Les Éditions La Farandole publient en 1961 « Le Kalevala », petit ouvrage (167 pages) écrit par Élias Lönnrot au 19ème siècle. Étudiant poète, Élias recueillit à cette date des éléments de la tradition orale finlandaise, éléments qui se transmettaient alors de père en fils chez les paysans : Élias souhaitait en tirer parti et façonner ainsi un des joyaux de la littérature nationale. L'essentiel nous est conté en prose dans ce livre, destiné aux 10-14 ans.
Résumer « Le Kalevala », c'est ne s'attacher qu'aux épisodes qui le composent. C'est oublier que ces poèmes étaient chantés, en vers, par des hommes passés maîtres en la matière, assis, deux par deux, à califourchon sur un banc, à la veillée, et se balançant au rythme des "runots". C'est négliger la dimension magique ou symbolique des faits comme des contrées dans lesquelles se situent la rencontre de héros, de chasseurs et d'hommes incroyablement courageux. C'est passer sous silence la puissance des paroles et de la musique de la langue finnoise (puisque l'ouvrage a été traduit en français), langue rocailleuse et forte, à l'image de l'eau qui s'échappe en grondant des torrents des montagnes, qui bondit au-dessus des pins arrachés, roulant des pierres énormes et qui vient désaltérer les loups et les ours. C'est, enfin, ne pas accorder la place qui convient aux bardes qui contaient une hospitalité nationale légendaire et l'accueil aimable et simple fait par les locaux aux étrangers de passage.
Poème épique, « Le Kaleva » se compose de 31 chapitres, depuis la naissance de Vainamoïnen (le barde) jusqu'à la fabrication d'un kantélé (une sorte de cithare locale) aux cordes harmonieuses, instrument permettant de chanter des hymnes à la natures, aux hommes et aux femmes de bonne volonté ainsi qu'aux bêtes des bois. La dimension magique du Kalevala est immédiatement perceptible : ainsi, la déesse Ilmatar crée le soleil, la lune, les étoiles et l'air avant de donner le jour à Vainamoïnen, son fils ; Sampan-Pellervoïnen, fils des champs, sème en quelques jours nombre de pins, sapins, bruyères, saules argentés, bouleaux, chênes, genévriers et merisiers ; un homme de cuivre (sic), minuscule -mais d'une force surnaturelle- abat un arbre dont la cime monte jusqu'au ciel ; une mésange s'exprime en finnois à l'adresse des hommes, tout comme le font un aigle, un coucou, une barque, un chemin, le soleil et la lune ; une mère, à force de passion et d'efforts, arrive à ramener son fils chéri à la vie. Les personnages du Kalevala sont toujours riches en couleurs et d'un caractère bien trempé : Joukahaïnen, vaniteux, provoque d'autres bardes en duel ; Vainamoïnen, courageux, lutte contre des hommes et des divinités qui ne lui veulent pas que du bien ; la belle Aïno, jeune et éblouissante jeune fille à la chevelure de soie, belle comme la fleur sur le sentier ou comme la fraise dans la clairière tente de résister à ses amants ; Ilmarinen, le puissant forgeron dont on entend le marteau sonner sur l'enclume à des lieux à la ronde, est sollicité pour fabriquer un sampo, moulin magique pouvant moudre de la farine, du sel et de l'argent ; Kankomiéli, homme à la voix d'or et aux yeux pétillants de vie, vole de fille en fille sans jamais se fixer. La dévotion aux parents et aux anciens est évidente, tout comme l'harmonie entre les hommes et la nature : quand l'homme est triste, les oiseaux se taisent et les fleurs baissent la tête, tandis que le soleil et la lune s'ennuient. La femme mariée est forte, infatigable mais docile envers son époux : quand elle est jeune et vierge, ses boucles, sa robe de fête, sa couronne de fleurs ou son collier d'or font l'admiration de tous. L'homme juste et droit est habile de ses mains et n'épargne pas sa peine : il est hardi, courageux et respectueux de son entourage comme de ses engagements. Les méchants sont toujours punis, les divinités étant partout et au service de l'homme bon.
Mon analyse : donner un sens à tout ce qui est perçu, chanter d'une voix sure et forte les antiques souvenirs, l'origine des choses et le commencement du commencement, nous enchanter, nous émerveiller et nous faire vibrer au son du kantélé, voilà ce qu'était avec « le Kalevala » le pari d'Élias Lönnrot. Pari tenu et réussi ! Voici un ouvrage agréablement illustré, vivant et addictif, plein de féérie, de quiétude et d'harmonie. Je mets quatre étoiles et je recommande.
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Un recueil de poésie, ou plutôt de chants poétiques retraçant la vie quotidienne, culturelle et mythologique du peuple carélien qui regroupait essentiellement la Finlande, l'Estonie et la Russie.
La Finlande est un pays qui était très peu connu il y a encore deux siècles. Elias Lönrot, ethnologue passionné, a voyagé a travers la Carélie, noté tous les chants scandés et répétés oralement, par coeur, des différents peuples de l'ancienne Carélie qui chantaient par tradition quotidiennement et selon les événements de l'année. Il a récolté de très nombreux témoignages et les a répertorié dans son ouvrage le plus abouti : le majestueux Kalevala, une des plus grandes richesses du patrimoine finlandais. Un chef d'oeuvre si on prend en compte les différences de langues et de patois, les différences de cultures entre les différentes ethnies que constituaient la Carélie. Un énorme bravo également au traducteur qui a su traduire tous les vers finnois en français, en essayant de garder l'authenticité de la musicalité de la langue finnoise, et toute sa rusticité.
Au-delà de l'excellence du témoignage ethnique, culturel, mythologique, historique et social que nous offre le Kalevala, la poésie en elle-même est plutôt rude : très paillarde, comme le pouvaient être nos épopées médiévales. Il faut persévérer un peu et s'habiter à cette grande rusticité, qu'on retrouve même dans la langue et la construction des phrases, pour découvrir au delà de cet aspect paysan et médiéval, une grande poésie. On remarquera toutes les métaphores et les comparaisons sans cesse avec les éléments de la nature. La Finlande, encore aujourd'hui, c'est l'amour de la nature, du vrai, de l'authentique, c'est l'amour d'une vie humaine au plus près de la nature, dans ces contrées désertiques bordées de lacs gelés et de forêts, et bordées d'immenses couches de neige à perte de vue en hiver.
J'ai préféré quelques "chants" à d'autres. Ce n'est pas un coup de coeur car je ne suis pas fan du contenu souvent trop rustique qui manque beaucoup de raffinement, de délicatesse. C'en serait presque comique !
La Kalevala, qui a inspiré de nombreux chanteurs nordiques passionnés de mythologie nordique, est à lire pour tout passionné de Finlande mais aussi pour tout passionné d'histoire, curieux d'une civilisation peu connue, tout amateur de musique pagan ou métal qui connaît à travers des chansons le nom mythique de "Kalevala" et aussi, à lire en voyage en Finlande bien au chaud dans un koti. ;)
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Epopée épique dans une époque pleine de contes et légendes. C'est ma came ce genre de récit donc j'en suis content. Pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude de lire des chansons de gestes et autres, il est accessible. Beaucoup de personnages sont encore connus de nos jours, surtout grâce aux séries télé.
Par contre il y a trop d'intrigue pour que je puisse résumer les 600 pages, il y a de la baston, des complots politiques, de l'amour, du quotidien, bref tout ce qui fait la vie d'un peuple conquérant embellie en lettres dorées.
La seule difficulté viendrait de l'écriture désuète avec des « que nous n'eussions pas terrassé ».
Un roman comme un océan, parfois calme avec de forts courants et parfois déchaînée.
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page 102 - "Et le forgeron entra ainsi dans sa maison avec son épouse et ses invités.
Jamais tant de bonnes gens ne s'étaient réunies sous ce toit. Les invités, vêtus de blanc, prennent place et l'on dirait que la forêt couverte de givre est entrée dans la maison. Les parures d'argent luisent comme l'aurore, les bijoux d'or scintillent comme des étoiles.
Jamais sous ce toit, il n'y eut si riche festin.
Avec ses dix doigts légers, la bonne hôtesse, Lokka, a cuit le pain et les pâtés, a brassé la bière, a rôti le porc, a préparé le poisson. Les couteaux tranchants se sont émoussés d'avoir dépecé tant de saumons. Les lames d'acier se sont tordues d'avoir nettoyé tant de lavarets.
Déjà la bière et l'hydromel coulent à flots pour égayer les hôtes. Qui va chanter le premier en l'honneur de ce jour ?
Le coucou seul sait lancer son appel, le barde seul sait lancer son chant. Qui commencerait à chanter sinon le vieux et sage Vainamoïnen ?
Il loue la jeune épouse, et la mère âgée, il loue chacun des hôtes, il loue les beaux-parents. Mais avant tout, il loue le maître de maison, le forgeron éternel, Ilmarinen. Il chante les louanges de celui qui a construit sa demeure dans les marécages, qui a apporté les branches de sapin, les troncs des pins, qui a tiré la tourbe des marais et dépouillé de leur écorce les bouleaux pour bâtir ici une vaste et magnifique demeure."
Voici maintenant que je pars
Avec un autre compagnon
Au sein de la nuit automnale,
Sur le sol glissant du printemps,
Sans laisser trace sur la glace,
Ni marque de pas sur le sol,
Ni traînée de pans sur la neige,
Ni rayure sur le verglas.
Quand je reviendrai dans ces lieux,
Que je reverrai mon logis,
Qui sait si mère m'entendra,
Si père percevra mes pleurs,
Lors même que je gémirais
Sous leurs yeux, tout près de leur tête ?
Un jeune gazon croit déjà,
Un genévrier a poussé
Sur la face de ma nourrice,
Sur les pommettes de ma mère.
(...)
Adieu maintenant, chère chambre,
Avec ton plafond de sapin!
Il sera doux de te revoir,
Beau de te visiter un jour.
Adieu maintenant, vestibule,
Avec ton plancher de sapin !
Il sera doux de te revoir,
Beau de te visiter un jour.
Adieu maintenant, large cour,
Avec tes superbes sorbiers!
Il sera doux de te revoir,
Beau de te visiter un jour.
A vous tous je fais mes adieux,
Terres, forêts riches en baies,
Chemins bordés de mille fleurs,
Landes couvertes de bruyère,
Lacs semés d'îles par centaines,
Profonds golfes à lavarets,
Monts couronnés de grands sapins,
Vallons cachés sous les bouleaux!
Le froid m'a fredonné des chants,
La pluie a murmuré des mots,
Le vent m'en ont chanté maint autre,
Maints autres, les flots de la mer,
Les oiseaux ont fourni des sons,
Les cimes des arbres, des vers.
Le vieux Väinämöinen parla,
Et les mots qu'il dit les voici :
"A qui rapporterait mes larmes,
Recueillerait les gouttes d'eau
Au fond des ondes transparentes,
J'offrirais un manteau de plumes."
Chronique sur l'art du conte, animée en alternance par les conteurs Fabien Delorme et Manuella Yapas.
Pour ce numéro, Fabien présente le Kalevala, l'épopée nationale finlandaise, et il termine par une histoire.
- "Le Kalevala", par Elias Lönnrot, trad. par Gabriel Rebourcet : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Le-Kalevala
- le site de Fabien Delorme : http://www.fabiendelorme.fr/
- le site de Manuella Yapas : http://www.manuellayapas.fr/