«
L'antre des louves » fait partie de ces romans surprenants qui cachent bien leur jeu, et qui se révèlent tout autres que ce qu'ils annonçaient (l'une des joies de la lecture pour moi !).
En effet, la couverture rouge carmin, très jolie au demeurant, montre un enchevêtrement de femmes allongées à la romaine, pour certaines dans des poses assez lascives, faisant craindre un récit répondant au cliché du lupanar antique.
Sauf que dès les premières pages du roman nous sommes loin de l'image véhiculée par les séries du type « Rome » ou même, pour rester dans le domaine littéraire, par les vers de
Catulle ou d'
Ovide qui sont placés, assez ironiquement par leur décalage entre leur joliesse et la réalité, au commencement de chaque chapitre. Nous ne sommes pas dans la luxure, mais dans la survie ; ni dans le luxe, mais dans la pauvreté crasse d'esclaves achetées pour servir d'objets de plaisir à des hommes pour quelques deniers, sans possibilité de vivre ou d'aimer comme elles l'entendent, sommées de rembourser par le produit de leur travail une dette tous les jours plus profonde.
Tel est ainsi le cas d'Amara, l'héroïne de cette histoire, jeune Grecque instruite réduite en esclavage par pauvreté, mais c'est aussi celui de ses soeurs d'infortune, Didon, Victoria, Cressa… qui, elles, connaissent la violence de l'esclavage par une malchance plus cruelle encore, Didon ayant été kidnappée, ou depuis toujours, Victoria ayant été trouvée bébé dans une décharge…
Amara se distingue toutefois rapidement de ce groupe de prostituées soudées dans l'adversité par sa volonté de retrouver, par tout moyen, une liberté qu'elle a eu la chance de connaître. Y arrivera-t-elle ? Quelle part d'elle-même devra-t-elle laisser dans cette entreprise ?
« L'antre des louve » est un roman assez dur en ce qu'il retranscrit de manière saisissante l'horreur de la prostitution à une période où l'esclavage était normalisé. La différence hiérarchique qui en découle est encore plus criante quand elle s'associe à la dépossession d'un corps violé tous les jours et à de multiples reprises par des hommes qui se sentent tout puissants en s'en prenant physiquement à des femmes qui ne peuvent répondre autrement qu'en se dissociant mentalement de leur corps ; une violence encore aggravée par la méchanceté perverse du maître d'Amara et de ses consoeurs, qui prend bien soin de les briser mentalement pour les asservir durablement. Cela prend aux tripes, mais Amara est une femme tellement courageuse et tenace que l'admiration que j'ai eue pour elle a pris le dessus, me faisant suivre ses aventures avec grand intérêt.
L'histoire est crédible tant le contexte, l'autrice s'étant visiblement beaucoup documentée, est bien rendu. On s'y croirait ! Mon seul bémol provient des dialogues et de certains points de vue (assez féministes) qui sont rédigés dans un style bien trop actuel pour ne pas donner une sensation d'anachronisme détonnant. C'est dommage car cela crée une discordance qu'il est difficile d'ignorer à la lecture. Malgré tout, «
L'antre des louves » est un roman solidement divertissant, et je lirai avec intérêt les tomes suivants (il s'agit d'une trilogie).