Seigneur des Éditions Libretto, Seigneur du site Babelio, nous vous sommes extrêmement reconnaissants d'avoir mis en nos mains avisées ce bien bel ouvrage. Ouvrage dont le titre est à lui-même, un voyage que disons-nous une plongée dans des temps immémoriaux : La Dame à La Licorne & le Beau Chevalier.
Qui dit temps immémoriaux dit langue d'un autre temps que bien peu de monde serait capable de ouyr et à fortiori de ouïr, sans un merveilleux travail de traduction.
Étant actuellement plongé dans un livre qui traite de ce sujet, la gageure était loin d'être gagnée, et pourtant,
Nathalie Koble a réussi un travail admirable. Travail de traduction et de passeur à nul autre pareil. Car combien de ces romans chevaleresques, arthuriens, fruits de la rencontre de la chanson de geste, et de la Fin'amor dorment dans des archives dont ils ne demandent qu'à sortir pour notre plus grand plaisir.
Car si d'aventure nous prenait l'envie de déclamer ces quelques mots
"J'ai coer et corps du tout entirement
Mis en amer, si m'en est mescheü,
Quar Amours set que j'ai moult longuement
Pour ma dame langui, que recheü
N'ai aucun bien dont me puisse esjoïr :
Par tel raison m'en doi bien departir
Et en chantant dire, puiqu'ensi va,
Pendus soit il qui jamés amera!
Pour un fou serions-nous pris et sur un écran tous ces mots seraient invariablement soulignés de rouge, tels les résultats d'une dictée du regretté
Bernard Pivot, voire celle de
Prosper Mérimée, à l'assaut de laquelle nous serions monté tel un chevalier sans armure, ni préparation, et encore moins de stratégies...
Alors qu'a la lumière d'une formidable plume de traductrice tout s'éclaircit :
«J'ai corps et âme voué absolument
Ả l'amour, je suis infortuné.
Amour le sait, interminablement
J'ai langui pour ma dame, affligé.
Je n'ai plus rien qui puisse me réjouir
Et c'est pourquoi il m'a fallu partir,
Et chantant dire le monde comme il va :
Pendu soit, qui jamais aimera !
Mais les plus curieux pourront consulter le manuscrit original et richement enluminé, sur le site de la BnF.
L'histoire dit qu'il aurait été copié pour Blanche de Navarre, on ignore si la future reine de France, deuxième épouse de Philippe VI de Valois, l'a réellement eu entre les mains. Autour de toutes ce qui ne sont que hypothèses, fort heureusement restent des certitudes :
Le manuscrit nous est parvenu, et une auteures/traductrice, se charge de nous le transmettre pour notre plus grand plaisir. Car c'est un vrai plaisir de lecture que de s'immerger dans ce roman, rythmé de poèmes à refrain, ballades, rondeaux, complainte pour les aspects littéraires.
De cette lecture du chevalier vaillant
Des pérégrinations que j'ai pu suivre
Par le monde, au gré d'aventures allant
Quel plaisir ce fut de pouvoir le lire
Au sein des plus dangereux tournois,
Car le bonheur par lui me vient
Chaque fois qu'il m'en souvient.
J'ai pu lire et ouïr des armes le fracas
À la rencontre d'êtres merveilleux,
de mon imagination à défaut de mes yeux
J'ai pu grâce à cette plume partir,
Et aux enluminures dans ce livre découvrir
Car le bonheur par lui me vient
Chaque fois qu'il m'en souvient.
Alors bien entendu, au travers de ce roman le merveilleux est loin d'être absent, le lecteur, tout comme le Beau Chevalier, croisera des sangliers à soies d'or, des femmes-cerfs, des personnages chevauchant des porcs-épics, des gerfauts qui parlent, un géant diabolique, un nain sadique, un géant maléfique....
Les chevaliers portent des noms, tous aussi improbables et merveilleux, que les lieux qu'ils traversent ou que les créatures qu'ils rencontrent :
"Le Chevalier Tronçonné, le Chevalier Malmoulé, le Chevalier Pitié, le Chevalier Boutonné, le Chevalier Gros, le Chevalier à l'Aigle, le Chevalier Hérissé, et le dernier, sans mentir, le Chevalier au Chien d'Argent.
Et puis il y en avait d'autres, dont les noms étaient extraordinaires : le Chevalier au Sanglier (qui était apprécié partout) ; le Chevalier à l'Écu mi-parti; le Chevalier au Rossignol (qui n'était pas triste, car la Dame au Chardonneret, son amie, était dans la salle. Pourtant, aucun amant n'a trouvé amie plus fausse en amour qu'elle. Son coeur était rempli d'amertume. Elle n'était pas belle, mais elle était élégante, et elle se fichait bien de lui) ; le Chevalier Brun (qui avait donné tout son coeur à une dame belle, plaisante, irréprochable, qui s'appelait, je crois, la Dame à la Mauvis. Elle avait un visage d'une clarté merveilleuse, incomparable. le Chevalier Brun avait un fls, jeune et renommé, qu'on appelait Hausse-Pied) ; le Chevalier à la Rose; le Chevalier-qui-était-gris (celui-ci m'a bien fait tre) ; le Chevalier-qui-était-maure; le Chevalier-au-long-bras."
Mais au milieu de toutes ces armes, armures, hommes d'armes reste l'amour, les amants et les amantes, rattachés à la tradition courtoise :
" Il agit comme je vous le dis : dans le royaume des Pouilles, en Allemagne, en France, en Bourgogne. partout il envoya des lettres. La fête dura huit jours, pour qu'enfin a vérité éclate au grand jour. Chacun jura et jugea que la Dame à la Licorne était la meilleure du monde et la plus belle aussi. Elle faisait I'unanimité. le roi demanda alors à chaque participant de voter en secret pour celui qui était à leur avis le meilleur chevalier du monde. Tous, sans exception, désignèrent le Chevalier au Lion: il était le meilleur du monde, il avait toutes les qualités requises, et sa beauté était à nulle autre pareille. Ce sont les mots mêmes que les chevaliers prononcèrent pour prêter serment. le roi s'en trouva ravi, car son royaume comptait un chevalier qui avait plus de valeur que nul autre vivant. Et l'amour qu'il ressentait pour sa fille se renforça lorsqu'il entendit chacun jurer qu'elle était la fine fleur de la beauté et la meilleure du monde.
Les festivités commencèrent. le roi ordonna qu' on apportât deux couronnes. Devant toute l'assistance, il en coiffa les deux amants, déclarant solennellement qu'ils étaient les meilleurs du monde."
Dans ce tourbillon je fus pris à mon grand dam
De cette lecture de la Blanche Dame
À la licorne je ressentis un immense plaisir
Non sans penser à ce « Mon seul désir »
Qui fait penser à la tapisserie merveille
Qui met nos sens en éveil
Car le bonheur par elle me vient
Chaque fois qu'il m'en souvient.
J'ai pu lire, ouïr, et rêvasser
À la rencontre de ce manuscrit du passé ,
Par une passionnée exhumé des archives
Pour qu'enfin sur ces pages il vive,
Aux futurs lecteurs je ne peux que le conseiller
Et une belle découverte je ne peux que souhaiter
Car le bonheur par lui me vient
Chaque fois qu'il m'en souvient.