interview sur France Culture de James Galbraith (1952), fils du brillant économiste John Kenneth Galbraith
La politique consiste à choisir entre le désastreux et le désagréable.
(Politics is not the art of the possible. It consists in choosing between the disastrous and the unpalatable.)
La bonne foi pourrait même conduire à admettre, lorsque l’emploi fait défaut, et face à l’amoralisme des prélats de la corvée, que la rationalité économique la mieux pensée commande de proclamer l’institution du chômage volontaire. En effet, lorsque la pénurie s’installe, mieux vaut frustrer ceux qui ont le moins besoin du « bien » tant désiré.
Le facteur important qui contribue à l'euphorie spéculative et à l'effondrement programmé, c'est l'illusion que l'argent et l'intelligence sont liés.
Il y a deux manières de favoriser le retour au travail des chômeurs : L'une est de rendre inconfortable ou précaire la vie de ceux qui reçoivent une allocation chômage; l'autre consiste à faire que la perspective d'un emploi devienne viable et attrayante.
« Quand on est RMiste, relevait ingénument Le Point du 28 septembre 2006, on a aussi droit à : l’allocation-logement à temps plein ; la suspension de ses dettes fiscales ; l’exonération de sa taxe d’habitation, de sa redevance, de sa cotisation à la couverture-maladie universelle ; l’accès gratuit à la complémentaire santé de la CMU ; la prime de Noël ; le tarif téléphonique social ; la réduction dans les transports, la gratuité des musées, diverses allocations supplémentaires (en fonction de son lieu d’habitation) ». […]
Ni M. François Pinault, propriétaire du Point, ni M. Serge Dassault, propriétaire du Figaro, n’ont habitué les lecteurs de leurs publications à entourer d’autant de faveurs les contrôles de l’Etat, qu’en général ils jugent tatillons, bureaucratiques, inquisitoriaux, surtout quand ceux-ci concernent les grosses entreprises et les riches. Mais il est vrai que MM. Pinault et Dassault comptent au nombre des cent plus grosses fortunes du monde... Avec 11,5 milliards de dollars pour le premier, 9,3 milliards de dollars pour le second, l’un et l’autre disposent d’un montant presque équivalent à ce que coûte chaque année le RSA pour la totalité des Français.
Émissaire de la révolution américaine à Paris et rédacteur de la Déclaration d'indépendance, Benjamin Franklin estimait en 1776 que, « plus on organise des secours publics pour prendre soin des pauvres, moins ils prennent soin d'eux-mêmes et, naturellement, plus ils deviennent misérables. Au contraire, moins on fait pour eux, plus ils font pour eux-mêmes, et mieux ils se tirent d'affaire. » En somme, abandonner les indigents à leur sort serait un moyen de leur rendre service. L'avarice devient ainsi une forme intellectuellement avancée de générosité humaine, voire, osons le mot, d'aide sociale.
Les limitations qu’impose la fiscalité à la liberté des riches sont néanmoins bien peu de choses en regard du surcroît de liberté apporté aux pauvres quand on leur fournit un revenu.
Ainsi, Total, dont le résultat net atteignait 10,5 milliards d'euros en 2010, n'a pas payé d'impôt sur les sociétés cette année-là. On conçoit donc volontiers qu'un ministre français, M. Laurent Wauquiez, ait dénoncé le "cancer" de l'"assistanat". Magnanime avec Total, son gouvernement a cependant su récupérer 150 millions d'euros ailleurs, en fiscalisant les indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail.
A chaque fois, les exceptions l'emportent sur la règle.
Riches, instruits, intelligents (le plus souvent...), c'est en effet en connaissance de cause qu'il défendent une philosophie sociale conçue à leur avantage et qui, sans qu'on la caricature trop, se résume presque toujours ainsi : les riches seraient plus entreprenants s'ils payaient moins d'impôts, les pauvres seraient plus travailleurs s'ils recevaient moins de subsides. (Serge Halimi)