Avec un roteiro rédigé sur les textes de Gilberto Freyre, le film documentant la vie quotidienne et la méthode de travail de l'écrivain et du sociologue, dans sa maison d'Apipucos : ses pratiques gastronomiques, sa vie de la morale, son exercice intellectuel et sa pratique avec des divisions spécifiques.
Quand la société brésilienne s'organisa en 1532, économiquement et juridiquement, tout un siècle s'était déjà écoulé, de contact étroit entre les Portugais et les Tropiques; ce peuple avait déjà démontré, dans l'Inde et l'Afrique, son aptitude à vivre la vie tropicale.
Ce fut aussi le nègre qui anima la vie familiale brésilienne de son exubérante gaieté. Le Portugais, déjà mélancolique par tempérament, devint au Brésil taciturne et morose; ne parlons pas du cabocle* : silencieux, méfiant, d'une tristesse maladive. Son contact ne fit qu'accentuer la mélancolie portugaise. Le grand rire des nègres brisa cette "tristesse vile et éteinte" qui rendait étouffante la maison des maîtres.
p.400
*note du contributeur: cabocle: En général, métis d'Indien et de Blanc.
Le Brésil s'est formé sans que les colonisateurs se préoccupent d'unité ou de pureté de race. Pendant tout le cours du XVIe siècle, la colonie est restée ouverte à tous les étrangers pourvu qu'ils fussent catholiques.(...)
On craignait, dans le non-catholique, l'ennemi politique capable de briser ou d'affaiblir cette solidarité qui s'était développée au Portugal en union avec la religion catholique.
pp. 60, 61 et 62
La loi du 7 janvier 1453 de D.Denis, selon le général Morais Saermento, "ordonnait d'arracher la langue et de brûler vivants ceux qui parlaient mal de Dieu"; pour s'être livré à la magie amoureuse*, comme pour d'autres crimes mystiques et imaginaires, le Portugais des XVIè et XVIIè était "exilé pour toujours au Brésil".
* Morais Sarmento, D.Pedro I e sua Epoca, Porto, 1924.
La lutte des deux civilisations a eu comme conséquence que les noms des animaux et des plantes se sont conservés dans la langue indigène et se sont transmis plus aux descendants analphabètes des Indiens de l'intérieur, qu'à la civilisation, plus européenne ou africaine, du littoral et des régions agricoles. Plus il y aura de communication entre les deux aires culturelles, et plus celle qui est la moins intellectuelle, la plus instinctive, celle qui garde dans son analphabétisme, le plus grand nombre de connaissance indigène de la flore ou de la faune, fournira à l'autre, à la plus européenne, un riche contingent de valeurs natives, encore sans fonction vive et créatrice dans la société brésilienne.
De Recife, destination inaugurale de son voyage, Simone de Beauvoir se souvient de l'heure du déjeuner au quai où elle a pris sa première « batida : un mélange d'eau-de-vie de canne – cachaça – et de citron », essayée maracujá, « le fruit de la passion», et la farine de manioc.1 La philosophe se souvient aussi de la visite d'une ferme particulière qui retint son attention en raison de son organisation particulière : à l'image des descriptions de la vie rurale dans Casa-Grande & Senzala (1933), par le le sociologue brésilien Gilberto Freyre. Comme dans l'ouvrage célèbre, la ferme était représentée ainsi : « en bas, les habitations des travailleurs, le moulin où se broient les cannes, une chapelle au loin ; sur la colline, la maison » et « le jardin en pente douce, ses arbres, ses ombres, ses fleurs, l'onduleux paysage de cannes à sucre, de palmiers et de bananiers »
Si des Indiens de si bonne apparence échouèrent, une fois incorporés au système économique colonial, c'est qu'on les fit passer trop brutalement de l'état nomade à l'état sédentaire, de l'activité sporadique à l'activité continue et que leur métabolisme s'est altéré désastreusement à ce nouveau rythme de vie et d'effort physique. Ni l'igname ni les fruits ne suffisaient maintenant à l'alimentation du sauvage, soumis au travail d'esclave dans les plantations de canne. Le résultat, c'est que dans l'agriculture il devint ce travailleur fatigué et mollasse que l'on dut remplacer par le nègre. Celui-ci, appartenant à un niveau plus élevé de civilisation, correspondait mieux aux nécessités brésiliennes de travail intense et d'efforts physiques continus.
Tout Brésilien, même quand il est clair et qu'il a des cheveux blonds, porte dans l'âme (si ce n'est dans l'âme c'est sur le corps: beaucoup de gens ont la tache mongolique au Brésil) l'ombre ou la marque de l'indigène ou du nègre.
La sexualité des nègres africains a besoin d'excitations: danses aphrodisiaques, culte phallique, orgies. Alors que l'appétit sexuel du civilisé ne nécessite pas de grandes provocations.
p. 300
Et les relations sociales entre les conquérants et les vaincus ne s'aiguisèrent jamais jusqu'à ce grincement d'antipathie et de haine qui nous perce les oreilles - tant il est aigre- des pays de colonisation anglo-saxonne et protestante. Elles ont été lubrifiées ici par l'huile lubrique des unions sexuelles, soit libres et condamnées, soit régulières et bénies par les Pères, prônées à la fois par l'Eglise et par l'Etat.