Sirènes de légendes part déjà avec l'atout d'une couverture très réussie, où la graphiste
Mathilde BONNET a su mettre en valeur la magnifique sirène au regard dédaigneux de
Laura PEREZ, avec un titre où le "S" souligne les boucles de cheveux et un "N" suivant le bras... de plus, les inclusions dorées ressortent très bien sur le rendu mat et doux de la couverture. Ca promet!
Et le contenu ne déçoit pas : le livre est découpé en 10 chapitres de 4 pages, chacun consacré à une (ou plusieurs, comme dans le cas des sirènes d'Ulysse) sirène. Deux pages de texte, deux page d'illustrations... pleine page, eh oui. Les teintes sourdes (bleus, verts, gris, parfois réchauffés d'un peu d'ocre rouge ou jaune) des créatures languides de
Laura PEREZ nous plongent dans un univers plutôt raffiné, à mille lieues des couleurs chatoyantes voire flashy qu'on associe d'ordinaire aux sirènes, surtout dans l'édition jeunesse!
Si les plus célèbres des sirènes figurent bien dans cet ouvrage - Les sirènes d'Ulysse, Mélusine, Lorelaï, la petite sirène d'Andersen - d'autres moins connues ont droit à leur chapitre : Sedna l'Inuite, Iara la Brésilienne, la Jiaoren chinoise, Mami wata l'Africaine, la Ningyo japonaise... et on a même droit, pour clore le livre, au chapitre sur les hommes-sirènes des Hébrides (archipel du nord-ouest de l'Ecosse)! Donc les messieurs ne sont pas oubliés.
La gamme réduite des teintes utilisées par
Laura PEREZ donne une belle homogénéité graphique, mais les dessins sont suffisamment diversifiés pour qu'on ne s'ennuie pas: les sirènes sont parfois dessinées en pied - si je puis dire! - parfois en gros plan. Et toustes ont leur identité, correspondant bien à ce qu'on peut attendre de la culture qui leur a donné naissance, tout en portant l'empreinte de l'illustratrice.
L'écriture aussi est variée, souvent la narration est à la troisième personne, parfois à la première personne... On alterne aussi chapitres juste descriptifs, avec d'autres où des dialogues donnent plus de chair aux personnages. Et drames comme fins heureuses ont chacun leur part : si certaines histoires peuvent être empreintes de cruauté, comme pour la malheureuse Iara, celle de Jiaoren est bien plus tendre par exemple (mais moins riche d'aventure!).
J'ai été surprise par les choix des auteurices pour certaines sirènes: unetelle, souvent présentée ailleurs comme une simple victime, devient plus ou moins responsable de sa situation, alors qu'une autre, divinité ambivalente dont les maléfices sont d'ordinaire plus craints que ses dons ne sont réclamés, est ici une figure extrêmement bénéfique.
Elles sont toutes belles et fortes, antagonistes ou alliées des humains, tragiques ou douces, parfois les deux sur la même page! L'écriture de
Rémi GIORDANO et
Olivia GODAT est évocatrice, et si les chapitres peuvent paraître courts, c'est sans doute pour mieux laisser de l'espace à la rêverie, ou l'envie d'en savoir plus par soi-même... J'ai apprécié de découvrir les légendes de Iara ou Jiaoren que je ne connaissais pas.
Je regrette l'absence de sommaire, c'est dommage cependant le livre est suffisamment court - 48 pages - pour que ça ne soit pas un gros handicap. Il n'est pas non plus précisé sur la page de garde qui a écrit, qui a dessiné... Je n'aime pas quand les infos manquent! Enfin, justement je l'ai trouvé un peu court, mais ça, c'est peut-être mon côté boulimique de lecture ^^;;;
Bien que ce livre soit affiché comme album jeunesse, à partir de 6-8 ans (selon la délicatesse et le côté soigneux de l'enfant!), il jouit de bien des qualités: valorisés par une mise en page classique, sobre et élégante, ses dessins raffinés et son écriture subtile vaincraient les réticences du plus snob des adultes... Une édition à couverture entoilée me semblerait un écrin totalement approprié pour cet ouvrage! Je le classe dans les indispensables sirénologiques.