Tous les soleils d’hier brûlent en nous, telle une flamme en notre cœur, et dont notre corps serait à la fois le garde-fou et le soufflet. Qu’ils soient attisés, qu’ils s’amenuisent, qu’ils s’embrasent, ravagent tout en nous, ou qu’ils nous réchauffent, nous réconfortent, ces soleils perdurent.
Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé, mais à moi, oui. J’ai été bouleversée. Non pas simplement bouleversée, j’ai été transportée, submergée, électrisée, hypnotisée et happée par ce roman.
Tous les soleils d’hier, c’est simplement l’histoire de la vie, de l’amour, de l’enfance, de la recherche et la conquête de soi. Les regrets aussi, et le temps qui passe.
« Courir dans les tournesols… marcher dans les champs de blé »
Dora Judd est enceinte, mariée, pas vraiment heureuse dans sa vie ; son mari et elle vivent modestement dans leur petite maison, et, un soir, elle se rend avec une amie à la tombola du quartier. De nombreux lots sont en vente, du whisky, une reproduction et d’autres babioles inutiles. Absente, soucieuse, elle se laisse porter par l’ambiance allègre de l’évènement. La soirée se déroule tranquillement, quand tout à coup, on l’appelle. Oui, c’est elle ! « Mrs Judd ! Vous remportez un prix ! – Prends le whisky ! » lui hurle son mari. Et les hommes de hurler « le whisky ! le whisky ! le whisky ! ». Premier acte de rébellion, elle choisit la peinture. Une reproduction des Tournesols de Van Gogh qu’elle accrochera dans son salon, première fenêtre sur l’infini de possibilités qui s’offrent désormais à elle. Première fenêtre sur une liberté promise…
« Retrouver les parasols… et le goût des nuits d’été »
Une décennie plus tard, Ellis rencontre Michael. Les deux comparses se lient d’amitié au premier regard. Ellis est le fils de Dora et Len ; Michael, lui, se retrouve chez Mabel, la commerçante du quartier, qu’il ne connaît pas, sa mère est partie de la maison et il se retrouve à présent à vivre avec cette femme, « qu’il va devoir apprivoiser comme s’apprivoisent des chiens qui se reniflent avant de pouvoir s’accepter ». Très vite, Michael voit en Dora la mère qu’il n’a jamais eue, une femme admirable, une mère, douce, protectrice, poétique, élégante, et Ellis l’accepte. Tacitement, un lien indéfinissable croît entre ces trois êtres, bercés par la chaleur des tournesols dans leur morne quotidien. Dora devient la muse de Michael, avant de disparaitre, emportée par la maladie. Délaissé par son père, intimement chassé de chez lui par cette odeur de parfum qui n’est pas celle de de sa mère, Ellis trouve refuge chez Mabel. Avec Michael.
Sera-ce ce même élan artistique, cette même soif d’absolu, d’amour et de liberté qui tissera la toile d’une attirance innommée ? Peut-être… Les adolescents se retrouvent dans la chambre, les nuits, à s’adonner au plaisir de la chair, entièrement, irrévocablement, aveuglément. Passionnément.
Si l’un sait que ses sentiments sont purs et ne les réfute pas, l’autre n’en parle pas. Pas ici. Ils grandissent, pourtant, l’un dans l’ombre de l’autre, se trouvent des filles, sortent avec elles, mais irrémédiablement au coucher du soleil, leurs deux corps s’unissent encore. Toujours.
Mais pas ici. Alors, les adolescents, à l’aube de leur fougue, transportés par l’espoir des rêves se rendent pour une semaine en France. Ils s’y aiment. Librement. Sauvagement.
Pour Michael, l’ivresse est totale. Enfin ! Enfin il peut aimer, sans soucis, sans réfléchir, sans peur ! Mais Ellis ? Au lendemain de l’amour, après le désir, son assouvissement, c’est la gêne et la honte qui émergent.
Dans le train du retour, Michael contemple par la fenêtre les paysages dont ils rêvaient, promesses de jours meilleurs et d’avenir non contrarié, d’amour à profusion. Car que devrait être la vie sinon la pure et simple liberté d’être soi ?
« Les chevaux qui caracolent… les souvenirs, les démêlés »
Elle s’appelle Annie. Ellis l’a rencontrée alors qu’il livrait chez elle un sapin la veille de Noël. Elle l’a eu. C’est aussi simple que cela. Il n’y a rien à expliquer, il n’y a pas à dire, elle est belle, elle inspire l’amour. Il n’y a plus qu’une place à céder. L’un chasse l’autre… et l’autre part, il fond comme neige au soleil, il devient poussière, il disparaît. Annie et Ellis se marient, Michael les accompagne, et puis s’échappe.
Il s’en va retrouver les tournesols. Le Sud de la France. Pour vivre, pour oublier, pour s’échapper de son quotidien, de ses douleurs, de ses amours déchues, ces hommes qu’il a rencontrés, et qui l’ont éprouvé. Il se ressource, au soleil, au doux son des cigales, entouré du jaune des tournesols, c’est son soleil à lui, il fait revivre ce qu’il a de plus profond, son amour pour Dora, son amour pour Ellis, son seul et grand amour…
« Et les pastilles de menthol… Le goût de la liberté… »
Sur la photo, Michael est entouré d’Ellis et de Dora, comme si la force, la subsistance, n’existait que par sa présence à lui, et lui seul. La photo est vieille, cela fait bien longtemps qu’Ellis ne l’a pas regardée… Que reste-t-il de tout cet amour, de cette folie, de cette insouciance ? Où tout cela est-il passé à présent ? Dites-le-moi ! Faites-moi comprendre… Quand a-t-il été trop tard ? Quand la machine s’est-elle emballée et à quel moment tout s’est envolé ?
Tous les soleils d’hier un jour s’éteignent, s’éloignent, jusqu’à devenir un lointain souvenir que l’on peine à contempler, telle une étoile filante qui se meurt dans l’immensité du ciel… Un mirage, une chimère… Une absence qui fait mal, mais une douleur que l’on apprivoise… L’espoir d’un Et si ? … qui se meurt en Pourquoi ? …
(Paroles de Marc Lavoine – Les Tournesols)
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