Citations de Laure Manel (769)
J'ai toujours été un peu transparente, aussi volatile qu'un parfum qui ne tient pas une journée.
Je mange tout seul en bas, et je me sens con. Pourtant, je mange tout seul tous les jours, ou presque. C'est de savoir qu'elle est là-haut et qu'elle sait que je suis en train de manger en bas. Je suis allé la voir tout à l'heure. Enfin, voir… Pas vraiment : je lui ai demandé à travers la porte si ça allait, si elle voulait quelque chose. Elle a juste dit : " ça va, non merci ", d'une toute petite voix qui ment un peu. Plus de vingt-quatre heures qu'elle n'a rien mangé. A moins qu'elle ait des réserves dans son sac à dos, je ne sais pas.
Aimer, c’est aussi ça : vouloir que l’autre soit heureux, même de loin, même si ce n’est ni avec ni grâce à nous.
Je ne suis rien... pour quiconque, et ce depuis toujours. Je ne compte pas. Je n'ai jamais compté, je n'étais pas assez, ou bien j'étais trop... mais jamais comme il l'aurait fallu. Jamais. Je suis au monde, m.ais je ne suis rien. J'existe mais je ne vis rien. Et ici, dans cet univers reculé où j'ai choisi d'échouer, je suis, encore une fois, une moins que rien, celle qu'on ne retient pas, qui ne compte pas. Invisible, aussi inutile et transparente que l'écume foulée par les sabots d'un cheval.
Je regarde ses mains pendant qu'il coupe les légumes, et je ne le pense plus du tout à la cuisine. Je les imagine sur moi.
C’est facile de juger a priori. C’est comme les grandes leçons sur l’éducation donnée par ceux qui n’ont pas encore d’enfants. C’est drôle comme le discours change, après… On fait ce qu’on peut, comme on peut, avec ce qu’on a !
–Devant ce panorama aussi, vous êtes blasé ?
–Pourquoi dis-tu cela ? demande-t-il, étonné.
–Vous ne regardez pas…
–Je le connais par cœur.
–Ah oui ? Mais ces nuages en troupeau, là-bas, par lesquels le soleil fuse difficilement, ils n’étaient pas là la dernière fois que vous êtes venu, si ?
Il trouve sa remarque étonnante plus qu’insolente, et regarde ce qu’elle lui désigne avec son doigt.
–Et ces oiseaux qui tournoient ? Et ce tapis de fleurs violettes ? Est-ce que ça sentait la même odeur ? Est-ce que vous entendiez aussi siffler les marmottes ?
Antoine n’a même pas prêté attention à tout cela.
–Vous qui n’avez jamais le temps… Pourquoi ne le prendriez-vous pas maintenant pour apprécier ce qui vous entoure comme il se doit?
La vie est faite de désir, d’envies, de projection dans l’avenir. Sinon l’esprit se meurt et le corps s’assèche.
La solitude, quand elle est pleine et vivante, est aussi un cadeau... bien plus qu'une vie de couple bancale et insatisfaisante.
Il se met à pleurer en revoyant le moment où il s’est assis à son bureau et qu’il a vu le cadre avec la photo de Rapha qui lui sourit. Elle le lui avait offert quelque temps après leur rencontre. Sur la photo, elle tient une ardoise d'écolier où il est écrit « Est-ce que tu m’aimes comme je t’aime ? ». Il lui avait répondu par un cadre photo qu’elle avait à son tour posé sur son bureau, où il tenait le même type d’écriteau et où il y avait écrit : « Oui…pour toujours. » Un truc idiot de jeunes amoureux…
Ses yeux sont secs et ses larmes, intérieures, sont glacées. En apnée, il avance vers le lit de mort. Il tend sa main, secouée de tremblements, vers celle de Raphaëlle à la parfaite immobilité. Aucun souffle de vie ne parcourt plus ses cellules, mais sa main n'est pas encore froide. Il la prend, la serre, et sa bouche se tord de douleur au contact de son aimée disparue. Des larmes déferlent sur ses joues et bientôt les sanglots agitent son corps voûté. Il voudrait s'effondrer sur elle. Est-ce la bienséance ou la pudeur qui le fait renoncer ? Il se maintient autant qu'il le peut. Pleure le plus silencieusement possible, mais ses cordes vocales vibrent d'un chagrin incommensurable.
Oui, parfois, on voudrait trouver un coupable. Mais qui invoquer ? Le hasard, la malchance, la vie ? Dieu ?
" Il n'y a pas de hasard(s) , il n'y a que des rendez- vous.
La nuit n'est jamais compléte
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée . "
PAUL ÉLUARD, Derniers Poèmes d' Amour .
Vous avez plein de qualités et vous êtes très jolie. Ce qui vous manque, c'est le sourire intérieur, celui qui transparaîtra quand vous croquerez la vie à pleines dents.
Et pour la grande échelle, ce serait aussi pas mal que les grands de ce monde prennent enfin leurs responsabilités et de grandes décisions... sans mettre le financier en haut des priorités. Quand les tempêtes seront quotidiennes, que des millions de gens mourront à cause de la pollution, que la banquise n'existera plus, que l'eau douce sera devenue de l'or, que certains pays seront engloutis sous les eaux, qu'il n'y aura plus d'insectes, plus d'écosystèmes viables, que les chaînes alimentaires seront brisées, qu'une majorité d'espèces ne sera plus visible qu'au zoo... qu'en sera-t-il de notre Terre ? Les hommes sont en train de tout détruire à une vitesse vertigineuse. En un siècle, quand on y pense, il faut voir comme tout a changé. Et on appelle ça « le progrès »...
Que veut-il faire de sa vie ? Il y a peu de temps, il a lu un article qui l'a interpellé. Il s'agissait de la "course à l'avoir" que les jeunes adultes disputent à peu près tous : il faut avoir un métier, avoir une femme ou un mari, avoir une maison, avoir des enfants, peut-être avoir un chien...mais aussi avoir de l'argent. Antoine avait tout ( sauf le chien)...Il a...mais qui est-il ? Vit-il une vie en accord avec son être profond ?
- Personne ne pourra te remplacer à ses yeux, continue sa mère, visiblement atterrée par l'indifférence de son fils. Tu te leurres complètement !
- Il ne s'agit pas de ça ! Je serai là... Je ne sors pas de sa vie !
- Antoine... C'est tout comme... Elle va se sentir abandonnée... pour la deuxième fois !
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Je crois qu’au fond les célibataires font peur aux couples… Comme s’ils étaient porteurs d’une maladie contagieuse. C’est vrai que ça les renvoie à leur finitude… Personne n’a envie de se confronter à la fin potentielle de son couple.
-Tu n'as pas été baptisée, tout simplement.
- Pourquoi ?....
- Disons que j'étais trop fâché avec Dieu, après ta naissance, pour avoir envie de t'enchaîner à lui. Et après, je me suis dit que je préférais te laisser choisir. Il n'y a pas d'âge pour être baptisé. La foi, c'est très personnel. On l'a ou on l'a pas. On peut aussi la perdre en cours de route...La vie n'est pas linéaire, ma Lou.
Depuis presque sept ans, je navigue entre des femmes comme un bateau qui va d'ile en île pour faire escale. Seulement escale. Tout en évitant les récifs.