Aujourd'hui nous avons eu le plaisir d'accueilli Christian Blanchard pour son nouveau roman Tu ne seras plus mon frère aux Éditions Belfond.
L'histoire de deux frères franco-syriens auparavant très unis, découvrent que l'amour fraternel n'est parfois pas assez fort.
"Je voulais que le lecteur puisse découvrir la guerre syrienne mais vue de l'intérieur cette fois là".
On a les enfants que l’on mérite.
« Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite le quartier de la Goutte-d’Or, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et il faut le comprendre, si vous y étiez, vous auriez la même réaction. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela ».
Je me tourne,me retourne sur mon lit.Je me lève, fais des pompes,me recouche en sueur.La fièvre monte.Je ne tiens plus en place.Ma cellule est trop petite.La solitude est une ennemie insidieuse.Elle s'accroche à vous et ne vous lâche plus.Elle est en train de me bouffer de l'intérieur.
Je vais finir fou si je ne sors pas d'ici.L'année 2002 sera ma dernière dans cette prison.
Bientôt je serai libre.Peu importe de quelle façon. (p 201)
Qui ne rêve pas n’a pas d’avenir.
Chaque corps avait été nettoyé et revêtu de son uniforme de parade. Visage maquillé. Aucune trace de blessure visible. Leurs familles devaient garder un souvenir positif de leur fils ou de leur mari mort en héros, pour la défense de la paix..., disait-on.
(p. 170)
- On ne garde pas tout. Celui-là, par exemple il est pas assez gros. On le balance par dessus bord.
- Ils sont pourtant mangeables, non ?
- On n'a pas le droit. Les règlements sont ce qu'ils sont. Trop petit, on remet à l'eau.
- La plupart sont morts. C'est con !
Rien ne dit dans les textes qu'on trie et rejette à la mer du poisson vivant. Ils ne sont pas à la bonne taille, on remet à la baille. Si on a un contrôle et qu'on est chopé avec des poissons dans les cales en dessous de la dimension réglementaire, on paye un max. Tout le monde s’en fout de savoir s’ils sont vivants ou morts. T’as compris ?
- C’est con !
- Sûrement, mais c’est comme ça ! Hop ! Au boulot !
La nuit accentuait les peurs. De puissants spots éclairaient le pont mais aux alentours, le noir profond régnait en maître. Pas la moindre lueur pour se raccrocher à une terre. Pas une seule étoile pour donner de la profondeur à l'espace. L'éclairage du navire se reflétait sur l'écume des vagues qui enveloppaient les marins. Juste pour agrémenter un peu plus leur angoisse.
Je rejoins Cicéron : si je ne sais pas d'où je viens, je resterai à jamais un enfant. C'est ce qui s'est passé. Comment devenir adulte, un être équilibré, si je ne connais pas mon passé ?
- J'ai des histoires drôles sur les Juifs et les Arabes. En voulez-vous une ?
- T'es sûr que c'est bien le moment ? lui demanda Franck.
- Non, mais on saura au moins pourquoi on se fera la gueule, les uns et les autres.
Il racontait les faits, les blessures. Les plus terribles étaient celles laissées par l'explosion de bombes artisanales, de mines antipersonnel ou de grenades à fragmentation.
L'objectif était clairement d'amputer, de blesser. Un mort ne coûte pas cher. Par contre, un militaire mutilé, c'est de profondes blessures psychiques. Le handicap pose question à une population qui n'est pas en guerre. Les soldats occidentaux de retour au pays dans cet état interpellent le bon sens patriotique.