Guy Delisle aime à nous faire partager de temps en temps ses chroniques exotiques, immersion tel un Candide bédéiste dans des pays où la narration d'un quotidien presque ordinaire est prétexte à dévoiler l'envers du décor de ces pays.
Chroniques birmanes n'échappe pas à la règle.
La femme du narrateur, Nadège, ici se prépare à une mission auprès de Médecins sans Frontières, entraînant son compagnon et leur enfant, Louis, encore nourrisson.
Le narrateur se réjouit par avance de partir pour la destination tant rêvée du Guatemala. On peut le comprendre. Mais au dernier moment, cette destination est jugée trop dangereuse. Ce sera le Myanmar, plus connu sous le nom de Birmanie.
Nous sommes en 2006, le pays est tenu depuis de nombreuses années par une junte militaire au pouvoir. L'opposante politique à ce régime dictatorial,
Aung San Suu Kyi, est alors assignée à résidence, malgré son prix Nobel de la paix obtenu en 1991.
Nous voici débarquant avec Nadège, Guy, le petit Louis, dans la capitale du Myanmar, Rangoon.
L'étonnement et une forme de candeur ironique sont les procédés narratifs déployés avec efficacité dans ce roman graphique.
Ce sont des planches qui se succèdent au gré de chroniques et anecdotes quotidiennes.
Nous découvrons au fil de ces planches l'absurdité d'un régime totalitaire totalement incohérent, les faits du quotidien qui nous interpellent, nous libres dans nos démocraties que nous décrions tant, ces faits que nous découvrons dans les déambulations du narrateur.
Rien n'est épargné dans ce propos en immersion, ni la dictature de la junte militaire, ni le genou posé par ce peuple qui accepte le joug, ni peut-être le personnel humanitaire qui a tendance à fonctionner souvent dans l'entre-soi...
Les dictatures sont insidieuses, on le découvre lorsqu'on entre dans les méandres, les veines, les chemins où nous amène
Guy Delisle.
Cela commence par l'observation de produits essentiels qui manquent dans les rayons des supermarchés, et puis cela va au-delà... Brusquement, l'électricité manque, il est possible qu'elle ne fonctionne que durant deux ou trois heures dans une seule journée.
Mais, c'est autre chose que découvre aussi Guy, la censure, des journaux découpés, véritables origamis, on en rirait presque si ce n'était pas une dictature...
Et puis tout d'une coup, un message par Internet ne passe pas entre la France et Guy, tout simplement parce qu'un mot-clef jugé « subversif » a été identifié par la censure...
Nous découvrons une dictature au quotidien, la peur, la confiscation de la parole, la méfiance qui règne à l'égard de l'autre...
Jamais
Guy Delisle ne juge ce qu'il voit, son vécu. Il témoigne simplement. C'est ce qui fait la force de ses chroniques.
J'ai été moins fortement ébranlé ici par ce récit que lorsque j'ai lu
Pyongyang.
Pour autant, certaines chroniques disent, sur un ton de dérision, l'effroi d'un quotidien insupportable. On en ressort touché.