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EAN : 9782844853998
784 pages
Allia (07/04/2011)
4.25/5   14 notes
Résumé :
La fin d’une époque – les conditions du vrai

Témoignages

Avec The Other Hollywood, Legs McNeil et Jennifer Osborne se saisissent d'un sujet central de notre société, mais un sujet dont personne n'ose ou souhaite entendre par­ler: la pornographie. Sous-titre de l'ouvrage : L'Histoire du porno américain par ceux qui l'ont fait. Démultipliées à l'infini et toutes semblables, ces femmes s'imposent à nous, peuvent jaillir à tout instant au h... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
The Other Hollywood : The Uncensored Oral History of the Porn Film Industry
Traduction : Claire Debru

ISBN : 9782844853998



J'ai dit ici tout le bien que j'avais pensé de "Please Kill Me : Histoire Non Censurée du Punk Par Ses Acteurs", ouvrage concocté une fois de plus par Legs McNeil mais cette fois-là avec l'aide de Gillian McCain. Sans cette lecture, jamais je ne me serais intéressée à "The Other Hollywood ...", publié d'ailleurs chez le même éditeur et dans le même format. Mais devant la qualité du travail accompli par McNeil et McCain pour "Please Kill Me", on pouvait penser, sans trop de risques, que le livre sur l'histoire du film porno américain serait de la même veine. Pari gagné : "The Other Hollywood ..." est une somme, une masse, un incontournable sur la question, le tout sans voyeurisme inutile et sans aucune autre vulgarité que certains excès de langage de quelques intervenants.

Le principe, on le connaît déjà : donner la parole à ceux qui ont vécu l'Age d'Or du phénomène étudié. A quelques rares exceptions près - et hormis pour les aficionados du genre, bien sûr - les personnalités qui s'expriment ici ne doivent pas être connues du grand public français. Précisons en effet que ce livre - une véritable Bible, si l'on veut bien me passer l'expression - ne traite que du film porno "classique", c'est-à-dire hétérosexuel, américain. Comme le font remarquer les auteurs, pour bien faire, il faudrait un second opus pour traiter le porno gay aux USA. Quant à la production européenne, elle n'a évidemment rien à voir avec cette "Histoire ..."

Certains, bien pensants et autres, se récrieront sans doute à l'idée que le film pornographique puisse avoir une "histoire." Et pourtant, les premiers films de ce type, qui nous paraîtraient aujourd'hui bien anodins, datent de la naissance du cinéma, ce qui ne rajeunira personne. Wink McNeil et Osborne ne s'attachent d'ailleurs pas à cet aspect du phénomène, préférant poser leur point de départ à l'époque des "nudies", petits films pseudo-naturistes des années quarante et surtout cinquante, lesquels, eux non plus, ne nous feraient guère rougir.

C'est bien entendu avec l'éclatement de ce que l'on nomme, aux USA, la Contre-culture, que le cinéma pornographique américain déploie ses ailes. Un film, notamment, va lui permettre d'entrer de plain-pied dans la lumière des projecteurs, "Deep Throat / Gorge Profonde", en 1972, de Gerard Damiano. Petit budget (25 000 dollars) destiné à l'origine à une exploitation limitée, "Gorge Profonde" rapportera à ses commanditaires - la pègre, pour ne pas la citer - plus de 600 millions de dollars. Il créera aussi la polémique - et continue de la créer car son actrice principale, Linda Lovelace, est l'auteur de quatre textes autobiographiques contradictoires sur son tournage. Dans les deux premiers, elle assure que tout fut merveilleux et que tourner des films de ce genre, c'est vraiment le pied. Dans les deux derniers, elle revient sur ses dires et accuse son mari et manager, Chuck Traynor (un ex-marine reconverti en proxénète, il faut bien le reconnaître) de l'avoir contrainte par la violence à tourner toutes les scènes pornographiques du film. Quand est-elle sincère ? ...

Notons que cette ambiguïté se retrouve dans le témoignage d'une autre gloire féminine du porno américain, Sharon Mitchell, laquelle intervient très souvent dans le livre et ne répond pas du tout, il est important de le souligner, au profil de femme battue de Lovelace. Au début, elle présente le tournage de scènes pornographiques comme une chose exaltante et même réconfortante. Un tiers de pages plus loin, elle reconnaît qu'il était plus facile de le faire après avoir consommé de la drogue - Mitchell fut d'ailleurs accro à l'héroïne. Dans tout ça, où est la vérité ? ...

Linda Lovelace devait mourir en 2002, dans un accident de voiture, à l'âge de cinquante-trois ans, après une existence en dents de scie, après avoir été utilisée semble-t-il certainement par Traynor mais aussi, hélas ! par les mouvements féministes et anti-pornographie américains. Qui était-elle vraiment ? Et, surtout, le savait-elle elle-même ? Son drame est semblable à celui de bien des "vedettes" du porno qui n'existent en fait que par et pour leur corps.

Autre "grand nom" de cette industrie, John Holmes, réputé pour la longueur de son sexe et les "performances" qu'il lui permettait. Dans son cas, comme pour Lovelace - née Boreman - l'enfance malheureuse est au rendez-vous. Holmes y échappe en s'enrôlant dans l'armée. Rendu à la vie civile, il épouse une jeune infirmière, trouve un emploi de conducteur d'engin-élévateur. Mais cette vie ne le satisfait pas outre mesure. Quand un photographe, ayant utilisé l'urinoir voisin du sien, lui propose de l'introduire dans le monde de l'industrie filmique pornographique, il accepte ... Après cela, c'est l'escalade - ou plutôt la dégringolade : l'addiction à la cocaïne - particulièrement à la freebase, cocaïne chauffée par le consommateur et que l'on connaît aussi sous le nom de crack - magouilles en tous genres et enfin la tuerie de Wonderland Avenue, le 30 juin 1981, organisée par le mafieux Eddie Nash en représailles d'un cambriolage qu'avaient effectué chez lui des amis de Holmes, sur les indications de celui-ci. Ayant tout révélé à Nash, Holmes a la vie sauve mais il est tenu par le trafiquant d'assister à la tuerie - voire d'y participer, rien ne fut jamais prouvé. Cette affaire va précipiter la course vers le vide que Holmes menait pratiquement depuis sa jeunesse d'enfant battu. Il s'éteint en 1988, des suites du Sida qu'il avait contracté non en se droguant - Holmes ne se piquait pas : il avait horreur des aiguilles - mais en tournant des films pour hétéros et aussi pour gays.

Encore Lovelace et Holmes ne sont-ils que deux noms emblématiques du porno américain. En cela, leur histoire est évidemment exemplaire. Mais ils ne furent pas les seuls à "mal" finir - les femmes paraissant cependant plus exposées au suicide que les hommes.

McNeil et Osborne évoquent également l'arrière-plan mafieux de l'industrie. Sans oublier le scandale Tracy Lord, actrice porno qui, avec une fausse carte d'identité, parvint à tourner une impressionnante série de films alors qu'elle était encore mineure. Quand elle avoua la chose, tous ses films durent être retirés de la circulation. Mais pourquoi la confessa-t-elle, justement ? Etait-elle de mèche avec l'Etat américain qui cherchait depuis des lustres de réduire l'influence de la Mafia dans le milieu du porno ? On ne le saura sans doute jamais.

Un ouvrage riche, donc, et tout aussi richement illustré - mais sans voyeurisme superflu. Un ouvrage qu'apprécieront tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin au phénomène dont il parle. Mais un ouvrage qui ravira également les simples Candide en la matière. On y apprend beaucoup - et c'est très édifiant. ;o)
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The Other Hollywood – l'histoire du porno américain racontée par ceux qui l'ont fait. Les titre et sous-titre de cette somme presque intimidante (750 pages) principalement signée Legs McNeil (aussi auteur d'un livre référence sur le punk, Please, Kill Me, déjà paru aux indispensables éditions Allia) sont un peu incomplets. On aurait tout aussi bien pu titrer l'ouvrage "The Other America" et surtout le sous-titrer "l'histoire du porno américain par ceux qui l'ont fait et ceux qui l'ont combattu". Car une très grande partie de ce gros livre rouge nous fait revivre la lutte au long cours (qui ne connaîtra certainement jamais de fin) menée par les autorités américaines et tout particulièrement le FBI contre l'industrie du X.

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... John Holmes : Le lendemain du cambriolage [dont il avait fourni les plans], je me suis fait torturer par Eddie Nash |= le mafieux qui devait être le dindon de la farce et qui, comme tous les trafiquants de drogue, n'a pas apprécié du tout] et huit de ses gardes du corps, alors que soixante ou soixante-dix personnes entraient dans la maison pour acheter leur dose habituelle. J'étais assis dans une pièce juste derrière le hall d'entrée, les mains attachées avec de la bande adhésive à tuyauterie. Le sang me coulait dans la bouche, là où Eddie m'avait frappé avec un flingue. Personne ne m'a salué en entrant.

Chris Cox [= acteur porno] : Avant de partir, j'ai eu une petite conversation avec John - mais je ne me souviens plus sur quoi. L'atmosphère n'était pas vraiment propice pour bavarder. Je sais qu'il y avait une rumeur qui disait que John s'était fait démonter la gueule, mais j'ai pas vu de bleus ou de trucs comme ça ; j'ai rien remarqué de ce genre.
Frank Tomlinson (détective du LAPD, section Vols et homicides) : Juste après le cambriolage, John a dit qu'Eddie Nash l'avait retenu chez lui, qu'il lui avait pris son carnet d'adresses et que - devant lui - il avait noté les noms des membres de sa famille. Selon John, Nash lui a dit que, s'il essayait d'en toucher un mot à la police, il descendrait quelqu'un de sa famille.

Ensuite, John a dit que Nash, qui lui collait un révolver sous le nez, l'avait emmené à la maison de Wonderland Avenue ; John savait ce qui allait se passer, mais il se disait qu'il n'avait pas le choix, qu'il devait régler ça et les laisser entrer.

John a dit qu'il était présent au moment des meurtres mais que lui-même n'avait blessé personne, qu'il était simplement présent sur les lieux.

Sharon Holmes [= première épouse de John] : Il était très tôt le matin - c'était le silence complet dans la rue - quand John a frappé à la porte. J'ai une très bonne vision dans le noir, alors j'ai tout de suite vu que c'était lui. J'ai juste laissé la chaînette sur la porte et j'ai demandé : "Qu'est-ce que tu fais ici ?" [Le couple était séparé.]

C'était la première fois que je le voyais depuis le mois de mars. Il m'a demandé s'il pouvait entrer. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé - grâce à la veilleuse du couloir - qu'il était couvert de sang. Il en avait dans les cheveux, sur le visage, autour des oreilles, partout sur ses vêtements - ça ne coulait pas mais on voyait bien qu'il s'était passé quelque chose. Il a balbutié quelque chose au sujet d'un accident de voiture. "Tu peux m'aider à me nettoyer ?"

Moi, toujours bonne poire, je le laisse entrer. ... [...]
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[...] ... Bunny Yeager [réalisateur] : Quand Chuck Traynor m'appelait pour me dire : "J'ai une jolie fille pour toi," je savais qu'elle allait être vraiment jolie. Mais quand il m'a amené cette fille, Linda Boreman ... Le problème avec Linda, c'est qu'elle était plate. Bien évidemment, je n'ai rien contre les planches à pain, mais ce que j'ai pensé, c'est qu'elle serait impossible à vendre.

Autre chose : j'aurais préféré ne pas en parler mais Linda avait une cicatrice qui lui descendait au beau milieu de la poitrine [= laissée par un accident d'automobile]. Enfin, je l'ai quand même prise, plutôt pour faire plaisir à Chuck.

Chuck Traynor [= ex-mari et ex-manager de Linda Lovelace] : J'avais fait une belle erreur [dans le bar que je tenais] parce que, en Floride, quand vous tenez un bar, vous êtes censé détenir une carte P. I. C., ce qui signifier "personne responsable / person in charge." Et le détenteur de la carte P. I. C., qui peut être le patron ou l'une des filles, doit se trouver sur place en permanence.

Enfin bref, un jour l'ATF [= équivalent de l'Inspection du travail] s'est pointée, et personne n'avait la carte. Alors ils ont fait fermer.

Linda Lovelace : A ce moment-là, on était au point que Chuck me demandait de me promener dans la rue pour ramasser des filles qui travailleraient dans son petit marché de prostitution. Et je n'étais vraiment pas bonne là-dedans. Inconsciemment, je me disais : "Eh ! bien, il va enfin finir par me lâcher."

Il m'a dit que j'étais nulle dans ce que je faisais mais qu'il ne se débarrasserait pas de moi. Chuck a décidé que sa prochaine étape, ce seraient les films.

Bunny Yeager : Nous étions en train de tourner notre deuxième film, Sextet, quand Chuck a appelé pour me demander si on ne pourrait pas prendre Linda dans le film.

J'ai dit : "Ben, euh, on a déjà tous les gens dont on a besoin, mais j'imagine qu'on peut l'ajouter comme figurante ..."

Alors, vous avez intérêt à être vigilant pour l'apercevoir. Elle est assise sur les genoux d'un type, sur un canapé, dans une scène de soirée. Je l'ai prise uniquement pour Chuck.

Chuck Traynor : Linda passait son temps à tourner en rond, après que l'ATF ait fermé le Las Vegas Inn, alors j'ai dit : "Tu sais, tu devrais faire des films porno."

J'avais une caméra Bolex Double-A qui prenait les films en 16 mm. Vous filmez d'un côté de la pellicule, vous retournez, vous filmez de l'autre. Ensuite, le labo la coupe en deux et vous avez deux films de 8 mm. ... [...]
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Vidéo de Legs McNeil

Culturesmonde sur France culture Claire Debru traductrice de "The Other Hollywood" de Legs McNeil et Jennifer Osborne
Culturesmonde sur France culture Claire Debru traductrice deThe Other Hollywood de Legs mcneil et Jennifer Osborne. editionsallia251 videos. Subscribe Subscribed Unsubscribe 32. 10 views. Like 0 Dislike 0. Like. Sign in to youtube. Sign in with your youtube Accountyoutube Google+ Gmail Orkut Picasa or Chrome to like editionsallias video. Sign in. I dislike this. Sign in to youtube. Sign in with your youtube Accountyoutube Google+ Gmail Orkut Picasa or Chrome to dislike editionsallias video. Sign in ...
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