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Jean-Pierre Carasso (Traducteur)
EAN : 9782757885703
336 pages
Points (16/07/2020)
4.12/5   147 notes
Résumé :
« J’ai lu ce roman quand j’avais dix-sept ans, et je l’ai adoré. Il parlait intimement à l’adolescent que j’étais. »

François Ozon

« Une vie et une mort en quatre parties cent dix-sept petits morceaux sept semaines et cent dix-neuf repas six rapports circonstanciés et deux coupures de presse avec quelques blagues, deux ou trois devinettes, quelques notes, et un fiasco par-ci, par-là pour faire avancer le récit...
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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C'est un été. 1982 pour la version originale. 1985 pour la version de François Ozon. 2020 pour son visionnage dans la salle obscure. 2021 pour sa lecture. Que de dates estivales pour commencer cette histoire. Et beaucoup de chiffres pour un roman, à commencer par son sous-titre, "Une vie et une mort en quatre parties cent dix-sept petits morceaux six rapports circonstanciés et deux coupures de presse avec quelques blagues deux ou trois devinettes quelques notes et un fiasco par-ci par-là pour faire avancer le récit".

Mais il est question aussi de lettres, de poésie, de souvenirs et de mélancolie. Les mots ont leur place dans l'univers de Hal, seize ans, qui ne sait pas très bien ce qu'il veut faire l'année prochaine. Arrêter le lycée comme le voudrait son père, continuer comme le souhaiteraient sa mère ou son professeur de lettres. Mais d'ailleurs pour faire quoi...

Entrée en scène de Barry. Cet été, une promenade à bord d'un voilier, chavirage et sauvetage, mise à nu et vêtements à sécher, l'intimité d'une mère aimante, bref le début d'une amitié en peu de temps, en une nuit même. Barry et son magasin - de disques. J'imagine, des étalages de 33 tours, du bon vieux rock anglais, Charlie Watts et ses Rolling Stones, Ozzy Osbourne et son Black Sabbath, du vieux punk, de la néo dark wave. Les british ne manquent pas de rock, mais là n'est point le sujet, le roman n'est pas musical, sauf pour l'omniprésence d'Ozzy, il est littéraire, il est mélancolique, du spleen et de l'amour, mais les histoires d'amour finissent... en général...

Cette danse du coucou [premier titre de la traduction française des années quatre-vingt avant son renouveau ozonesque], si chère à Laurel et Hardy, est surtout une ode à l'amitié qui se mue en amour, aux silences incompris, à cette passion de deux êtres qu'un instant de jalousie un jour d'une fin d'été sombrera comme un voilier chahuté par le vent, chavirera par la fougue d'une houle aux abords de la Tamise, par un orage sombre et noir comme les pensées de l'adolescence.

"Celui de nous deux qui mourra le premier, l'autre s'engage à aller danser sur sa tombe."

Et moi, j'aimerai bien aussi te voir danser sur ma tombe. Chanter même, à la manière d'Ozzy pourquoi pas ou pas. Boire une bière sur ma tombe. Pisser dessus aussi si l'envie t'en presse. Et n'hésite pas à gerber également sur la pierre... Voilà comment j'imagine les poussières de ma tombe.
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Un adolescent de seize ans, Henry « Hal » Robinson est accusé d'avoir profané la tombe d'un autre jeune de dix-huit ans, Barry Gorman. le roman va nous apprendre pourquoi il a fait cela. ● Mon parcours de lecture pour ce roman est des plus étranges. Intéressé par l'oeuvre de François Ozon, je suis allé voir son film Eté 85 dès sa sortie. le film m'a un peu déçu, je m'attendais à être davantage replongé dans l'univers de mes vingt ans. Apprenant que le film était l'adaptation d'un roman d'Aidan Chambers (Dance on my Grave, 1982), je me suis précipité sur cet ouvrage dès qu'il fut réédité en français, avec le même titre que le film. Ce n'est qu'en le lisant, arrivé à un bon tiers, que je me suis aperçu que je l'avais déjà lu à sa sortie en traduction française en 1983 sous le titre (grotesque) de la Danse du coucou. La mémoire m'en est revenue lorsque j'ai lu la phrase « il m'a offert un souvenir de Southend ». Cette phrase revient plusieurs fois dans le roman et est un euphémisme pour dire que les deux adolescents couchent ensemble. Il est fort curieux (et sans doute révélateur…) que je n'aie pas du tout reconnu la trame narrative en voyant le film, pour l'essentiel très fidèle au roman, ni en relisant le roman, mais ne me suis rappelé cette première lecture qu'avec cette phrase. ● de plus, je me rappelle maintenant que le roman m'avait fait très forte impression lorsque je l'avais lu à dix-huit ans en 1983 (tout comme à François Ozon), mais sa relecture m'a ennuyé, je n'ai pas trouvé le roman bon du tout. Ses innovations formelles sont puériles et agaçantes : le découpage en morceaux, les « reprises de la séquence »… La voix immature du narrateur ne m'a pas convaincu non plus. On est dans l'univers du roman pour la jeunesse, avec de plus des maladresses qui trahissent l'auteur adulte. le roman aurait peut-être eu plus de force si l'histoire avait été racontée par un narrateur adulte, possédant du recul par rapport à ce qu'il a vécu dans sa jeunesse. ● C'est très curieux comme on peut changer d'avis sur un livre en fonction de l'âge auquel on le lit…
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Dès la première interview de François Ozon présentant son (futur) film, j'ai souhaité découvrir ce fameux roman tiré d'une affaire de 1966, publié en 1982 et que le cinéaste a découvert à l'été de ses dix-sept ans en 1985.

Henry (Hal) vit l'été de ses seize ans, cherche son avenir et poursuit le rêve de rencontrer un jour un ami, un vrai, absolu, de ceux avec lesquels on forme un pacte de sang. Une mésaventure lui fait rencontrer Barry, qui deviendra cet ami et bien davantage. Mais Barry est mort et Hal a été arrêté pour avoir profané sa tombe. Que s'est-il passé ? Comment relier ces deux moments entre eux ?

Ce roman d'une construction originale et créative n'est pas qu'un récit mais bien la quête d'Hal qui, a posteriori, tente de rassembler les pièces d'un puzzle dont il ne connaît pas l'image lui-même. Parce qu'il est adolescent et a vécu cet été comme on vit à cet âge. Tant ou trop et tout à la fois : la relation aux parents, aux professeurs, a son lieu de vie et surtout à soi-même. Et Barry.

Cette histoire est sublime, puissante, passionnée. Mais aussi très prenante, tantôt légère et drôle, tantôt difficile et émouvante. C'est une très belle pierre à l'édifice de la littérature qui s'empare de l'adolescence avec sa fougue, son avidité et en même temps beaucoup de sérieux, offrant ainsi une histoire universelle.

En revanche, l'édition de ce roman est un mystère... Son titre original est parfait : « Dance on my Grave » (Danse sur ma tombe). La première édition française l'avait affreusement baptisé « La danse du coucou » (sans commentaire). Cette nouvelle édition, fort bienvenue grâce au film d'Ozon, donne cependant au livre le titre du film qui s'en inspire mais reste une adaptation (c'est peu compréhensible autrement que pour un motif, hélas, commercial). Or, si le titre d'un roman agit comme une sorte de « filtre » plus ou moins inconscient sur le lecteur (en disposant en lui indices, promesses ou du moins une forme de prisme diffus avant même de découvrir les premières lignes), c'est sans le moindre doute avec « Danse sur ma tombe » à l'esprit qu'il faut pénétrer cette histoire.
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J'attendais impatiemment la sortie du film été 85 qui allait signifier pour moi le retour en salle ! En regardant une interview de François Ozon j'ai découvert qu'à la base il y a un livre … Évidemment je voulais absolument le lire et surprise il est réédité à l'occasion de la sortie du film par point ! Il est annoncé le 16/07 (le film le 14/07) je me dis que je patienterais un peu … SAUF que … SAUF que ce livre été tout simplement introuvable ! Je suis allée deux fois dans ma librairie et rien, en désespoir de cause j'ai fais les supermarchés RIEN, je finis par être tellement désespéré que je regarde amazon et même là : date de livraison 10 août !!! Histoire d'avoir tout tenter je regarde le site de la grosse librairie de Rouen, à 30 km de chez moi et là miracle il est en stock ! On fonce (est ce que je suis ce genre de personne excessive ? Oui totalement), 17H45 on est sur place et on ne trouve rien … On demande à une vendeuse et là le miracle, elle nous tend un exemplaire qui était sur son bureau en me disant : Tenez c'est mon tout dernier je vous le confie … J'aurais pu pleurer si j'étais une personne excessive … OH WAIT !!!! Bon du coup comme c'est pas moi qui conduisais j'ai fais un truc que je ne fais jamais je l'ai entamé direct en montant dans la voiture ! 24H après j'étais devant l'écran d'un cinéma ...

De quoi ça parle ? «J'ai lu ce roman quand j'avais dix-sept ans, et je l'ai adoré. Il parlait intimement à l'adolescent que j'étais. »

François Ozon

« Une vie et une mort en quatre parties cent dix-sept petits morceaux sept semaines et cent dix-neuf repas six rapports circonstanciés et deux coupures de presse avec quelques blagues, deux ou trois devinettes, quelques notes, et un fiasco par-ci, par-là pour faire avancer le récit...
Pour que vous puissiez voir comment je suis devenu ce que je suis... »

Hal nous raconte l'été de ses 16 ans. Son premier amour et cette promesse, inéluctable, qui a tout fait basculer. Un roman d'amour et un hymne à l'adolescence merveilleusement inventif et bouleversant. »
Quelle claque ce livre ! Quel bonheur de lecture ! Je regrette d'être passé à côté pendant toutes ces années, en même temps j'avoue que le titre et la couverture de l'ancienne édition se dispute la place du plus immonde !!!! Aucun des deux n'étaient vendeur … Je ne comprends pas ce qui se passe dans la tête des éditeurs parfois ! Ok la danse du coucou ça fini par s'expliquer mais c'est franchement naze comme titre ! Il aurait vraiment fallu sur ce coup là se contenter de traduire le titre initial à savoir : Danse sur ma tombe !
Bref passons, en 2020 François Ozon en sort une version ciné, les éditions points décident de re donner une chance à ce roman et le sorte sous le titre été 85, avec en guise de couverture la jolie affiche du film c'est parfait !
Ce roman est absolument fabuleux tant dans sa construction et sa narration parfaites qui en font un véritable page turner que par les sujets qu'il aborde et qui nous sont conté avec beaucoup de pudeur, de tendresse et d'espoir !
L'histoire de Hal et Barry est tout simplement magnifique, elle nous emporte dans sa danse endiablée, à 100 à l'heure comme ces 7 semaines de cet été hors du temps que nous raconte Hal !
Ce livre m'a retourné, touché en plein coeur, je me suis régalée, j'ai ri, j'ai pleuré et surtout j'ai adoré !!!! J'ai passé une super journée aux côtés de Barry et Hal et une super soirée aux côtés d'Alex et David ! Et pourtant comme Hal j'en ai pas eu assez, je ne suis pas encore rassasiée ! Je sais que je retrouverais Hal et Barry, Alex et David dans l'avenir parce que même si certains aspects sont un peu triste au final c'est une histoire qui fait du bien !
Aidan Chambers était sacrément en avance sur son temps ! Ce livre est sorti en 82, ça paraît fou ! Sa vision et sa façon si naturel de nous parler de cet amour semble à des années lumières de cette époque et de sa vision et sa représentation de l'homosexualité ! Ce livre aurait dû être bien plus connu, il aurait dû être lu dans les cours de français ou d'anglais au collège / lycée ! Ça aurait dû être une lecture obligatoire … Mais oui ce qui passerait en 2020 ne serait jamais passé en 1980 !
En tous cas si on oubli l'absence de certaines technologies et réseaux sociaux, si on lit ce texte sans connaître l'âge de l'auteur et l 'époque où il l'a écrit on pourrait penser que c'est un roman très récent !
Un livre que je vous conseille, non un livre à LIRE absolument !

Note 10/10 COUP DE COEUR

Petit aparté film, je suis donc allée le voir dans la foulée, François Ozon a certes fait quelques remaniements mais franchement dans son film transparait l'amour qu'il a du livre ! La photographie, les couleurs, les acteurs, les costumes, la musique tout est absolument parfait! le tournage en 16MM donne toute sa crédibilité au film, on pourrait penser que c'est un film d'époque retrouvé au fond d'un grenier ! Bravo tout simplement et merci ! Quelle chance j'ai eu d'être spectatrice !
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Paru en 1983 sous le titre "La danse du coucou", "Été 85" est republié suite à l'élaboration de sa version cinématographique en France.


C'est un roman bâti de manière originale, fragmenté en 117 morceaux, agrémenté de six rapports tenue par mademoiselle Atkins, assistante sociale, avec quelques autres fragments de textes. Pas de chapitres, donc.


Nous suivons "Hal", qui déteste son prénom, Henry, et qui à 16 ans, connait son premier grand amour avec l'énergique et casse-cou Barry Gorman. Hal est en pleine adolescence, ne sait pas comment envisager l'avenir, connait ses premières expériences et de grandes réflexions existentielles. Il passera sept semaines avec Barry, avant que celui-ci décède. Ce n'est pas une divulgation: on le sait dès le début. On sait également que Hal a été surpris en train de danser sur la tombe de son ami/amant/patron et qu'on doit maintenant statuer s'il écopera d'une sentence pour cela. L'assistante sociale Atkins devra donc tenter de comprendre les motivations de Hal dans cette affaire et ce dernier, pour tenter de faire comprendre ce qu'il a vécu, écrit le récit de cet été de 1985, à Southend et ce qui en a résulter. Pour faire simple: ce roman EST ce qu'il a écrit à Atkins.


Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le roman n'est pas centré sur la difficulté des jeunes homosexuels à vivre leur relation, bien qu'on sent une certaine résistance chez le père de Hal et un aveuglement volontaire chez la mère de Barry. On admet l'homosexualité/bisexualité des deux personnages, simplement. Ce roman est surtout centré sur les hauts et bas de l'adolescence, du questionnement identitaire, d'un premier amour passionné, sur une notre humoristique assez charmante. Néanmoins, et l'auteur le notera à la fin du roman: en 1966, les relations gays étaient illégales en Angleterre.


Hal est ce genre de jeune homme intelligent, très introverti, philosophe, peu entreprenant et solitaire, à la recherche de la moitié qui le complètera. À l'inverse, Barry est audacieux, intrépide, extravertie, casse-cou, prêt à essayer à peu près tout et très à l'aise avec son corps. Un duo assez contrasté et aussi très complémentaire. Autour de ce duo gravite également le sympathique et sage Ozzy, prof de Lettres assez clairvoyant, et Kari, norvégienne venue peaufiner son anglais et qui se révèle assez fine psychologue. Ces deux personnages sont des facteurs de résilience importants pour Hal, dans sa construction de soi, mais aussi dans son processus de deuil.


J'ai été touchée par cette histoire, qui porte haut et loin plusieurs aspects de l'adolescence, qui, certes, partent d'un jeune homme, mais dont certains thèmes peuvent trouver écho aussi chez les jeunes filles. "Se chercher"est le plus universel des thèmes pour les ados, car c'est quelque chose que nous traverserons tous, à divers degrés. Premier travail, premier amour, questions d'avenir, études, amis, famille, on a touche à tout et Hal nous en parle avec beaucoup de nuances, parfois drôles, parfois cyniques, parfois profondes.


Bien sur, un des thèmes centraux est le deuil: on sait dès le début que Barry meurt, mais maintenant, comment Hal y survivra t-il? Comment cet évènement majeur et terrible le feront-ils évoluer? Comment s'articulera son processus de deuil? Qu'en apprendra t-il? C'est un des aspects du roman que j'ai particulièrement aimé, au-delà du simple fait qu'il est triste de voir cette dyade improbable ainsi séparée.


L'auteur nous explique, dans les cinq dernières pages, quelques faits autours de ce roman. Il faut savoir que l'histoire de ce jeune homme surprit à danser sur la tombe de son ami est véridique et que l'auteur s'en est inspiré pour imaginer l'état d'esprit de ce jeune homme, au-delà de ses actes. de là part donc le personnage de Hal. Ensuite, il explique que le roman fut amorcé en 1966, période où l'homosexualité était illégale.Terminé en 1982, les relations gays étaient devenues légales entre adultes consentants. le problème? Elles ne l'étaient pas pour les ados de moins de 21 ans. Suite à la parution du livre, qui a fait controverse, l'auteur explique que beaucoup d'ados lui ont écrit . Des ados de tous genres, gays ou non. L'auteur expose quelqu'une de ces lettres qu'il a trouvé émouvantes. Finalement, il relate les divers tentatives de film sur le roman qui ont avorté avant de tomber entre les mains de Francois Ozon, qui a réalisé le film "Été 85" de 2020. Chambers dit avoir été très content du résultat et est heureux de le voir paraitre, quelque 40 ans plus tard.


C'est donc une petite pépite d'or ce roman. Il touche certainement plusieurs cordes nostalgiques en nous, les plus vieux, et pourrait certainement trouver écho chez nos jeunes, même de nos jours. S'il est classé en rayon adulte, je pense qu'il pourrait aussi convenir aux ados, surtout à partir de 15-16 ans.


P.S: Pour les profs qui me lisent: non, il n'y a pas de scènes hautement sexuelles, c'est un roman pudique là-dessus. Hal ne nous livre pas les détails, mais taquine en disant "qu'on aurait surement voulu y être".

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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Hal : Si ça ne vous dit rien de lire des trucs sur la Mort, et si vous n'avez pas envie de lire l'histoire d'un cadavre que j'ai connu quand il était vivant et si vous n'avez pas envie de savoir les choses qui nous sont arrivées, à lui et à moi, avant qu'il devienne un cadavre, ni comment il est devenu un cadavre, vous n'avez qu'à laisser tomber. Sur-le-champ.

Hal : Entrée en scène de Barry Gorman, dix-huit ans et un mois. Pour plus amples détails, voir ci-dessous. C'est lui le futur cadavre. C'est lui. Lui.

Hal : Cette image ne cesse de me revenir à l'esprit. C'était le début ; et le commencement de sa fin à lui.

Hal : Nous sommes ce que nous faisons semblant d'être.

Hal : Comment sait-on en quelques minutes que quelqu'un nous plait ? Pourquoi cela va-t-il si vite avec telle ou telle personne et pas avec les centaines, les milliers d'autres qu'on rencontre en chemin chaque année ? J'y pense beaucoup et je ne suis pas encore parvenu à l'ombre d'un commencement de réponse. Parce que ce n'est pas seulement qu'on aime l'aspect d'un visage ou la forme d'un corps, ce n'est même pas leur manière de vivre, d'agir qui nous est sympathique. C'est quelque chose d'autre, quelque chose sur quoi on n'arrive jamais à mettre le doigt. On sait que ça s'est passé, voilà tout. Et, ce matin-là, ça s'était passé.

Hal : Cette éternité n'était pas faite de minutes, d'heures, de jours, et d'années, mais de gens, de vies humaines, les unes à la suite des autres, dans toutes les directions. Des centaines, des milliers, des millions de vies. Elles ne remplissaient pas seulement le temps en longueur vers le passé et l'avenir, mais aussi en largeur, d'un bord à l'autre du présent. Le temps dans toutes les directions, dans le monde entier, pour toujours, mesuré par des gens.

Hal : Depuis lors, la Mort n'a plus cessé d'être bien réelle, pour moi, présente. Elle a cessé d'être un simple sujet de conversation que les gens évoquent à l'occasion. Et, tous les jours, je me demande à quoi ressemblera le temps quand je serai mort.

Hal : Qu'est-ce que l'on peut ressentir quand on est cadavre ? Bah, quelle importance ? Parce que, précisément, il y a toutes les chances pour qu'il n'y ait personne à l'intérieur d'un cadavre, l'occupant ayant mis les voiles pour le séjour d'où nul occupant jamais ne revient.

Hal : Je n'arrive pas à me décider : préféré-je pourrir sous terre, pour nourrir les vers et engraisser les pissenlits, ou être réduit auxdites cendres et dispersé aux quatre vents.

Barry ( à Hal ) : On a des milliers de balades à faire ensemble.

- Barry : Je n'ai jamais l'impression d'aller vite. L'impression que j'ai, c'est que la vitesse est quelque part, juste devant moi, et que je lui cours après. Elle est toujours à la limite, hors de portée. Alors je roule de plus en plus vite vite pour essayer de l'attraper. Mais la vitesse reste toujours devant moi, toujours à la même distance, ça fait que je n'ai jamais l'impression d'aller vite. Ni même d'accélérer.
- Hal : Qu'est-ce qui arriverait si jamais tu la rattraperais ?
- Barry : J'en rêve de ça. C'est comme être à l'intérieur d'une espèce de bulle invisible, je ne sais pas, ou un champ de force. Et qui pourrait m'emporter n'importe où, absolument n'importe où en une fraction de seconde. C'est bizarre. Je sais que je me déplace mais c'est sans le moindre effort, sans bruit, sans vibration. Rien du tout. C'est une sensation complètement merveilleuse. Je ne voudrais plus rien faire d'autre que d'être à l'intérieur de cette bulle d'énergie. Une fois pour toutes. À jamais.

Barry ( à Hal ) : Qui voudrait être normal ?

Barry ( à Hal ) : Je suis vivant et je n'ai plus mon père avec moi. C'est tout ce qui trouble les gens dans la mort. La brusque absence de gens auxquels ils étaient habitués. Alors que toi, c'est l'idée de la mort qui te défrise, pas vrai ?

Barry ( à Hal ) : Tu sais ce qu'il faut faire de la mort ? Lui rire au nez.

- Barry : Je vais conclure un accord, avec toi, un pacte. Celui de nous deux qui mourra le premier, l'autre s'engage à aller danser sur sa tombe. Tu me le promets, si je meurs le premier, tu danseras sur ma tombe.
- Hal : C'est promis. Pour toi. Et sans autre raison.

Hal : À quoi bon discuter plus longtemps ? C'était quelque chose qu'il voulait de moi. Pourquoi refuser ? Ne venait-il pas de m'offrir ce que je voulais de lui ? Voilà qu'il voulait un serment ridicule. Une promesse que je n'aurais très vraisemblablement jamais à tenir. À cet instant, il n'était au monde rien que je n'eusse fait pour lui.

Hal : Du début jusqu'à la fin, il y a eu sept semaines. Quarante-neuf jours entre moi dans les algues et lui mort. Lui devenu ça. Mille cent soixante-heures. Soixante-dix mille cinq cent soixante minutes. Quatre millions deux cent trente-toi mille six cents secondes. Et pendant tout ce temps, et pendant une bonne part le temps qui s'est écoulé depuis, je je me suis demandé : Pourquoi Barry ? Pourquoi lui et pas Spike, par exemple ? Ça ne peut pas être seulement parce que j'aimais son allure. Ça ne peut pas avoir été seulement physique. Seulement sexuel. Si ? C'est possible ?

Hal : Peut-être que je l'aimais d'amour. Je croyais l'aimer. Je l'aimais autant que je croyais connaître le sens du mot. Comment arrive-t-on à savoir ? Toujours j'avais cru que je saurais l'instant où cela arriverait. Un savoir immédiat, instantané. Sans à réfléchir. Mais tout ce que je savais sans l'ombre d'un doute, c'est que je ne parviens pas à me rassasier de lui. Je voulais passer tout mon temps, chaque seconde de mon temps, avec lui. Et pourtant, quand j'étais avec lui, cela ne me suffisait pas non plus. Je voulais le regarder, je voulais le toucher, je voulais qu'il me touche, je voulais l'entendre parler et je voulais que nous fassions des choses ensemble. Tout le temps. Jour et nuit. Pendant quatre millions deux cent trente-trois mille six cents secondes.

Hal : Le temps passait comme un rêve. Sauf le temps de la séparation, qui, lui semblait interminable. Tant que nous étions ensemble, le temps n'avait pas d'importance. Ce que nous faisions n'avait pas d'importance. Ce que nous faisions, nous le faisions pour être ensemble, il n'y avait aucune obligation. Ou plutôt, il n'y en avait qu'une : que nous soyons ensemble tous les deux. Croyais-je.

Hal : Ce ne serait pas aussi grave si j'avais une photo de lui. Mais nous n'en avons jamais pris une seule. Nous n'avons jamais pensé en avoir un jour besoin, nous étions toujours ensemble, alors pourquoi s'en faire ?

Hal : J'avais toujours ce sentiment qu'il n'obtenait jamais ce qu'il cherchait. Que je le décevais.

Hal : Ce qui en fit de Grands Moments, c'était d'être Ensemble. Rien de plus. La présence physique. Le langage du corps et de l'esprit. Mais le commencement de la fin ne fut pas un Grand Moment. Ce fut trivial. Banal. Se peut-il qu'il ne se passât vraiment rien de plus ? En oublierais-je les morceaux les plus importants ? On dit que la mémoire est capable d'expulser le souvenir des expériences pénibles, tout comme elle sait enregistrer jusqu'au moindre détail des Grands Moments. Et ça doit être vrai, parce que, autrement, nous aurions tous des souvenirs de moments terrifiants, pas vrai ? Ne serait-ce que celui de notre naissance. Et puis, quand tout est fini, gardons-nous le souvenirs de la mort ?

Hal : J'ignore quand j'avais pris cette décision. Sur le moment, j'imagine. En tous cas, c'était dit. Et, sitôt dit, je sus que j'avais parlé sérieusement. Alors se produisit le calme avant la tempête. Cris étouffés dans la savane. Profond silence. Les yeux dans les yeux, dans l'attente : dernier regard contemplatif qui dit "cela ne devrait pas être, mais cela sera". La fin de quelque chose. C'est, ce fut, le plus triste moment de tous.

Barry ( à Hal ) : On s'est bien marré, je ne dis pas. On a eu des moments très chouettes. Mais j'aime le changement. Je veux connaître autant de trucs différents que possible, autant de personnes déférentes que possible. Une, ce n'est pas assez. Pas pour moi.

Barry ( à Hal ) : Ce n'est pas ce que nous faisons ensemble qui t'importe. C'est moi. C'est moi que tu veux. Moi, tout entier, et pour toi tout seul. Et ça, c'est trop lourd pour moi, Hal. Je ne veux pas appartenir à quelqu'un, je ne veux pas être vampirisé. Par personne. Jamais.

Hal : Dans ma tête, à ce moment-là et depuis lors, un cri a résonné, celui de Barry criant mon nom dans mon dos : "Hal ! Hal !" tandis que je zigzaguais parmi la circulation de la matinée. M'a-t-il vraiment appelé ? Ou si ce fut la voix de son fantôme évoqué par mon regret ? Je n'ai pas su, je ne sais pas, je ne s'aurai pas. Jamais.

Hal : Je ne peux pas bouger. Mes muscles ne sont qu'une crampe. Mes articulations ont fondu. Je ne puis détacher les yeux de cette tête, sa tête, la tête de Barry, posée à plat sur le plateau de métal. Mystérieusement silencieuse et gravement immobile. Cette image s'est gravée à jamais en moi.

Hal : Je regarde de tous mes yeux. Je ne suis que souhait. Je souhaite que le corps se mette à bouger, que les yeux s'ouvrent, que la bouche parle, que les mains se tendent et caressent. Je souhaite que ce corps redevienne lui de nouveau.

Hal : Du haut de cette falaise, ma vie, je regarde le rivage de sa mort et j'éprouve dans les tripes le besoin de plonger à travers l'espace qui nous sépare pour le rejoindre. Affronter la Mort dans la mort. Pénétrer avec lui dans cette éternité. Devenir en cessant d'être. Le joindre dans l'à-jamais.

Hal : La douleur palpitait dans ma tête à chaque pas. Mais je tirais un certain soulagement de l'idée que j'étais en train de tenir ma promesse. Ma respiration s'en trouvait facilitée et l'air frais de la nuit sur mon front produisait aussi un effet apaisant.

Hal : Est-ce que je cherche à creuser pour l'atteindre ? Comme si je tendais les mains vers lui ? L'un ou l'autre ou les deux à la fois. Je ne savais pas. Je n'étais pas alors en état de penser. Mon esprit était aussi aveugle que mes yeux brouillés de larmes.
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Je m'agitai malaisément sur ma chaise.
- J'envisage de rester au lycée l'an prochain.
Un tressaillement de sourcil m'apprit que, là, je venais bel et bien de la prendre par surprise.
- J'imagine que je suis censée m'en réjouir, dit-elle. Et pour faire quoi ?
- Lettres.
- Lettres ! Mais qu'est-ce qui peut bien vous avoir mis pareille sottise en tête, mon garçon ?
Piqué (nouvelle erreur, il faut toujours conserver son sang-froid), je rétorquai d'un ton acide :
- C'est quelqu'un, figurez-vous, mademoiselle, pas quelque chose. M. Osborn, en fait.
- Ça ne m'étonne pas, dit-elle, tandis que les coins de son sourire s'orientaient nettement à la baisse. Et puis-je vous demander s'il existe quelque profond secret que vous ne m'auriez pas révélé et qui expliquerait l'intérêt que les lettres anglaises présenteraient pour votre avenir ? A moins que vous soyez brusquement saisi par le démon de la poésie ?
- Ça m'intéresse.
- Moi aussi, figurez-vous, mais ça ne me parait pas une raison suffisante pour risquer votre avenir là-dessus. Vous feriez mieux de faire quelque chose d'utile.
- Vous trouvez que la littérature n'est pas utile, mademoiselle ?
- Tout juste. Pas comme la physique, la chimie, les mathématiques ou la médecine. Le monde a besoin de gens qualifiés dans ces domaines. Les poètes, il peut s'en passer.
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Il n'est rien de tel, je l'ai découvert cette nuit-là, que la compagnie d'un ivrogne incontinent quand on n'a pas bu soi-même, pour saisir l'extrême fragilité de l'infime coquille d'amour-propre et de respect humain dont nous nous entourons.
Je me mis à me remémorer, pour me réconforter moi-même, les graffiti que j'avais relevés dans les chiottes les plus intelligentes de la ville :

LA RÉALITÉ EST UNE ILLUSION PRODUITE PAR LE MANQUE D'ALCOOL

JE BOIS DONC JE SUIS. J'AI BU DONC J'AI ÉTÉ

Y A-T-IL UNE VIE AVANT LA MORT ?

Je tire beaucoup de courage et de réconfort de ce dernier souvenir...
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J'étais broyé, haché, émincé, moulu, réduit en charpie, en poudre, mortifié.
C'est le mot : "mortifié".
Du latin 'mors', la mort, et 'facere', faire (au cas où vous l'auriez oublié), d'où le latin d'église 'mortificare' : mettre à mort. 1° Faire cruellement souffrir (qqn) dans son amour-propre, blesser, froisser, humilier. 2° Faire mourir (un tissu) en le décomposant. 'La gangrène mortifie les chairs'. (J'ai consulté mon dico).
Quelle merveille, le langage ! Tout ça en un seul mot ! Et qui pourtant ne vous dis rien.
J'avais mis à mort et j'étais mis à mort. Mais il n'existe pas de moyen de vous dire la décomposition des tissus de mon moi, ni la gangrène qui mortifiait mes rêves d'amitié de cœur.
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Mais ce matin, en me levant, j'ai relu tout ce que j'avais écrit jusqu'ici et, en particulier, ce que j'ai écrit hier (...) et j'ai compris tout de suite : c'est impossible. Les mots ne collent pas. Ils NE COLLENT PAS, c'est tout. Ils ne disent pas ce que je veux leur faire dire. Ils mentent. Ils cachent la vérité. Je lis les mots et je sens - OUI, JE SENS - ce qu'ils devraient dire et qu'ils ne disent pas. Le sens qui reste caché derrière eux. Ils sont comme des briques. Ils forment un mur. Un mur qui cache à la vue ce qui se passe derrière lui. On entend des bruits étouffés, provenant de derrière le mur, mais on n'arrive pas tout à fait, jamais tout à fait, à leur donner un sens cohérent. Ce pourrait être des bruits de quelqu'un qu'on assassine, ou d'un enfant qui joue, ou d'un couple qui fait l'amour, ou encore de quelqu'un qui fait semblant pour vous faire croire qu'il se passe autre chose que ce qui est en train de se passer.
J'ai failli tout déchirer, toutes ces pages-là. Je suis resté une heure à me répéter que j'étais un imbécile.
Et puis il m'est venu une idée : tout ça se ramène à une chose et une seule : je ne me comprends pas moi-même. Et, moi-même, je n'y comprends rien. C'est pour cela que les mots ne disent pas ce que je voudrais leur faire dire.
(...)
Dans ces conditions, comment pourrais-je espérer vous faire comprendre, à vous ? Je croyais au début qu'en mettant tout sur le papier, exactement comme c'était arrivé, en racontant le plus de choses possible, je parviendrais peut-être à comprendre au moment où j'expliquerais. Mais ça ne marche pas. Je n'arrive pas à en écrire assez. Il y a toujours plus. Et même ce qui est écrit n'est pas suffisant, n'explique rien, en fait, rien du tout. Et donc, plus je poursuis, plus il devient difficile de comprendre quoi que ce soit.
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