Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni ! »
Sandrine, la maîtresse d'école a fait entrer les élèves dans la classe.
Nous étions aux premières semaines des vacances. Et pourtant nous nous nous retrouvions encore dans une classe d'école, la classe de CE2 de Sandrine. Comment était-ce possible ?
Justement, les élèves m'attendaient de pied ferme. Ils s'étaient regroupés entre eux en conciliabule, formant une sorte de mêlée compacte. La petite Anna est sortie du groupe, a jeté un regard à la cantonade. Elle a pris un petit air empli d'assurance pour ne pas dire effronté, tandis que derrière elle ses copines la poussaient vers l'avant... Elle s'est avancée vers moi.
« Dis-nous, Berni-chou, il y a quelque chose qui nous turlupine... » Elle a marqué un temps d'arrêt pour mesurer son effet. Quelqu'un a gloussé dans l'assemblée, j'aurai juré un gloussement de fille. Peut-être la petite Hélène... Puis elle a repris : « il ne t'aura pas échappé que nous sommes en vacances. J'espère que tu as une bonne raison pour nous faire revenir en classe ce matin. Mouhahaha !
- La maîtresse avait prévenu qu'on aurait besoin de soutien scolaire pendant la période estivale, lui a répondu la petite Chrystèle tentant d'apporter un contrebalancement à son point de vue. Tiens, le collectif commençait à se fissurer.
- Surtout qu'on va tous redoubler, c'est malin, ça ne sert plus à grand-chose, a renchéri la petite Isa d'un air empli de fatalité.
- Quand même les z'amis, une histoire du mercredi, c'est toujours bon à prendre, non ? » a rétorqué la petite Nico. »
Sandrine, la maîtresse d'école a cru bon de préciser en souriant : « Les histoires à Berni, ce n'est pas ce qui a de plus difficile comme soutien scolaire. »
- Lol, a fait la petite
Sonia D un air d'approbation.
- Ugh ! » a rajouté la petite Manue qui est venue clore ainsi le débat.
Elle a raison, la maîtresse d'école. Cela dit, il ne faudrait pas non plus minimiser l'importance de ces histoires du mercredi dans l'éveil intellectuel des enfants, hein ! Non, mais...
Bon, il était temps de passer aux choses sérieuses. Je me suis avancé vers le groupe d'élèves déjà tout attentionné.
« Je vous ai trouvé une histoire qui va faire plaisir à quelqu'un d'entre vous qui la réclame depuis si longtemps. »
Tous les enfants ont retenu leur souffle.
« C'est un filgoude ? » a demandé la petite Nico innocemment.
J'ai alors montré la couverture du livre. C'était une BD :
le loup en slip, tome 3 : Slip Hip Hip !
« Enfin, voilà un loup qui m'a l'air très sympathique », a fait la petite Doriane poussant un gros soupir.
Alors on a entendu un petit cri venir au milieu de l'assistance... C'était la petite Domi qui en effet tentait désespérément jusqu'à présent de placer dans les histoires du mercredi son coup de coeur littéraire : le loup en slip. Aussi, Sandrine et moi avions eu l'idée cette fois-ci de retenir ce choix de lecture pour ce mercredi des vacances.
« Ah ! Merci mon Berni. Ah ! les amis, je me pâme... » s'est écrié la petite Domi d'une voix théâtrale, portant sa main au front, à la manière de
Sarah Bernhardt.
La petite
Anne-Sophie et la petite Hélène l'ont soutenue tant bien que mal, mais la petite Domi a vite perdu sa connaissance. On l'a allongée à même le sol.
Le petit Pat courait dans tous les sens pour aller chercher des coussins.
La petite Doriane a proposé : « je vais lui faire snifer du chocolat, ça va la remettre d'équerre en moins de deux ». Elle a tendu un morceau de chocolat sous le nez de sa camarade qui est aussitôt revenue à elle, tentant de happer la friandise d'un coup de dent vorace.
« Hé ! Sniffer j'ai dit, pas manger, non mais oh ! » Mais la petite Doriane dans sa grande mansuétude lui a quand même offert la barre entière de chocolat.
Alors, on a vu la petite Domi se lever d'un bon sur ses jambes, tel un zébulon et se mettre à tourner tant que tant, dans une sorte de danse de la joie façon sioux. Elle psalmodiait des mots qu'on ne comprenait pas : « Peusli ! Peusli ! Peusli ! », en frappant sa bouche avec la paume de sa main droite.
« Qu'est-ce qu'on peut faire pour l'arrêter ? a demandé la petite
Anne-Sophie affolée.
- Je peux aller chercher ma clé de douze, a suggéré le petit Pat.
- J'ai quelque chose de bien plus efficace a fait la petite Manue, qui a vidé à ses pieds son grand sac qui lui servait accessoirement de boîte à outils. « Mais où est donc passé ma tourniquette à faire la vinaigrette ? » s'est-elle demandé en fronçant les sourcils.
À ces mots, la petite Domi a semblé reprendre ses esprits. L'histoire pouvait commencer. Les enfants ont fait silence pour écouter le début du récit.
« La forêt est en effervescence : la course annuelle "Rapide & Furieux !" va bientôt commencer ! Pourtant, quelqu'un ne semble pas partager cette allégresse générale. Toutes les affiches de la course sont vandalisées ! Les habitants ne comprennent pas. Car enfin, cette course est très populaire, n'est-ce pas ? Quel est cet énergumène mystérieux qui vient gâcher la fête ? C'est notre ami le loup en personne qui est chargé d'identifier le coupable. Il part mener l'enquête, - en slip bien sûr, et découvre brusquement que le responsable des dégradations n'est pas la bête féroce que l'on imagine... Il s'agit d'une petite mésange qui zinzinule de colère après l'existence, une mésange accidentée par la vie et qui ne bat plus que d'une aile. Elle s'appelle Gru-mo.
J'ai marqué une pause. Il s'agissait de savoir pourquoi la petite mésange révoltée se comportait ainsi.
« Elle est peut-être jalouse ? a suggéré la petite Sonia.
- Elle est malheureuse, a dit la petite Fanny.
- Elle aurait voulu participer à la course », a dit la petite Manue.
Les élèves ont vite compris que le loup éprouvait une forme de compassion pour la petite mésange. Il a alors évoqué son expérience de loup, que mettre un slip a changé du tout au tout sa vie. On appelle cela l'empathie. Ah ! Que ne dirait-on pas pour remonter le moral d'une mésange désespérée.
Alors c'est la solidarité qui a pris le pas dans l'enquête, l'entraide entre une mésange qui ne croit plus en la vie et notre ami le loup en slip au coeur d'artichaut.
Par amitié, il va même jusqu'à donner de sa personne en métamorphosant son slip en lance-pierre, ou plutôt en lance-mésange pour faire tenter à sa nouvelle amie de gagner la course. Celle-ci éprouve alors une sensation nouvelle dans les plaisirs du cosmos.
Et j'ai bien vu que cet épisode avait drôlement plu aux enfants. J'ai alors fait une pause à cet endroit de l'histoire et imaginer une petite réflexion facétieuse. Je vous ai dit que les histoires du mercredi servait aussi à l'éveil intellectuel des enfants. J'ai une réputation à défendre.
« Et si l'on imaginait ensemble tout ce qu'on peut faire comme usage avec le slip d'un loup. »
À la mine un peu déconfite de Sandrine la maîtresse d'école qui ne s'attendait pas à cette question de ma part, j'ai vite vu que ce n'était pas une bonne idée finalement , mais c'était déjà trop tard, car les idées n'ont pas tardé à fuser en vrac comme des boules à sarbacane, toutes aussi originales et ingénieuses les unes que les autres. Ce fut un festival.
« Un abat-jour pour réfectoire, a dit la petite Nico.
- Des oriflammes dans un tournoi, a dit la petite Isa.
- Un Kitesurf, a dit la petite Cathe.
- Un filet sur un terrain de badminton, a dit la petite Chrystèle.
- Une nacelle à montgolfière, a dit la petite Sylvie.
- Un parachute pour mésange blessée, a dit le petit Pat.
- La voile d'une brouette ! » a dit la petite Sonia.
- La voile d'une brouette ?! s'est exclamé la petite Anna surprise.
- Ah !Ah ! Ça te turlupine, hein ? » a rigolé la petite Hélène.
Alors, je me suis empressé de terminer au plus vite l'histoire. La morale de celle-ci était belle, généreuse, attendrissante. La petite Domi a versé une larme d'émotion, heureuse de retrouver les mésaventures de son compagnon attitré. Il est vrai que le loup en slip est une série de plusieurs aventures écrite par
Wilfrid Lupano, conteur inspiré, qui nous offre ici un canidé à la fois généreux et déjanté. Les illustrations de
Mayana Itoïz m'ont également séduit et fait sourire autant par la cocasserie des scènes que par la tendresse qui s'en dégage.
« Les enfant, qu'avez-vous retenu de cette histoire ? » a alors demandé Sandrine, la maîtresse d'école.
« Qu'il faut avoir confiance en son slip ! a répondu le petit Pat espiègle.
- Que la mésange zinzinule ! a renchéri la petite Francine.
- Que si tu trouves ta forêt nulle, tu trouveras le bonheur dans le cosmos ! a répliqué la petite Anna.
- Que l'essentiel est de participer, a dit la petite Doriane.
- Que l'entraide est plus forte que la compétition ! a rajouté la petite Sylvie.
- Que si tu crois très fort en tes rêves, tout est possible », a conclu la petite
Anne-Sophie.
La petite Gaëlle est alors sortie du rang, s'est approchée de moi d'un air tout émoustillé. « Elle est drôlement culottée ton histoire, camarade ! »
« Slip hip hip !? a alors lancé la petite Sylvie à la cantonade.
- Hourra !!! » ont crié d'une seule et même voix tous les élèves de la classe.