C'est
Olivier Liron lui-même qui m'a conseillé la lecture de son premier roman,
Danse d'atomes d'or, après avoir pris connaissance de mon ressenti mitigé pour
Einstein, le sexe et moi… Il était certain que cette histoire d'amour à la
Boris Vian qui revisite le mythe d'Orphée et d'Eurydice allait me plaire davantage…
Le titre est déjà une invitation poétique…
La danse me fait penser à une suite harmonieuse et rythmée, souvent trop codifiée, parfois libérée des contraintes ; c'est une succession avec des variations, un mouvement permanent ; il y a quelque chose de beau et d'artistique sous-entendu. La fête foraine et le cirque tiennent une place importante dans ce livre, lieux de spectacle, d'illusion et de mise en scène des corps ; la grande danseuse et chorégraphe
Pina Bausch y est citée. Il y a également la danse des vagues, le flux et le reflux, « petits brins d'écumes à qui l'on peut tout raconter »… et surtout, la danse des mots.
Les atomes sont des constituants fondamentaux de la matière, de l'ordre de l'infiniment petit, poussière ou particule, ou même de l'invisible. Ils apportent une notion d'énergie, pas toujours positive quand on pense au nucléaire. Les personnages du livre sont pris dans un tourbillon tragique, une prédestination fatale.
Et l'or, alors ? Ce métal précieux évoque-t-il ici la richesse, un ornement, une caractéristique exceptionnelle ou une coloration de l'ensemble ?
Cette
danse d'atomes d'or est bien plus que le reflet du soleil qui transforme la poussière.
Olivier Liron a dit lui-même qu'« un titre doit donner une couleur au livre »…
Ce roman est d'inspiration très personnelle : il n'est pas anodin que le narrateur s'appelle 0, une simple initiale. le récit est à la première personne et le narrateur nous dit souvent qu'il décrit les choses d'une manière qui n'est sans doute pas exactement celle dont elles se sont passées entre mensonges, simulations, mise en scène de la mémoire et de l'émotion, invention des souvenirs : « le réel est une fable autobiographique ».
L'Histoire d'Orphée et d'Eurydice prend ici une coloration assez féministe car c'est la femme aimée qui mène le jeu, qui décide de sa vie et de sa mort ; elle reprend à son compte les désirs et les postures d'Orphée et le place dans l'attitude impuissante d'Eurydice. Danses d'Atomes d'or est l'histoire d'une Eurydice qui part et ne se retourne pas, qui ne veut pas attendre sagement son homme toute sa vie.
J'ai profondément adhéré à l'onomastique des lieux : la rue Gît-le coeur et Tombelaine… Les personnages portent aussi des noms improbables ou prédestinée ; ainsi Loren, prénom que le narrateur ne saisit pas d'emblée porte en lui la Laure de
Pétrarque qui inspira toute son oeuvre poétique et son véritable nom est aussi lourd de sens. O. est à la fois Olivier et Orphée… Virgile Vediani me rappelle le guide de
Dante aux Enfers dans
La Divine Comédie, et pas seulement dans sa vision du périphérique de Caen. Les autres personnages sont-ils plus eux-mêmes que les noms écrits sur les post-it qu'ils se sont collés sur le front au début du livre?
L'écriture est belle, poétique, parfois très terre à terre, souvent décalée ; parfois, elle mérite qu'on s'y attarde et qu'on l'analyse, parfois il faut la prendre comme elle est sans trop chercher. L'écriture réinvente et redonne vie, elle collecte et rediffuse…
Olivier Liron avait raison : ce roman m'a parlé, m'a émue et m'a beaucoup intéressée. C'est juste une belle histoire d'amour qui finit mal mais elle est superbement mise en valeur par le recours au mythe, miroir révélateur et par un style très personnel.