tout d'abord je remercie vivement Masse critique et les éditions Stock qui m'ont permis de découvrir ce roman dont la critique m'a posé quelques problèmes.
Nous sommes en 1954, à Paris. Au petit matin,
Cocteau voit passer près de lui deux silhouettes qui ne le reconnaissent pas. Il trouve le garçon amusant avec sa coupe à la Jeanne d'arc « on dirait un page, tout droit sorti d'une enluminure ». Des éclats de rire éclatent et il comprend que le page est une fille. C'est Françoise qui tient par la main son amie Florence
Malraux.
C'est par cette scène, sortie de l'imagination de l'auteur que commence le roman. On va découvrir ainsi toute l'histoire du premier roman de
Françoise Sagan : «
Bonjour tristesse ».
Françoise a dix-sept ans quand elle écrit ce premier roman, en six semaines, pour épater son père ingénieur qu'elle vénère alors que sa mère est plutôt en retrait.
On assiste à toutes ses démarches : le manuscrit qu'elle a tapé à la machine pour que ce soit plus propre, en notant ses coordonnées, sa date de naissance et son numéro de téléphone (peu de gens ont le téléphone à cette époque, elle pense que cela peut être un atout en sa faveur). Puis la présentation aux éditeurs : elle en a choisi trois et va remettre son manuscrit directement à la maison d'édition chaque fois et attend sagement les réponses.
Pour tromper l'ennui de l'attente, son amie Véronique l'emmène chez une voyante ce qui n'est pas anodin ; un an plus tôt Françoise en déjà consulté une qui lui a prédit qu'elle écrirait une grand livre qui traverserait l'Atlantique et c'est pour cela qu'elle a ressorti de ses tiroirs quelques pages qu'elle avait écrites car elle a toujours voulu
écrire.
On va suivre Françoise dans ses rencontres avec l'éditeur, le contrat, l'argent qui lui sera versé en liquide, car étant mineure, elle n'a pas de carnet de chèque, le choix du pseudonyme, la parution, etc.etc que je vous laisse découvrir.
Ce que j'en pense :
Anne BEREST nous raconte toute histoire de la publication de «
Bonjour tristesse » en 1954 et retrace la vie de Françoise durant cette année-là, en fonction d'une part des biographies et des articles qu'elle a lus et aussi par la rencontre de personnes qui ont compté dans sa vie. Elle nous cite beaucoup de choses qui n'ont pas forcément eu lieu en 1954, donc elle déborde des limites qu'elle s'était fixées mais c'est pour notre plus grand plaisir.
C'est à la demande du fils de Françoise, Denis Nesthoff, que l'auteur va
écrire ce livre, car celui-ci voudrait qu'on parle d'elle car cela fera bientôt dix ans qu'elle est morte.
Anne Berest invente la fameuse scène où
Françoise Sagan et Florence
Malraux croisent le chemin de
Cocteau, pour planter le décor. Elle se met dans les pas de Françoise, elle imagine comment est sa chambre à partir d'une photo que lui a donné Denis), les tableaux qui sont accrochés aux murs, les livres, les disques. Ensuite elle reconstitue à partir de toutes les biographies, articles de journaux ce qu'a pu être cette année 1954, jour après jour, semaine après semaine de la naissance du livre au prix littéraire et au succès international. Mais, ce ne sera pas une biographie de plus mais l'histoire d'un livre dont l'auteur fait elle-même partie.
A priori, l'idée est intéressante, mais l'auteure a tendance à en faire trop : elle va voir une voyante pour lui demander si son livre aura du succès, comme l'avait fait Françoise et bien sûr, cette voyante va être extraordinaire, découvrant que le livre traite de Françoise. C'est peut-être vrai mais cela suscite un malaise.
L'auteure tente également un parallèle avec
Brigitte Bardot : elles ont été adulées puis détestées toutes les deux égocentriques, mais selon elle, on a pardonné à Brigitte car elle s'est occupée de la cause animale plus tard alors que Françoise ne s'est pas rachetée en somme.
De même, elle fait référence à Colette, à
Marguerite Duras (qui a un comportement méprisant envers Françoise lors d'un dîner organisé chez elle). A travers ces femmes qui ont marqué la société,
Anne Berest essaie-t-elle de se faire une petite place ?
Elle décrit bien le rôle des femmes à l'époque (mères au foyer alors qu'elles avaient joué un rôle important dans la Résistance), le milieu de l'édition, la misogynie navrante de René Julliard, l'éditeur « une jeune fille de dix-huit ans ne peut pas écrire un tel livre », donc il faut aller voir quel homme adulte se cache derrière ce pseudonyme.
Elle raconte aussi les relations de Françoise avec ses parents, son frère, sa belle amitié avec Florence et l'importance des Malraux, héroïques pendant la Résistance et simples dans leur mode de vie, alors que le milieu que Françoise et sa famille fréquente est hors du commun, extravagant, avec un esprit très ouvert mais parfois inconscients, ils la laissent traîner dans les rues à quatorze ans. « L'argent, à ton âge, il faut s'efforcer de le dépenser » ce qui explique sa relation future avec l'argent qui lui brûle les doigts : elle le distribue, le perd au jeu.
L'auteure parle aussi de l'altruisme dont Françoise fait preuve lors de l'appel de l'abbé Pierre, elle ouvre ses placards et donnent des vêtements qu'elle vient d'acheter.
Le passage où elle explique que l'idée du titre du livre « Bonjour tristesse » vient d'un poème d'Eluard et nous livre une splendide réflexion sur le choix de son pseudonyme «prendre un autre nom, c'est se marier. Pas avec un homme, mais avec une femme, car elle se sent épouser la littérature » P 87 et elle le trouve grâce à Proust qu'elle a lu très jeune : le prince de Sagan.
En même temps, elle entre dans l'histoire qu'elle nous raconte, en parlant de son propre livre, et des ses angoisses car elle vient de vivre une séparation difficile et son moral n'est pas au beau fixe, loin de là. L'écriture de ce livre lui sert de thérapie en fait, elle met ses pas dans ceux de Françoise, copie certaines de ses actions : la voyante, la virée nocturne, l'aventure d'un soir avec un homme plus jeune qu'elle, le pèlerinage à Saint-Tropez qu'elle ne reconnait pas (les années ont passé), comme si en se calquant sur Françoise, elle allait elle-aussi écrire un grand livre.
Françoise qui n'avait peur de rien (phrase qui revient plusieurs fois dans le livre) lui insuffle la force qui lui manque. Anne Berest admire le côté libre de Françoise, la façon dont elle fait la fête : alcool, cigarettes, belles voitures, vitesse, liberté sexuelle… tout cela la fascine. On ne sait pas bien si c'est du mimétisme (comme de Niro quand il travaille son personnage pour taxi driver en roulant dans la ville au volant d'un taxi ou si c'est un processus d'identification.
L'auteure se réinvente une vie en racontant celle de Françoise. Elle voulait mêler roman, biographie et autofiction comme dit en 4e de couverture mais seuls sont intéressants les passages où elle parle de Françoise et de la genèse du livre. Il y a de jolies phrases, certes, mais on ne sait pas toujours si elles sont de son crû ou proviennent d'une autre biographie.
Comme vous l'aurez compris j'ai aimé ce livre mais !!!!! il y a un mais.
Si son but était de nous faire relire «
Bonjour tristesse », elle a réussi, mais je m'attendais à plus puisqu'on parle de roman. Tout ce qui concerne la vie de Françoise est très intéressant et la société de l'époque. 1954 est l'année de la sortie du premier livre d'une toute jeune femme puisqu'elle a à peine dix huit ans, livre qui aura un succès planétaire et sera récompensé par un prix.
Je pensais qu'elle exploiterait plus ce côté-là, car elle me parait bien pâlotte face à Françoise. Pense-t-elle qu'en se coulant ainsi dans le personnage de
Sagan que sa vie triste (elle vient de subir une séparation et ne sait plus bien où elle en est) va changer par magie ?
Quoi qu'il en soit, elle m'a donné envie de relire«
Bonjour tristesse » encore une fois et surtout lire d'autres biographies d'elle : celle de son fils, Denis Nesthoff, en particulier : «
Sagan et fils » et relire aussi «
Avec mon meilleur souvenir » et découvrir «
Des bleus à l'âme ». Donc, je lui donne un note assez bonne, est-ce Anne qui a cette note ou l'ombre de
Sagan ?
Note : 7/10
pour tout savoir: cf. mon blog
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