J'ai eu beaucoup de mal avec ce livre. Les points positifs, ce sont les thèmes abordés et le procès principal de l'histoire, celui de Laura victime de violences conjugales et qui a tué son mari. J'y ai trouvé ce pour quoi je voulais lire ce roman, les plaidoiries, les témoins, les questionnements et l'émotion que ce type de situation suscite. Mais c'est un moment très court du roman. D'autres affaires sont abordées bien plus vite, trop vite et parfois pas reprises ensuite.
Ce qui m'a vraiment gênée [attention risque de SPOIL]:
- la romance : Diane tombe amoureuse du type méchant avec tout le monde sauf avec elle, le cliché du genre. Elle se dit attirée par son arrogance ! mais comme il est très intelligent et intellectuel, ça devient M. Darcy !! Je n'ai pas du tout aimé leur relation, leurs discussions ni leur attitude l'un envers l'autre dans les affaires.
- tout est très intellectualisé, la moindre description de bâtiment donne lieu à une leçon. Certes, on sent un grand attachement aux lieux, le Touquet, Boulogne sur mer, mais ça fait trop souvenirs d'enfance enjolivés. Diane est une rêveuse et tout donne lieu à des réflexions, à des questionnements, à des références, tout est analysé. Qui pense toujours comme ça ? Qui s'exprime comme ça ?
- pareil pour les personnages : leur vie entière est trop facilement analysée, tout est linéaire, psychologiquement clair, de leur enfance au jour qui leur vaut leur procès. Alors oui il y a des schémas qu'on retrouve bien sûr chez les femmes maltraitées et les hommes qui harcèlent ou manipulent, les prédateurs qui cherchent une proie, mais là tout est rapporté tout simplement, comme si ça sautait aux yeux alors que tout est sûrement plus compliqué et moins saisissable psychologiquement. En plus parfois la vie des gens est rapportée avec un petit côté populiste, du type ces pauvres gens un peu frustres mais aux plaisirs simples, ou qui triment mais qui sont tellement méritants...
Bref beaucoup d'éléments pour moi insupportables alors que d'habitude j'aime les romans judiciaires avec des personnages d'avocat ou de juge d'instruction au centre du récit.
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« Jeanne retourna s’asseoir en prenant au passage la poupée qui était sur l’étagère. Après quatre auditions, elle savait ce qui l’attendait. La figurine était le témoin de son effraction corporelle. D’abord la déshabiller puis la caresser, la toucher, au niveau des cuisses, de la poitrine, en terminant par les fesses et le sexe. Son beau-père suivait toujours le même rituel dès que sa mère était absente. Jeanne mimait les gestes presque mécaniquement. Sa mémoire corporelle était intacte tandis que son cerveau semblait ailleurs. »
(Les premières pages du livre)
Jeanne patientait sur une chaise, ses pieds ne touchaient pas le sol. Elle semblait si petite dans ce couloir interminable. Tout était sombre, sauf elle. Elle avait mis une robe en jean, des baskets neuves et un nœud rouge pour attacher sa queue-de-cheval blonde. Elle paraissait prête et déterminée au milieu de ce dédale du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer.
Un enchevêtrement de chemins, de recoins, dans lesquels se côtoient victimes, coupables et auxiliaires de justice. La lumière y est artificielle, l’angoisse réelle et le brouhaha permanent. On y court, on y attend, on craint autant que l’on espère. Même si parfois l’air est difficilement respirable. Une cohabitation bruyante, surprenante, normée, où chacun a sa place, son rôle, son temps d’audience.
Ce jour-là, dans le couloir de l’instruction, devant le cabinet 2, on pouvait apercevoir une succession de chaises vides puis cette petite fille aux yeux marron qui serrait son doudou contre son cœur. Elle emplissait tout l’espace par sa présence. Jeanne était ce paradoxe de la jeunesse et de la maturité. Face à elle, Sandra, sa maman, s’agitait, tournait en rond, froissant nerveusement la convocation qu’elle tenait dans sa main. Ce 1er septembre 2016, c’était le jour de leur audition devant M. Deiss, juge d’instruction en charge du pôle des mineurs.
Jeanne avait tenu à prendre son cartable, elle voulait se rendre à l’école dès sa sortie du tribunal. Elle aurait préféré faire sa rentrée comme tout le monde, à 9 heures, avec ses amies et le mot d’accueil du directeur. D’autant que c’était sa dernière année en primaire. Mais depuis un an, la vie de Jeanne n’était plus tout à fait normale.
C’est de cela qu’elle devait parler ce matin alors qu’elle aurait aimé se taire. La petite fille joyeuse et bavarde aurait souhaité qu’on arrête de la questionner. Ou alors qu’on l’interroge sur son chien, ses copines, les menus de la cantine, mais pas sur ça. Ça, comme elle l’appelait, c’était le viol qu’elle avait subi par son beau-père quand elle avait huit ans.
« Maman, quand est-ce qu’elle arrive ? On en a pour longtemps ?
– On parle de moi ? Je te manquais déjà, Jeanne ? rétorqua une jeune femme souriante.
– Si vous saviez, elle n’arrête pas de vous réclamer depuis ce matin, maître Delaurel. Elle est très énervée parce que c’est la rentrée.
– Ah oui, j’avais oublié ! »
Diane Delaurel sortit de sa sacoche en cuir sa robe d’avocat.
« Comme d’habitude, à toi puis à moi ? »
Jeanne sauta de sa chaise avec un hochement de tête satisfait. Elle enfila la robe, fit quelques pas dans le couloir, puis défia sa mère et Diane en tendant un bras vers elles.
« C’est moi, maître Jeanne.
– Alors dites-moi, maître, vous avez une stratégie pour notre rencontre de ce matin avec M. Deiss ? lui demanda Diane.
– Garder le silence. »
Tout était dit. Jeanne était toujours ainsi, déconcertante de vérité.
« J’entends, maître, mais permettez-moi de vous proposer autre chose. Pour cela, accepteriez-vous de vous approcher ? »
Intriguée, Jeanne s’avança vers son avocate qui lui tendit un petit paquet dont elle s’empressa de déchirer le papier cadeau. Elle découvrit un carnet de notes, une trousse et un joli stylo plume gravé à ses initiales.
« Ouah, vous n’aviez pas oublié du tout !
– Que c’est la rentrée. Que j’accompagne la petite fille la plus incroyable que je connaisse et qu’elle mérite bien un cadeau pour cette nouvelle année scolaire ? Ou que tu dois me rendre ma robe ? Non, je n’ai pas oublié. »
Jeanne fit un dernier pas de danse avant de rendre à Diane son armure.
« Ce stylo et ce carnet, c’est pour te permettre d’écrire et dessiner ce que tu veux et de me le montrer ou non. Notre aventure continue, avec cette audition et, dans quelques mois, le procès aux assises. Sans doute auras-tu des questions, de la colère, de la tristesse, ou peut-être voudras-tu juste faire une BD de toi et moi ?
– Ça me plairait bien, ça, mais je vais réfléchir.
– En attendant, ce matin, j’ai besoin de toi maître Jeanne pour m’assister. Il faut que tu répondes une dernière fois à M. Deiss pour qu’il puisse terminer son rapport afin d’aider les juges aux assises. En es-tu d’accord ?
– Je vais essayer. »
M. Deiss, qui avait suivi la scène à l’autre bout du couloir, s’était bien gardé de se montrer ou d’intervenir. Cet homme de loi, proche de la retraite, à la patience infinie et l’écoute attentive, connaissait la difficulté de l’exercice qui attendait la petite. Comment faire parler un enfant de choses dont il devrait tout ignorer à son âge ?
Cet ancien policier, devenu magistrat sur le tard, avait voué sa vie aux mineurs. Il s’était formé auprès de psychologues, se remettait sans cesse en question, se réinventant à chaque affaire pour être en capacité de rendre des instructions cohérentes et objectives pour ses pairs, dans le respect des jeunes victimes.
Il faut dire qu’il œuvrait dans un tribunal hanté par le fantôme de l’affaire Outreau. Ce procès, qui avait eu lieu douze ans plus tôt, mettait en cause dix-sept adultes pour des faits de viols, de corruption de mineurs ou encore de proxénétisme sur douze enfants. Des habitants de Boulogne et des environs dont le bruit des pas retentissait encore dans le couloir de l’instruction. Tout le monde gardait à l’esprit la décision de la cour d’appel de Paris de novembre 2005 qui avait fini par innocenter treize des mis en cause au motif notamment d’une dénonciation mensongère de certains enfants souffrant d’un syndrome d’aliénation parentale. Face à cette débâcle judiciaire, le garde des Sceaux de l’époque, Pascal Clément, ainsi que le président Jacques Chirac avaient même présenté leurs excuses au nom de l’institution judiciaire. Des excuses à qui ? Et pourquoi ? Aux adultes, évidemment, pour avoir été privés injustement de leur liberté. Ceux dont la réputation et la vie sociale avaient été définitivement ruinées sur l’autel médiatique.
Quid des enfants ? Hélas, pas un mot sur ces victimes collatérales du rouleau compresseur de la justice. Ces enfants violés, à la fois victimes et coupables d’un système qui n’avait su ni les entendre ni les protéger.
L’erreur judiciaire avait mis en lumière deux dysfonctionnements majeurs que le tribunal de Boulogne s’efforçait d’oublier et de corriger. D’une part, l’isolement du jeune magistrat, chargé d’enquêter seul sur une importante affaire de pédophilie. Il lui avait été reproché d’avoir instruit contre les accusés et non à charge et à décharge, comme le lui imposait la loi, pour connaître la vérité. À cela, il fallait remédier par la collégialité en assurant aux magistrats instructeurs la possibilité de traiter à plusieurs ce type de dossiers pour permettre à chacun de partager ses doutes, remettre les autres en question, éviter l’erreur. Et surtout repenser la manière dont on recueille la parole des enfants. Des mots qui défilent parfois sous la contrainte, les conflits de loyauté, ou qui reprennent la parole d’un adulte ayant autorité. Comment faire parler et entendre un enfant ?
Avec les années, le juge Deiss n’avait acquis aucune certitude. Il vivait de ses doutes, qui le rendaient humain, sensible et assurément juste. Tous regrettaient son départ prochain à la retraite. Ainsi, dans ce couloir du tribunal de Boulogne-sur-Mer, il était ému par la scène qu’il venait de voir entre Jeanne et son avocate. Cette complicité de cour, ces instants volés et des rires qui, même entre ces murs, pouvaient résonner.
« Bonjour, Jeanne, madame, maître Delaurel. J’ai cru comprendre que j’aurais affaire à deux avocates ce matin, j’ai intérêt à bien me tenir. »
Ils entrèrent dans son bureau.
« Jeanne, tu connais mon poisson presque rouge, Maurice ?
– Oui. Je peux lui donner à manger, comme la dernière fois ?
– OK, et après on commence, ça te va ? »
Jeanne s’approcha du poisson et versa quelques granulés dans l’eau.
« Regardez, maître, il est comme moi, il ne tourne pas tout à fait rond dans son bocal. »
Jeanne retourna s’asseoir en prenant au passage la poupée qui était sur l’étagère. Après quatre auditions, elle savait ce qui l’attendait. La figurine était le témoin de son effraction corporelle. D’abord la déshabiller puis la caresser, la toucher, au niveau des cuisses, de la poitrine, en terminant par les fesses et le sexe. Son beau-père suivait toujours le même rituel dès que sa mère était absente. Jeanne mimait les gestes presque mécaniquement. Sa mémoire corporelle était intacte tandis que son cerveau semblait ailleurs. Il n’y avait plus qu’en ce lieu qu’elle jouait à la poupée. À la maison, elle les avait toutes jetées.
Son avocate la regardait avec admiration autant qu’avec compassion. Elle percevait en elle une résilience et une force dont bien des adultes ne pouvaient se targuer. Une fois l’exercice terminé, les yeux de Jeanne se rallumaient.
« C’est bon, j’ai tout bien fait ? On peut y aller ? »
Jeanne souffrait du « syndrome du premier de la classe ». En présence du juge, ou de son beau-père, elle cherchait toujours à être la meilleure, à faire plaisir aux autres.
« Jeanne, tu sais ici il n’y a pas de notes. Et moi, ce qui me rend heureux, c’est déjà ta présence et que tu acceptes de répondre à mes questions. Tes réponses t’appartiennent et, pour ton âge, tu fais déjà sacrément entendre ta voix. Alors, ce qui compte, c’est ta vérité. Pas celle que l’on a pu te demander de raconter. Pas celle que tu aurais envie de dire pour épargner ta maman, ton beau-père ou le reste de ta famille. Celle que tu ressens, qui est juste, pour nous permettre de faire notre travail. »
Jeanne poussa un léger soupir de soulagement et regarda son avocate.
« De toute façon, je ne connais qu’une seule histoire, la mienne. »
Cette phrase sonna la fin de l’audition et la clôture prochaine de l’instruction.
« Jeanne, si on allait manger un welsh pour fêter ça ? À moins bien sûr que tu préfères aller à la cantine, lui lança Diane.
– Ah oui ! Hein, maman, je peux ? »
Sandra hocha la t
Diane en profita pour lui remettre une trousse de toilette dans laquelle elle avait pris soin de placer quelques produits de beauté.
"Bonne année Laura. J'espère qu'elle vous procurera l'apaisement auquel vous aspirez."
La jeune femme ne dissimula pas son émotion. Elle n'avait pas l'habitude de tant d'égards.
"Je n'essaye pas d'acheter votre confiance, ne vous méprenez pas, c'est seulement pour que vous puissiez vous faire belle au procès. Je compte sur vous, plus que sur ma plaidoirie, pour séduire les jurés."
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