homme de peu de mots qui peine à retrouver ses repères dès lors qu'il revient à la vie civile, que tout sépare de sa soeur Linda, shérif extravertie au langage de charretier.

Après un début moderato, les meurtres tragiques de deux des fils de Shifty vont déchaîner un vortex de violences terrifiant. Si « Les fils de Shifty » suit les codes du roman noir, sa force de percussion tient à l'écrin sauvage et hors du temps dans lequel l'auteur situe son intrigue : les Appalaches, ces montagnes austères dont les habitants continuent d'obéir aux injonctions du Dieu vengeur de l'Ancien Testament.

En retrouvant sa terre natale, Mick Hardin retrouve l'âme de l'enfant qu'il fut jadis, se déplace aussi silencieusement qu'un Indien, reconnaît chaque fleur et chaque animal sauvage d'une montagne encore préservée. Élevé au contact de la nature par son « Papaw », il est capable d'une douceur infinie lorsqu'il recueille un chardonneret sonné dans le creux sa main et le ranime en soufflant dans son bec. Semblant parfois étranger au monde qui l'entoure, Mick reste pourtant un soldat froid et méthodique, doté d'une étonnante aptitude à la violence.

« Tu ne jetteras aucun regard de pitié, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. » Deutéronome 19:21.

Au fur et à mesure qu'il progresse dans une enquête beaucoup plus sanglante que ne l'annonçait le « simple » meurtre d'un dealer, Mick va s'enfoncer au coeur des ténèbres et affronter un dilemme moral sans retour. Il devra dénouer le noeud gordien du roman en décidant s'il est cet enquêteur militaire, certes en permission, qui a délaissé sa femme pour guerroyer sur tous les fronts, ou s'il est resté un enfant des Appalaches, ce lieu sur lequel le temps n'a pas de prise, habités par des hommes durs au mal, pour qui les préceptes bibliques ne sont pas de vains mots.

« Ils avaient pris l'épée. Maintenant ils gisaient dans leur sang. Un jour ce serait pareil pour Mick. »


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Ce qui est bien avec Chris Offutt, c'est qu'il n'est jamais décevant.

Aussi à l'aise dans le roman noir que dans les nouvelles (où il excelle), il réussit avec Les Fils de Shifty – traduit par Anatole Pons-Reumaux – l'exercice casse-gueule de donner une suite à l'excellent Les Gens des Collines, encore plus réussie que le premier opus.

On y retrouve Mick Hardin, flic de l'armée, de retour dans son Comté d'Eldridge pour quelques jours de convalescence auprès de sa soeur Linda, shérif atypique du coin en campagne pour sa réélection.

Une convalescence qui va s'avérer plus active que prévu lorsque le corps de Fuckin' Barney Kissick est retrouvé assassiné et que Shifty, sa mère qui règne en marâtre sur le clan Kissick va charger Mick d'enquêter sur cette vengeance venue des collines.

Bien plus qu'un pageturner efficace, Les Fils de Shifty est une nouvelle déclaration d'amour d'Offutt à son Kentucky natal, où la parfaite maîtrise du fil de l'intrigue se renforce d'une approche quasi-naturaliste du territoire et de ses habitants.

En laissant Mick enquêter et errer dans les collines, Offutt fait la part belle aux paysages grandioses, à cette flore qui y survit malgré la rudesse des conditions, et à ces espèces animales qui les peuplent. Mais c'est avec les femmes et les hommes qu'il excelle, portraitiste appliqué de ses pairs.

En âme perdue et déracinée, Mick s'épaissit encore et ses tourments deviennent empathie. Un homme en équilibre entre attachement à sa terre et inaptitude à y vivre trop longtemps : « Il avait fait exactement ce qu'il s'était efforcé toute sa vie d'éviter : tuer par vengeance. Il avait beau essayer de s'en éloigner, il était lié aux collines. »

Et puis, il y a les femmes : Linda, shérif par défaut plus que par ambition, plébiscitée contre son gré ; et Shifty, incroyable personnage, fière et dure pour mieux masquer la souffrance des fils enlevés trop tôt.

Et enfin les personnages les plus touchants, qui traversent le livre le temps de quelques pages : l'hilarant Jaybird qui se prend en otage tout seul ou l'attachant Oncle Merle, qui écoute et parle aux oiseaux.

C'est noir, rural, parfaitement écrit et aurait bien mérité une centaine de pages de plus. Et si c'est le début d'une série récurrente, je mets tout de suite une option sur le prochain !
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Mick Hardin , enquêteur pour l'armée dans la Division spéciale des crimes , finit sa convalescence après sa grave blessure liée à une bombe en Afghanistan , dans une petite ville du Kentucky où sa soeur Linda est shérif en pleine campagne pour sa réélection.

Le corps sans vie de Fuckin'Barney un trafiquant bien connu d'héroïne est découvert dans un coin paumé de la ville .
L'enquête est vite pliée , sans suspect retrouvé , ce n'est , à près tout, qu'un dealer ...

La mère de Barney, Shifty , une maitresse femme s'adresse alors à Mick pour faire toute la lumière sur ce meurtre, d'autant plus que Barney avait caché de l'héroïne qu'il va falloir récupérer .
Elle est coriace , ne voulant pas passer pour une balance, elle distille au compte gouttes les informations qu'elle détient mais quand un deuxième fils est assassiné , ses préventions tombent .

Mick, secondé par le fils ainé de Shifty, lui aussi dans l'armée va mettre le nez dans une affaire bien plus sensible qu'un trafic d'héroïne ...

L'intrigue est soutenue, les personnages ne sont pas des tendres mais ont chacun un petit talon d'Achille qui les rend également vulnérables et même attachants .

J'avais déjà lu deux thrillers de Chris Offutt dont Nuits Appalaches que j'avais bien aimé mais dont, étonnement, je n'ai pas retrouvé de critique, et également Les gens des collines mettant déjà en scène Mick Hardin et sa soeur Linda , les deux livres pouvant se lire indépendamment ...
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Retour pour moi à Rocksalt dans le Kentucky, dans les collines, là où les gens vivent dans leur monde, où l'on se présente en donnant le nom de son père et où les gens que vous visitez ajoutent le nom de votre grand-père et de toute votre lignée…

Dans "Les gens des collines", j'avais fait la connaissance de Mick Hardin, un enquêteur du CID (Division des enquêtes criminelles au sein de l'armée américaine), en congé maladie (revalidation de sa jambe). C'est un taiseux, mais pour enquêter, il est excellent.

Le voici mandaté par la vieille Shifty Kissick pour enquêter sur l'assassinat de son fils cadet, Fukin'Barney, dealer de drogue. Et Mick va accepter, pendant que sa soeur, Linda, fait campagne pour un second mandat de shérif.

Comme pour le premier opus, le récit est assez ramassé, en 280 pages, tout est dit, plié, réglé. L'auteur ne fait pas des pages juste pour le plaisir d'en faire. Sans être écrit à l'os, son roman noir va à l'essentiel, nous présentant les protagonistes en peu de mots et en nous plongeant dans la petite ville des Appalaches d'une manière directe. Pas besoin d'en lire plus pour comprendre où nous sommes et l'importance de la famille pour ces gens.

En commençant cette enquête, Mick n'aurait jamais pensé qu'elle l'entraînerait aussi loin, et moi non plus. C'était totalement insoupçonnable, loin d'une résolution classique et cela donnera un final rempli d'action, d'adrénaline et un petit côté western, mais version contemporaine (on oublie le Colt de l'arrière-grand-père).

Les ambiances de ce roman noir rural sont brutes de décoffrage, réalistes, naturelles. le reflet de ce que sont les gens des Appalaches : taiseux, armés, assez rudes, peu démonstratifs en câlins et avec une mémoire de l'arbre généalogique de tout le monde.

Bizarrement, on s'attache à ces gens-là, on comprend leur rudesse, leur méfiance, leur attachement à la famille et c'est parce que l'on sent que l'auteur aime ses personnages, même les secondaires, qu'il y a mis ses tripes et toute son affection.

Un véritable rural noir, un polar différent des whodunit classiques, un vrai roman noir avec de la rudesse, de la testostérone, mais aussi de la tendresse (sans en faire trop, ce n'est pas le genre des personnages) et un final qui fera entrer certains dans un vortex de violences sanglantes.

Un parfait équilibre de violences, de sang, d'enquête et de personnages touchants, même dans les plus rudes.

Une suite encore meilleure que le premier opus !

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Enquêteur criminel au sein de l'armée américaine, Mick Hardin est en convalescence dans le village de son enfance, à Rocksalt (Kentucky) et loge chez sa soeur Linda, shérif local et dernier membre de sa famille. A la demande d'une vieille dame qu'il connait depuis toujours et dont le fils, un petit dealer du coin sans prétention, vient d'être assassiné, Mick accepte d'enquêter officieusement. La mort violente d'un second fils oblige notre militaire à hausser le ton et à s'intéresser aux occupants discrets mais très armés d'une ancienne carrière de calcaire.
Etonnant personnage que ce militaire de carrière capable de mener une action commando digne des meilleurs films d'action tout en montrant une extrême sensibilité à la nature et aux animaux. En instance de divorce, il entretient avec sa soeur une relation complexe mais pose un regard plein d'empathie sur les gens simples qui peuplent ce petit coin rural et qui cultivent à l'envie la loyauté familiale mais aussi l'idée que la violence engendre la violence.
Un roman puissant bien servi par une belle écriture qui allie simplicité et force.
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Mick Hardin, officier du CID (Criminal Investigation Division) de l'armée, blessé à la jambe lors d'une attaque à l'explosif, revient vivre à Rocksalt, chez sa soeur, Linda, le temps de se remettre. Il faut dire que Mick a besoin de repos, car en plus de sa blessure, son mariage est à la dérive, même s'il ne se résigne pour autant à signer les papiers du divorce, et ce n'est pas son entourage qui pourrait vraiment lui remonter le moral. Avec sa soeur, ils sont un peu comme chien et chat, sans parler du fait qu'elle est bien occupée par sa réélection en tant que shérif. Et pour ne rien arranger, Mick est plutôt un taciturne. Il n'est pas du genre à sourire par convenance ni à se faire une multitude d'amis, de comptoir ou de pêche à la ligne.

A peine de retour dans cette petite bourgade du Kentucky que Barney Kissick, dealer notoire de la ville, est retrouvé mort. Sa mère Shifty (qui a eu un temps une amourette avec le père de Mick et Linda), au style coriace et bourru, pas très causante au demeurant, demande à Mick d'enquêter et de découvrir le meurtrier de son fils. Il est vrai que la mort d'un dealer, ce n'est pas vraiment ce qui préoccupe le plus la police. Alors Mick va finir par accepter d'aider Shifty.

Dans ce deuxième opus d'une trilogie avec Mick Hardin, on trouve de quoi contenter les attentes de différents types de lecteurs. Par petites touches, comme dans un tableau pointilliste de Seurat, Chris Offutt nous livre une palette de personnages et de plaisirs : que ce soit de par l'intrigue policière, l'action (efficace sans être abusive), les protagonistes principaux et secondaires avec suffisamment de profondeur pour qu'on s'intéresse à eux, pour ses couleurs sombres et tout autant lumineuses, par la nature environnante que l'auteur n'oublie pas de nous parler au gré des évènements (tel oiseau qui chante, tel arbre dans les collines, …). Son amour des Appalaches donne d'ailleurs au roman un petit goût de ‘'nature writing'' en bouche qui n'est pas déplaisant.
Si Mick, quant à lui, nous plait pour son humour noir et son calme, pour ne pas dire son sang-froid à quasi toute épreuve, le lecteur est encore plus séduit, lorsqu'en grattant un peu cette couche taciturne, il se rend compte de toute son humanité et son esprit de justice.

Peut-être parce que l'histoire se déroule dans un petit comté rural, à niveau humain, où vivent des gens simples, où on trouve autant des filous que d'hommes de coeur, peut-être avec cette alliance de toutes ces petites touches évoquées plus haut, ai-je eu l'impression de lire également un roman social. En tous les cas, l'auteur a su évoquer ceux qu'on ne raconte pas souvent, ces habitants d'un comté un peu perdu, d'une petite bourgade qui porte bien son nom.
Et finalement, à la fois par son style narratif, les sujets qu'il aborde, la description de ses personnages, il montre encore une fois toute sa sensibilité.

Après la découverte de « Nuits Appalaches », j'ai eu tout autant de plaisir à lire le dernier roman de Chris Offutt. Il se dégage de ce roman policier une ambiance si particulière que cela nous donne envie de le déguster lentement… (si on peut…)

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Sans parler d'une école des Appalaches, il y a quelques similarités qui apparaissent dans l'oeuvre d'écrivains tels que Ron Rash et David Joy comme cet amour de ces contrées perdues de la Caroline du Nord qu'ils distillent tout en abordant, avec une sobriété toute poétique, les vicissitudes de leur communauté qu'ils côtoient depuis toujours. Plus au nord, mais toujours situé dans le cadre de cette région montagneuse de l'est des Etats-Unis, on parlera plutôt d'une influence ou bien d'un courant littéraire qui englobe également l'oeuvre de Chris Offutt dépeignant, avec un souffle similaire, les territoires escarpés du Kentucky où l'on observe la déshérence d'hommes et de femmes de la marge évoluant dans le marasme du déclin économique qui touche une population fortement précarisée. Alors forcément, dans un tel contexte, on parlera bien évidemment de romans noirs que l'on désigne parfois sous l'appellation réductrice de "country dark" en lien avec l'environnement dans lequel se déroule l'ensemble de ces récits. Country Dark, c'est d'ailleurs le titre de la version originale de Nuits Appalaches (Gallmeister 2019) roman emblématique de Chris Offut qui a contribué à sa renommée en France tout comme le recueil de nouvelles Kentucky Straight (Gallmeister 2018) ainsi que, dans une moindre mesure, le Bon Fils (Gallmeister 2018) marquant ses débuts dans l'écriture. Au-delà de ses romans, on trouve le nom de Chris Offutt au générique de séries telles que Treme, True Blood ou Weeds, en tant que scénariste et producteur durant sa période où il a cédé aux sirènes d'Hollywood pour faire bouillir la marmite avant de s'installer dans le Mississippi. C'est désormais autour de ce qui s'annonce comme une trilogie que l'on retrouve Chris Offutt avec un premier opus intitulé Les Gens Des Collines mettant en scène Mick Hardin, vétéran de la guerre d'Irak et d'Afghanistan, devenu enquêteur pour le compte de l'armée et qui retourne dans la région de son enfance pour constater que son mariage est brisé tout en investiguant pour le compte de sa soeur Linda, shérif du comté, au sujet du meurtre d'une jeune veuve qui risque d'embraser la communauté prompte à faire justice elle-même. C'est peu dire que l'on avait apprécié d'évoluer dans l'univers à la fois âpre et attachant de ces collines boisées du Kentucky et que l'on se réjouit donc de retrouver Mick et sa soeur Linda dans Les Fils de Shifty, second ouvrage de la série.

Rocksalt, Kentucky. Victime d'une blessure de guerre à la jambe, Mick Hardin tente de trouver un peu de réconfort auprès de sa soeur Linda qui l'héberge dans la maison familiale où ils ont vécu durant toute leur enfance. Avant de reprendre du service au sein de l'armée, il doit se débarrasser de son addiction aux antidouleurs, régler la procédure d'un divorce douloureux et gérer la nervosité de sa soeur qui est en pleine campagne électorale pour sa réélection au poste de shérif du comté. C'est peut-être la découverte du cadavre d'un dealer local sur un parking de la ville qui va sortir Mick Hardin de son marasme, ce d'autant plus qu'il s'agit du fils de la veuve Shifty Kissick qu'il connaît très bien. Estimant qu'il s'agit d'un énième règlement de compte entre dealers, la police ne compte pas enquêter, raison pour laquelle la veuve Shifty demande à Mick de découvrir le coupable. Des indices l'incite rapidement à penser qu'il s'agit d'une mise en scène, ce qui le pousse à fouiner dans les collines environnantes et plus particulièrement dans le secteur d'une mine abandonnée. le temps presse, ce d'autant plus que le second fils Kissick est lui aussi abattu de deux balles. Qui peut bien en vouloir aux membres de la famille de Shifty ? Mick Hardin a intérêt à le découvrir rapidement s'il veut éviter toute escalade de la violence au sein d'une population qui a pour habitude de faire parler la poudre pour régler ses comptes.

De la crise des opioïdes frappant les Etats-Unis depuis 1995, Chris Offutt nous en rapporte les conséquences, par petites touches, au détour de l'addiction à l'oxycodone de Mike Hardin qui tente, tant bien que mal, de se sevrer de ce médicament qu'on lui a prescrit pour lutter contre ses douleurs à la jambe. C'est également cette implantation de dealers d'héroïne, ceci même dans les paysages les plus reculés de la région du Kentucky, qui nous permet de prendre la mesure de ce phénomène touchant l'ensemble d'une communauté semblant comme résignée face à une telle ampleur. Dans cet environnement en déshérence, on observe également que les perspectives d'avenir se résumant à intégrer les forces armées ou à se lancer dans le trafic de drogue tandis que les mines abandonnées servent de dépôts pour les résidus hautement toxiques de la fracturation hydraulique de schiste. Avec l'économie des mots que le caractérise, c'est donc autour de ces thèmes que Chris Offutt nous entraîne au gré d'une intrigue à la fois épurée et solide nous permettant de parcourir les collines de son enfance qu'il dépeint avec ce soupçon de poésie où l'on saisit quelques instants de grâce comme la voltige de quelques oiseaux du coin ou cette brise caressant les branches des arbres dans un balancement majestueux. Dans un bel équilibre, sans jamais glisser vers un misérabilisme ambiant ou une verve poétique outrancière, l'auteur conjugue la beauté des paysages du Kentucky, cher à son coeur, à la noirceur d'une intrigue policière violente prenant parfois l'allure d'un western contemporain notamment durant un règlement de compte final explosif. Et puis il y a tous ces personnages attachants que l'on voit évoluer dans leur quotidien à l'exemple de Johnny Boy Tolliver, adjoint du shérif tenant ses dossiers méticuleusement à jour, de son cousin Jacky Turner, un inventeur de génie, un peu barré, un brin "complotiste" qui remet en état le pick up Chevy 63 de Mick Hardin ou de Raymond Kissick, soldat au sein du corps de Marines, unique survivant de la fratrie qui va faire son coming-out auprès de sa mère, au détour d'un échange savoureux, imprégné de pudeur et d'une certaine tendresse. Mais Mick Hardin, en enquêteur tenace et impliqué parfois trop entêté, est également entouré de femmes qui lui tiennent la dragée haute, à l'instar de sa soeur Linda remettant régulièrement en cause son caractère renfermé et bien trop centré sur lui-même tout en endossant la fonction de shérif du comté et dont on suit le quotidien ordinaire ponctué de diverses obligations officielles en vue de sa réélection. Dotée d'un caractère tout aussi affirmé, endossant le rôle de matriarche d'une famille décimée par une succession de tragédies en lien avec le trafic de drogue, on apprécie le personnage de la veuve Shifty, et plus particulièrement cette dignité, mais également cette colère intérieure qui bout en elle, à l'annonce de la mort de ses deux fils. de tout cet ensemble parfaitement mis en scène, il émane une atmosphère âpre, imprégnant tant les personnages que l'environnement dans lequel ils évoluent au gré d'un texte d'un justesse sidérante.


Chris Offutt : Les Fils de Shifty (Shifty's Boys). Editions Gallmeister 2024. Traduit de l'anglais (Etat-Unis) par Anatole Pons-Reumaux.

A lire en écoutant : Release de Pearl Jam. Album : Ten. 1991 Sony Music Entertainment Inc.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Retour au pays

Je découvre Chris OFFUTT avec ce roman, « Les Fils de Shifty ». J'adore les écritures folles et tout autant les écritures sobres. Celle de Chris OFFUTT relève de ce dernier registre et elle est formidable !

Avec peu de mots, il sait nous transporter au fin fond de la personnalité de ses personnages, nous dire la beauté de cette région des Appalaches, la richesse de sa flore et de sa faune, mettre en scène les situations les plus improbables, les rencontres les plus insolites, les dialogues vifs et parfois humoristiques. Son style sait traduire la vie dans ses émotions, ses silences, sa fureur, sa poésie, sa cruauté de façon à la fois maîtrisée et évocatrice, sans jamais déborder.

Donc j‘ai aimé son style et j'ai aimé son histoire.

Un héros peu conventionnel, Mick, militaire en permission pour raison médicale, a choisi de revenir au pays, un coin paumé du Kentucky où il se sent obligé de « rendre service » : il va résoudre le meurtre du dealer du coin, mais aussi fils de Shifty Kissick.
On voit Mick quitter son brouillard médicamenteux pour plonger dans un brouillard encore plus dense d'affaires sordides… Il faudra quelques pages d'actions violentes vers la fin pour nettoyer le paysage et ramener cet univers rural à son juste rythme, celui de la nature.

OFFUTT nous offre quelques tranches de vie, saisies dans toute leur authenticité. On a l'impression de connaître les personnages mis en scène, on les prend en sympathie, même les plus particuliers. Mick, quant à lui, a quelque chose de fascinant, taiseux et percutant, imprévisible et calculateur, tout en douceur et violence s'il le faut.

Me reste à parfaire cette découverte.
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