Deuxième épisode de notre podcast avec la romancière et scénariste Tiffany Tavernier. Nous avons eu la joie de l'accueillir à la librairie Dialogues à l'occasion de la parution de son roman "En vérité, Alice" (éd. Sabine Wespieser). C'est un livre qui parle d'emprise, mais aussi de sainteté, et dans lequel on plonge comme dans un tourbillon, tant sa construction magistrale nous happe.
D'où vient un sujet de roman ? Comment travaille-t-on le rythme de l'écriture ? Et comment naît la langue de chaque roman ? Dans cet épisode, c'est au coeur de la fabrique du roman que Tiffany Tavernier nous invite.
Voici les références des livres évoqués dans cet épisode :
- Roissy, de Tiffany Tavernier (éd. Sabine Wespieser/Points) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/15589407-roissy-tiffany-tavernier-points ;
- L'Ami, de Tiffany Tavernier (éd. Sabine Wespieser/Points) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20433427-l-ami-tiffany-tavernier-points ;
- En vérité, Alice, de Tiffany Tavernier (éd. Sabine Wespieser) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23005361-en-verite-alice-tiffany-tavernier-sabine-wespieser-editeur ;
- le Cratère, d'Arièle Butaux (éd. Sabine Wespieser) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23280125-le-cratere-ariele-butaux-sabine-wespieser-editeur ;
- Pantelleria, de Giosuè Calaciura (éd. Noir sur blanc) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22326122-pantelleria-la-derniere-ile-giosue-calaciura-les-editions-noir-sur-blanc ;
- Les Plaines, de Federico Falco (éd. Scribes) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22502938-les-plaines-federico-falco-scribes ;
- tolstoï, de Stefan Zweig (éd. Libretto) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21661783-tolstoi-stefan-zweig-libretto ;
- La Sagesse de l'idiot, de Marto Pariente (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22871645-la-sagesse-de-l-idiot-marto-pariente-gallimard ;
- Refuge au crépuscule, de Grégoire Domenach (éd. Christian Bourgois) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23287814-refuge-au-crepuscule-gregoire-domenach-christian-bourgois.
Invitée : Tiffany Tavernier
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage
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Vous cherchez à comprendre comment le monde s’est brisé, et pourquoi. Vos photos parlent de ces choses-là. Je le sens. Elles parlent de cette détresse. Je vous ai parfois critiqué, c’est vrai, mais je dois dire que quand j’ai vu vos photos, elles m’ont touché… Vous et moi, nous sommes de la race de ceux qui cherchent. De la race de ceux qui chercheront toute leur vie et qui mourront sans avoir jamais trouvé, mais ce n’est pas grave. Non, ce n’est pas grave tant que l’âme ne se nécrose pas.
Un jeune homme ne devrait jamais perdre de vue que l'âge ruinera un jour son corps, sa force, ce royaume du désir ...
On fait de la mise en scène, de la psychologie ... de l'idéologie, sans cesse ... on s'imagine un rôle, une posture. Toutes ces choses pour se rassurer, c'est bien légitime, mais au fond, on arrive plus à s'oublier. Partout, on nous vole notre âme. Ou pire, on la donne, on la cède. Ce siècle nous montre à quel point l'homme est un mollusque, une grosse moule. Oui. Une moule qui ouvre sa coquille pour donner son âme, et se laisser dévorer dans la casserole. L'homme est une moule à l'agonie. Et après ça, dans la casserole, la moule se plaint que l'eau est trop chaude, trop salée, que ça sent la catastrophe ... mais c'est trop tard ...
Après ce siècle, ç'en est fini de l'homme ... Du moins de l'homme qu'on a connu depuis des centaines et des centaines de milliers d'années. Pour l'instant, on se prend en photo, tout va bien, on se branle sur les algorithmes, mais la nature nous fout dehors ... Les écrans nous bercent encore un peu, tout ça nous aide à oublier le chaos à deux pas de la porte, mais ça ne va pas très loin.
Les moules sont cuites si vous voulez mon avis.
« Sur les rives on distinguait mal la cime des arbres, tout juste quelques branches cassées qui surgissaient comme des pieux entre les formes exubérantes des saules et des ormes. La rivière s’enfonçait dans la brume, une odeur de terre glaise et de vase flottait dans l’air .
L’humidité poissait sur nos visages et la barque dérivait depuis de longues minutes , sans aucun bruit » .
« C’est à mon ombre seulement que je puis parler comme il faut » .
SADEGH HEDAYAT .
Arstan aurait très bien pu continuer à vivre en Europe, assis paisiblement au fond d’un fauteuil à bascule, avec vue sur le Rhin. Mais non, lui, il ne voulait pas du confort. Il n’a jamais voulu de la vie facile… Il est rentré en Asie centrale pour défendre la nature, le monde sauvage, les animaux en péril. C’est son grand combat. Il a conscience qu’il sera vite oublié, mais il aura essayé de sauver quelque chose dans le désastre. Comme tous les idéalistes.
Le soleil jaillit soudain de derrière un éperon rocheux. Les versants lustrés par le vent furent inondés de lumière et prirent la forme de grandes ailes pailletées d’or. Bientôt, c’est toute la montagne qui brasilla sous nos yeux. Plus haut, sur les faces orientées au nord, les pentes se nervuraient de glace bleue, et encore plus en altitude, sur les cimes déchiquetées, la neige se soulevait comme la crinière d’un cheval.
Mets ton œil dans le viseur, là. Tu vois. Quand tu appuies sur le bouton, celui-ci déclenche l’obturateur et lui ordonne de s’ouvrir. Alors, la lumière entre. Elle passe à travers l’objectif et le diaphragme pour atteindre la pellicule, tu comprends ? La photo, c’est d’abord le voyage de la lumière. C’est recueillir la lumière. C’est s’appuyer sur son énergie pour sculpter une image.
« J’eus l’impression, malgré nos rapports « d’inconnu à inconnu », que Lazare était un homme encore capable d’amitié…..
Une amitié comme une Atlantide , néanmoins engloutie sous la misanthropie, la douleur et la tristesse qu’il y a de vivre, mais un sentiment d’amitié inexpugnable .
Les choses avançaient, et à la fin, personne n'avait d'emprise sur ce mouvement dont rien ne semblait altérer l'accélération. Tout le monde semblait dépassé, mais la télévision donnait aux gens fatigués le soir, de quoi penser le contraire, de quoi faire croire qu'ils avaient encore leur importance ...
Après tout, ils pouvaient voter au travers d'un téléphone lors d'émissions éliminant de jeunes candidat, sur une île déserte ou dans une académie de chansonniers. C'était bien, ça, mais leur vie restait d'une insignifiance absolue ...
Il s'en rendait bien compte désormais, qu'on l'avait trompé pendant tant d'années.