Wangari Maathai est née en 1940, dans un Kenya encore fertile, où les rivières coulent à flot, dispensant de l'eau potable à profusion. Son prénom, elle le doit à la "Mère du clan des Anjirus" de la tribu des Kikuyu. Son enfance, elle la passera dans ce pays qui doit son nom à un malentendu (un guide indigène a erronément donné le nom de la calebasse qu'il portait à la taille à un colon britannique qui s'informait du nom de la montagne qu'il avait devant lui. L'histoire a fait le reste quand le pays a pris le nom de la montagne qu'il pensait s'appeler Kenya), dans un environnement où l'on "cultivait aussi bien la terre que l'imagination".
Les colons, la mondialisation, la corruption de la politique, la course à l'argent... ont remplacé les cultures locales dans les champs pour les remplacer par du café et du thé qui se vendent bien à l'international. Les forêts ont laissé place aux champs, pour cultiver encore plus. En 30 ans, de déforestation en cultures intensives, les cours d'eau se sont asséchés quand ils n'ont pas été pollués, les terrains ont commencé à glisser, rendant stériles des parts de plus en plus importantes du territoires. le bois de chauffage s'est raréfié, l'alimentation a du changer, les carences sont apparues, accompagnées de la pauvreté de plus en plus ravageuse.
Les figuiers séculaires permettaient, par leurs racines, de maintenir le débit des cours d'eau; les forêts étaient autant de remparts au vent venant du Sahara; les espaces verts sont le refuge d'une faune importante pour la biodiversité du pays... Consciente des enjeux liés à la préservation de l'environnement, aussi bien pour l'avenir de son pays que pour celui de la planète toute entière,
Wangari Maathai a fondé le "Mouvement de la Ceinture Verte" (Green Belt Movement) pour replanter des arbres. Et ce fut son premier pas officiel de militante; un militantisme qui l'a occupé toute sa vie. Et elle n'imaginait pas, en plantant son premier arbre, qu'elle allait aussi semer d'autres graines: l'envie de liberté, l'envie de démocratie, l'envie de conditions féminines correctes, l'envie de voir tomber les gouvernements corrompus,...
Cette autobiographie est à l'image de celle qui la porte: nette, claire, sans fioriture, explicite et porteuse d'espoir. Elle se lit presque comme un roman parce que la vie de
Wangari Maathai a été particulièrement agitée. Elle parcourra le monde pour porter son message écologique et démocrate, elle franchira de nombreux obstacles que ses opposants, le gouvernement et la police en tête, mettront sur son chemin, elle fera quelques tours en prison, elle se retrouvera barricadée chez elle, elle se fera attaquer, frapper,... pour ses convictions et ses actions qui dérangent l'intelligentia en place.
Rien ne l'empêchera jamais d'avancer, rien n'entachera son intégrité, rien ne la fera vraiment plier, rien ne la brisera.
Et malgré les nombreux prix internationaux qu'elle récoltera tout au long de sa vie, elle sera rarement en sécurité dans son propre pays, dans sa propre ville.
Et c'est tout cela qu'elle raconte dans son autobiographie. Et c'est cette femme courageuse que le lecteur accompagnera jusqu'au
Prix Nobel de la paix qu'elle a reçu, les yeux pétillants, en 2004.
Wangari Maathai a depuis rejoint ses ancêtres (en 2011), enterrée dans un cercueil de bambou car il n'était pas question de couper un arbre pour l'y accompagner. Jusqu'au bout, elle fut en harmonie avec ses convictions et ses combats.
Les messages portés depuis les années 60 restent valables aujourd'hui, peut-être de manière encore plus prégnante, et ce, partout dans le monde. Ce bouquin est une très belle leçon de courage, racontée avec humilité et clairvoyance.