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Replay de l'émission du 06/05/2024.
Discussion sur l'offensive transphobe avec la journaliste Rozenn le Carboulec, spécialiste des questions LGBTQI+.
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Je crois que l'on a aussi besoin de ce type de récit sur le bien nommé « mariage pour tous », pour rétablir une certaine vérité - la nôtre - sur des débats dont le tout-venant se souvient parfois à peine, ou comme d'une anecdote lointaine, alors qu'ils ont marqué, pour ne pas dire traumatisé, des générations entières de personnes LGBT. Nous n'avons pas le privilège de pouvoir qualifier cette période de « scorie de l'histoire », parce que cette histoire, c'est la nôtre. Une histoire avec un grand H, comme humiliation, comme homophobie.
Nous étions nombreuses et nombreux, témoins des rassemblements de LMPT, à se demander combien, parmi les enfants présents, allaient se découvrir lesbienne, trans, bi•e ou gay. Nous nous imaginions l'ampleur du traumatisme, de prendre conscience qu'on défilait en réalité contre ses propres droits. Contre soi. Quelques années plus tard, ça n'a malheureusement pas loupé. Nos craintes étaient bel et bien fondées. Toute une génération de jeunes traînés aux « Manifs pour tous » par leurs parents souffre d'une réelle dissonance cognitive.
Mis à part les personnes concernées, personne n'a idée des traces que ça peut laisser. Et je crois qu'il serait profondément malhonnête, voire indécent, d'oser affirmer aujourd'hui que les personnes LGBT n'en sont pas sorties humiliées. Intimement, car questionnées dans leur chair. Publiquement, car livrées en pâture à la France entière à la fois par des politiques, des médias et des manifestants, et, parfois même, par les leurs.
Ainsi, contrairement à ce qui était - et est parfois encore - revendiqué par les opposants, il ne s'agissait pas d'une mobilisation « pour ». LMPT ne défendait en rien une réforme ou des droits complémentaires. Elle manifestait « contre » un projet de loi. Contre la possibilité, pour certains couples, de se marier et d'adopter.
L'Église est ainsi le deuxième cadre, après la famille, dans lequel le taux de prévalence des victimes d'agressions sexuelles est le plus élevé. Ces deux milieux ont plus d'un point commun, mais un, en particulier, ne peut nous échapper : la figure du « père » y est intouchable, supérieure et indétrônable.
Aux personnes LGBT, ces débats auront coûté des nuits d'insomnie, des agressions en tout genre, leur dignité, pour certain•es leur vie. C'est cette humiliation-là, trop longtemps ignorée, dont il me semble important de parler aujourd'hui.
Je repense au grand monsieur que j'ai photographié, dissimulé sous son chapeau et ses lunettes noires, je repense aux consignes vestimentaires et comportementales données aux manifestants, je repense à cette foule tout en rose et bleu. Et je me dis que cette « masse sans nom qui se cache », ce n'est en réalité pas nous, c'est eux.
Puisque l'on parlait de records, en voici un autre : en 2013, le nombre de témoignages reçus par SOS Homophobie a augmenté de 78 % par rapport à l'année précédente - 3517 contre 1977 en 2012. Depuis la création de son rapport sur les LGBTphobies en 1997, l'association n'avait jamais autant été sollicitée. Conséquence d'une plus grande visibilité et liberté de parole sur ces sujets, mais aussi - et surtout - de débats d'une violence inouïe sur les droits, et souvent l'existence même, des personnes LGBT.
Après la promulgation de la loi du « mariage pour tous », les militantes lesbiennes espéraient encore voir la procréation médicalement assistée inscrite dans la loi famille. Pour elles, contrairement à d'autres activistes LGBT, la bataille était très loin d'être terminée.
Loin de protéger entièrement les familles homoparentales, la loi dite du « mariage pour tous » instaure dans le même temps une nouvelle discrimination pour les couples de femmes ayant recours à une PMA à l'étranger. Ainsi, celles-ci sont dans l'obligation de se marier avant de pouvoir lancer une procédure d'adoption de l'enfant né par PMA - seul moyen pour la deuxième mère, la mère dite « sociale », « d'intention » ou non biologique, d'établir un lien de filiation entre elle et l'enfant. Or, outre son caractère humiliant et intrusif, cette procédure prend en moyenne une année.