Les 16 et 17 juillet 1942 la France basculait dans la honte, dans le sordide, dans l'inexcusable, l'inexpiable... dans le crime de masse et la complicité zélée avec le mal absolu.
Les 16 et 17 juillet 1942 l'État français et ses fonctionnaires de police raflaient près de 13 000 Juifs dont 4115 enfants.
L'histoire a donné à ces presque deux jours d'ignominie le nom de Rafle du Vel d'Hiv, car c'est au Vélodromme d'Hiver ( bâtisse à 800 mètres de la Tour Eifel ) que furent enfermées dans des conditions dantesques les familles juives promises à la déportation et au camp d'extermination d'Auschwitz.
Il y a donc quelques jours, nous avons commémoré le quatre-vingtième anniversaire de cette monstruosité française.
Pour ma part, j'avais coécrit une chanson l'année dernière avec Henri
Franceschi sur ce sujet si délicat ; je laisserai le lien pour ceux qui voudraient l'écouter au bas de cette page.
Cette année, j'ai tenu, par devoir d'histoire... certains disent que l'expression devoir de mémoire est malvenue lorsqu'on n'a pas "vécu" l'évènement...à lire certains ouvrages ( j'en ai lu pas mal tout au long de ma vie ).
Parmi ceux-ci, le petit recueil de nouvelles d'
Hubert Haddad intitulé -
Vent printanier -.
Vent printanier était le nom de code donné par les instigateurs du crime.
Ce petit recueil se compose de quatre petites nouvelles ayant pour point commun la Rafle... et un enfant...
Elles ont été écrites par un écrivain poète et il est plus qu'évident après lecture de dire que j'ai lu quatre nouvelles bouleversantes rapportées par une plume éminemment poétique.
Quelques exemples pour illustrer mon propos.
" le parfum des lilas ouvrait des perspectives dans la mémoire. Il avait vécu en des lieux semblables, avant la guerre, avant l'hiver du temps. Depuis lors, même en plein été, il n'avait plus cessé de grelotter. Il claquait des dents au grand soleil, incapable de se défendre des brumes glacées d'autrefois."
Je ne sais pas vous... mais moi, ça me file la chair de poule !
Une expulsion d'un camp tzigane par la police... de nos jours...
" Michaï jeta un coup d'oeil sur l'esplanade abandonnée. Un feu éteint entre quatre pierres, des chaussettes accrochées à un fil, un bidon d'eau, des baguettes de pain détrempées... L'expulsion avait dû être expéditive. C'était presque toujours ainsi : les autorités locales chassaient les descendants des martyrs pour honorer ceux-ci en paix."
Ça ne vous rappelle rien ?...
La Rafle.
" Son père criait vers elles ; il leur disait : " N'ayez pas peur !"
Boulevard de Ménilmontant et dans l'ensemble du quartier, comme partout en France occupée, ceux de Pologne, de Roumanie ou du diable Vauvert furent arrêtés, parqués, convoyés, les Juifs à accent, les artisans, les femmes enceintes, les vieillards. Les portières des fourgons claquèrent dans un bruit sec, irrévocable, sur toute une vie de bonheur inquiet.
C'était fini, il ne devait jamais les revoir, ni son père ni sa mère. Et ses soeurs filiformes ne cesseraient plus de s'éloigner dans son souvenir comme les lignes d'arbres d'une route à l'horizon.
Seul, il avait échappé à la rafle du Vel d'Hiv, grâce à un peu de sable ramassé avant l'aube pour la litière du matou qui l'avait vu naître.
Le chat de la maison s'était enfui.
Ses soeurs et sa mère n'avaient désormais pas plus de réalité que les nuages. Soixante-sept années s'étaient écoulées.
Il entendait toujours son père leur crier " N'ayez pas peur !"
Bouleversant !
Et enfin ces mots qui disent tout.
" Après cela, comment garder mémoire de ce qu'aucun humain n'a connu, en aucun monde ?"
Des mots qui transpercent tous les pores de ma chair.
Ces quatre nouvelles s'intitulent Meranda ou le devoir de mémoire,
Vent printanier, La nuit du fou, Chasse aux lièvres.
Toutes les quatre sont denses et riches d'émotion(s), écrites dans une langue à l'esthétique douloureusement sublime.
J'ai beaucoup aimé ce petit recueil que je recommande vivement.
https://www.youtube.com/watch?v=DdQJ7oMJ2tw&t=4s